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Un psychiatre pour plus d’un million d’habitants

Publié le 19 mars 2012 par Lana

Publié le 17/03/2012 | 03H54 GMT par Bacary Domingo MANE

Le centre psychiatrique Emile Badiane de Kénya, dans l’agglomération de Ziguinchor, souffre de son statut hybride. Ce village devenu centre hospitalier reçoit une subvention annuelle de 2 millions Cfa. Un psychiatre pour plus d’un million d’habitants. Ce centre couvre les trois régions de la Casamance naturelle (Ziguinchor, Sédhiou et Kolda), en plus des pays de la sous-région : Gambie, Guinée-Bissau et Guinée Conakry. L’essentiel de son personnel est composé d’agents communautaires. Voyage au cœur d’un hôpital qui a besoin d’assistance, parce que souffrant de troubles de la mélancolie. Reportage. (Envoyé Spécial) – Centre psychiatrique Emile Badiane de Kénya. Dans l’agglomération de la commune de Ziguincor. Une atmosphère lourde de silence règne dans cet hôpital où l’on soigne des malades d’une autre nature. Ceux qui ont franchi la rivière de l’irrationnel ; qui se sont mis en marge d’une société qui a besoin de cobayes pour assurer sa propre survie. Dans la cour du centre psychiatrique, un malade est en train de faire ses cent pas dans les couloirs aménagés pour la circonstance. Le regard dans le vide, le visage humide, il avance d’un pas hésitant comme s’il marchait sur des tessons de bouteille. Il s’est retiré dans son monde où l’échelle des valeurs se lit à l’envers, comparé à notre univers dit rationnel. Peut-être que ceux qui ont traversé la rivière nous considèrent, à leur tour, comme des individus anormaux. Qu’est-ce qui se passe dans la tête de ce malade ? Impossible de le savoir, parce qu’il est devenu étranger à sa propre société. Son visage tuméfié sous l’effet des médicaments est gros de tous les secrets, que seul un psychiatre, le médecin des âmes perdues, peut démêler, en empruntant le détour du divan.

 Beaucoup d’eau a coulé…

 Nous continuons notre chemin dans l’enceinte du centre qui a, de toute évidence, pris un coup de jeunesse. Sur les cendres du village psychiatrique se dressent les murs d’un hôpital moderne. Nous n’avons pu résister au charme de ce bijou pour avoir vu, il y a dix ans, les murs craquelés du défunt village. A l’époque le reportage de votre serviteur intitulé : « Kénya disjoncte » était révélateur de l’état de délabrement avancé du village psychiatrique. Par le hasard des choses, une connaissance sort de l’un des bureaux. C’est mon frère Yacinth Mansaly, infirmier d’Etat, originaire du village de votre serviteur. Agréable surprise. Après quelques échanges en langue balante, il m’invite à s’asseoir sur une chaise. Nous n’avons pas hésité, un seul instant, à lui demander des nouvelles du village. Dieu seul sait qu’elles ne sont pas bonnes. Il y a eu beaucoup de décès. Voilà que subitement les souvenirs de mon enfance envahissent ma pensée, mais il a fallu les réprimer pour lui expliquer l’objet de notre présence ici.

 Le traumatisme du silence

 C’est ainsi qu’il nous conduit dans le bureau de la secrétaire du maître des lieux, le Dr Adama Koundoul, psychiatre, médecin-chef par intérim du Centre Psychiatrique Emile Badiane. Il était en pleine consultation et il fallait prendre notre mal en patience. Mais la générosité de la secrétaire nous a permis de ne pas sentir le temps s’écouler. Dans le couloir, devant le bureau du seul psychiatre du centre, des dizaines de personnes attendent chacun son tour. Des malades et leurs accompagnants affichent une mine triste. Un silence de cathédrale règne dans lieux. Les malades eux se recroquevillent dans leur univers. Les parents qui les accompagnent sont envahis par un sentiment de tristesse, voire de culpabilité, à l’idée de voir souffrir un des leurs. Aucun cri hystérique d’un patient agité n’est venu déchirer le voile du silence. Chacun est resté accrocher à sa pensée vagabonde qui le transporte partout sans qu’il ne bouge de son siège. De l’autre côté de la porte du bureau, Dr Koundoul fait face à un malade. Il recherche, grâce à la maïeutique (jeu de question-réponse), des indices à remonter jusqu’à la cage du Minotaure (Dans la mythologie grecque, monstre fabuleux à corps d’homme et à tête de taureau qui fut tué par Thésée). Les accompagnants donnent parfois un coup de pouce dans l’identification des syndromes de la maladie.

