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Parasites d'un soir

Publié le 16 mars 2012 par Mikatxu @crystalfrontier
Cela aurait du être une expérience sublime, un moment privilégié avec un des meilleurs songwriters US, mais ce concert de Damien Jurado a été lourdement parasité par quelques personnes, ce qui a donné une drôle d'ambiance, et pas mal gâché le feeling de la soirée.
Parasites d'un soir  Je serais plus indulgent je pense avec les deux jeunes femmes, manifestement bourrées, qui ont essayé d'établir le contact avec Damien Jurado, avec un discours visiblement assez décousu et qui a interrompu le set pendant quelques minutes, l'Américain ne cachant pas sa perplexité devant ces deux phénomènes.
Mais le plus gênant est venu d'un jeune homme, qui a interpelé le songwriter avec ce discours, à la fois clair et opaque : "Where is Damien Jurado ? I'm lost, and you have a fucking great band, but where is Damien Jurado ?". Bon, il voulait dire qu'il était nostalgique de l'époque, pas si lointaine d'ailleurs, où Damien Jurado jouait seul avec sa guitare. Les gens qui étaient venus pour le concert en toute connaissance de cause (c'était annoncé qu'il avait son groupe avec lui) ont donc du attendre la tentative de pédagogie de l'Américain, expliquant qu'il est resté le même, qu'il a enregistré les derniers disques avec un groupe, et que c'est la même musique qu'il interprète là. Mais non, ça ne passait pas, car notre "ami" d'un soir était empêtré dans ses contradictions, nous pourrissant le concert au gré des nœuds dans sa tête.
Comment peut-il dire au musicien aimer "St Bartlett" (je n'ai pas entendu son avis sur "Maraqopa"), pourtant déjà riche de la (magnifique) production de Richard Swift et d'un autre côté regretter l'interprétation fidèle des mêmes morceaux, y compris dans leur subtilité, par un groupe qui n'a rien d'une bande de manchots, et qui savait servir les chansons sans se mettre en avant de façon excessive.
Mais surtout, pourquoi le dire en plein milieu du concert, au plus grand mépris (dont il débordait sans le cacher, il a reconnu son égo abusif après le concert) des autres spectateurs ? Il arguait (avec une jeune fille qui l'engueulait copieusement) qu'il ne fallait pas mettre l'artiste sur un piédestal, que c'était son droit, qui prévaut donc, vous l'aurez noté, sur celui des autres spectateurs d'écouter le concert tranquillement. Et de dire que c'était plus facile de le dire ainsi qu'en backstage, comme si c'était impossible.
Eh bien non. C'est juste lâche, et faux. Faux, parce que mon pote The Muffin Man a pu échanger quelques mots avec lui et ses musiciens, faire une photo avec lui. Il était accessible, et ça ne dérangeait personne. Et lâche, parce qu'il a pris l'audience comme témoin, comme protection, comme si nous étions de vulgaires casques bleus. Mais on se foutait pas mal de ses états d'âme, par ailleurs tout à fait valables, ce partage public était juste inintéressant au possible. Après le concert, il n'avait qu'à aller fumer une clope avec Damien Jurado, lui parler de ton ressenti. Par contre, je ne sais pas comment aurait réagi le groupe, "inutile" à ses yeux.
Il était aussi faux de dire qu'il faisait la gueule sur scène, à un point visiblement incroyable pour ce spectateur décidément envahissant : rien de particulier par rapport au reste du temps. En tout cas, ça n'a à mon sens aucune valeur comme jugement, et en tout cas aucun intérêt. S'il avait voulu être désagréable, il aurait dit aux parasites de dégager, mais au contraire, il a explicité, discuté, interrompu son set. De plus, pour un type qui "a accompagné des tas de groupes", notre ami n'a pas du voir certains artistes aussi peu avenants sur scène : Hope Sandoval, PJ Harvey, Bonnie 'Prince' Billy ou Faris Badwan ne sont pas des chantres de la blague sur scène, du bon mot. La musique de Damien Jurado est au contraire en accord avec une attitude retranchée, un peu obscure. Il ne fait pas de la pop que je sache.
Il a d'ailleurs réagi sur Twitter à une remarque similaire pour le concert à Paris  :
@phdbeu Je n'étais pas grincheux, j'ai juste eu rien à dire, puisque je ne parle pas français.

Et enfin, pour terminer dans la série "jugement à l'emporte-pièce" : "il faisait la gueule de jouer dans un petit club de Bordeaux, lui qui est habitué à des salles de 800, voire 2000 places aux Etats-Unis" : ahem. Je pense qu'il serait heureux de jouer dans des salles d'une telle jauge. Ou pas, en tout cas, c'est très largement exagéré comme succès aux Etats-Unis. Et une fois de plus : que sait-il de son ressenti, de son plaisir ou non de jouer dans une cave bordelaise ?
Toujours est-il que j'ai écrit ce billet avec un live de Damien Jurado dans les oreilles, un live à Stockholm où il est seul. C'était divin, un public respectueux, qui ne parle pas par dessus la musique, et donne ainsi un échange sain et drôle avec le musicien qui peut se dérider entre deux chansons. Un peu de ce qu'il a manqué hier soir au Saint-Ex, et pourtant le minimum que l'on peut demander quand on a la chance de voir un tel artiste.

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