 Ces souvenirs qui remontent à la surface

 Une dizaine de minutes après, le médecin-chef par intérim sort de son bureau de consultation pour venir à notre rencontre. Un jeune d’une quarantaine d’hivernages, à la silhouette frêle, mais pleine d’énergie. Après les salutations et présentation, il nous invite à le suivre. L’entretien se fera dans le bureau de l’assistante sociale qui a du lui céder les locaux. Nous avons un ami en commun, cela a certainement joué sur la confiance qu’il affiche. Mais avant l’entretien, pendant que nous nous attelons à mettre en marche notre dictaphone – qui a commencé à nous jouer de mauvais tours – Dr Adama Koundoul a reproduit un geste qui fait penser à une personne absente ; la paume sur la joue. A force d’entendre les récits bouleversants de ses patients, il a fini par plonger dans la réminiscence, avec ces souvenirs qui remontent à la surface. Peut-être que cet entretien sera pour le Dr Adama Koundoul une sorte de thérapie. Le temps d’une interview, les rôles sont inversés : nous posons les questions et Dr répond. Il a suffit changer de territoire pour ne pas de dire de cosmos, pour changer de logos. Le voyage du Dr Adama Koundoul à bord du vaisseau de la réminiscence, ne sera que de courte durée, puisque nous venons de mettre en marche notre dictaphone, cette machine à dévorer les paroles. L’entretien commence. Et au moment où nous posons la première question, le maître des lieux a manifesté, par son attitude d’écoute, un intérêt particulier au sujet. Il connait les maux dont souffre ce centre psychiatrique.

Un statut hybride

Il a d’abord indiqué que cet hôpital gère tout ce qui est santé mentale dans la région naturelle de la Casamance. Peut-être pour nous amener à faire le lien entre l’étendue du terroir que cet hôpital couvre ( la Casamance naturelle ) et les besoins. Dr Adama Koundoul de déclarer : « Ce centre est confronté à des difficultés, tellement nombreuses, que je m’en vais vous citer seulement que quelques unes ». Et de parler du statut hybride du centre qui explique aujourd’hui son budget très dérisoire qui tourne, tenez-vous bien, autour de 2 millions par an. « Anciennement, c’est un village psychiatrique, mais qui est érigé aujourd’hui en centre psychiatrique. Comme ce statut n’est pas encore clair, cela pose un problème au niveau du budget. Ce dernier est de l’ordre de 2 millions 216 F en 2011. Cette année 2012, il est de 4 millions 662 F Cfa », dit le psychiatre. Même s’il se réjoui de cette légère augmentation, Dr Adama Koundoul a indiqué que ce budget est loin de couvrir les besoins de l’hôpital. Le médecin-chef par intérim explique : « avant, ce centre était un village psychiatrique qui fonctionnait sous la supervision d’un médecin en neuropsychiatrie, qui par la suite était partie à la retraite. L’Etat a eu un financement, il a reconstruit les bâtiments, en jugeant nécessaire d’affecter un psychiatre, c’était mon prédécesseur. Donc, officieusement on sent que ce n’est plus un village psychiatrique. C’est devenu un centre psychiatrique, mais officiellement rien n’a changé»

 Un problème de ressources humaines

 L’autre implication de ce statut hybride, c’est au niveau du personnel qui est composé, pour l’essentiel, d’agents communautaires. « Nous avons un problème de ressources humaines. Nous avons 23 agents dont six sont des fonctionnaires de l’Etat. Le reste est composé d’agents communautaires pris en charge par des comités de santé », dit-il. Dr Adama Koundoul explique que le manque de personnel psychiatrique est général. « C’est un problème qui concerne tout le Sénégal. J’ai un collègue qui a fait sa thèse en 2009, et a montré que le Sénégal était à un psychiatre pour 400 000 habitants. Ce qui est très loin des normes de l’Oms qui avait fixé ce ratio à un psychiatre pour 60 000 habitants. Ici, dans la région naturelle de la Casamance, je suis le seul psychiatrique. Si vous devez le rapporter au nombre de populations, c’est presque un psychiatre pour plus d’un million d’habitants », confie le patron du centre. Avant d’ajouter : «Nous avons des infirmiers d’Etat qui ne sont pas spécialisés en psychiatrie. Nous faisons l’effort de les former dans leur spécialité ». Les responsables de l’hôpital ne sont pas restés les bras croisés. Plusieurs correspondances ont été adressées aux autorités compétentes pour qu’elles officialisent le statut du centre psychiatrique Emile Badiane. Rien. « Avec l’ancien médecin-chef régional, Dr Mame Demba Sy, nous avions adressé des correspondances au ministre de tutelle pour lui demander une révision du statut et l’octroi d’un budget conséquent pour le centre, éventuellement, le renforcement du personnel », souligne le Dr Adama Koundoul.

 Pas d’heures supplémentaires

 Compte tenu du travail et de la taille du personnel, les agents sont obligés de se démultiplier, en travaillant au-delà des heures normales. Malheureusement, les heures supplémentaires ne sont pas payées. La faute, certainement au statut flou du centre. A ces difficultés s’ajoutent celles d’ordre technique, tel que le manque de laboratoire. «Chaque fois que nous avons un malade qui doit faire un bilan, nous sommes obligés de l’envoyer vers les autres structures sanitaires qui se trouvent dans la commune de Ziguinchor. Le centre n’a pas de laboratoire», fait remarquer le psychiatre. Le centre n’a pas non plus de buanderie, ce qui oblige les malades hospitalisés ou leurs parents à faire leur propre linge. L’hôpital manque de cuisine. Ce qui fait que les malades sont obligés de se faire apporter leur repas par la famille.

Une capacité de 36 lits

 En effet, le centre psychiatrique Emile Badiane totalise dix huit (18) cabines d’hospitalisation, à raison de deux lits par cabine. Ce qui fait au total 36 lits d’hospitalisation. «Nous avons l’habitude d’hospitaliser avec un accompagnant. Dans plus de 70% nous faisons le plein », note le médecin-chef. Il y a le minimum dans une cabine d’hospitalisation : «l’on ne s’en plaint pas. Dans une cabine nous avons deux lits, une table, des pissoires et des bassins pour les malades qui ne peuvent pas bouger, un ventilateur, un plafonnier et suffisamment de lumière», explique-t-il.

En moyenne 35 consultés par jour

Pour ce qui est consultations psychiatriques, l’hôpital reçoit entre 25 et 35 malades par jour. «Notre particularité, c’est que nous consultons quatre jours sur cinq ; lundi, mardi, jeudi et vendredi. Le mercredi nous l’avons réservé aux réunions institutionnelles pour la formation du personnel», dit-il. Le centre psychiatrique Emile Badiane dispose cependant d’un électroencéphalographe. Sans compter le petit dispensaire pour faire bénéficier les populations environnantes des services du centre. « il y a quelque chose essentielle qui nous manque, c’est le laboratoire. Il nous faut un laboratoire, parce que quand on parle de prise en charge médical d’un individu, il faut toujours pensé au bilan. Et dans ce bilan, il y a les analyses médicales. Nous avons cette radio et des spécialistes qui peuvent prendre en charge tout ce qu’il y a comme pathologie mentale dans cette région », confie Dr Adama Koundoul.

 Ces maladies dont souffrent ….

 Plusieurs types de malades souffrant de santé mentale sont pris en charge dans ce centre. Ceux qui sont victimes des psychoses aux troubles d’humeur, en passant aux états de stress, aux névroses et aux toxicomanes et alcooliques. « Nous recevons des patients victimes de troubles de phobie simple. C’est la peur de quelque chose. C’est une peur qui est démesurée par rapport à la réalité, à tel point que ça atteint le comportement de l’individu qui ne peut pus fonctionner normalement comme les autres. D’autres sont victimes de troubles d’angoisse. Ce sont des gens qui peuvent piquer, à un moment de la journée, une angoisse, une peur avec tous signes accompagnateurs tels que le tremblement, les palpitations. Ajouter à cela les troubles de l’humeur. Ce sont des personnes qui présentent une dépression la suite d’un évènement traumatisant », explique le psychiatre. A cette longue liste figurent les tableaux de toxicomanie Ce sont des gens qui ont développé des maladies à la suite de consommation de substances toxiques. On peut prendre l’exemple du cannabis, la drogue qu’on voit le plus. A côté, il y les individus atteints d’alcoolisme aigu ou chronique. Il y a aussi les jeunes femmes qui souffrent de troubles après un accouchement.

L’abîme du stress

 Dans le lot des malades qui fréquent ce centre, il y a y a des gens qui développement des états de souffrance psychologique, tel que le stress simple ou cumulatif. Ce stress peut être lié au travail, c’est l’épuisement professionnel. Ce que les anglais appellent le Burn out. « Il y a le stress traumatique qui est très fréquent dans cette région. Beaucoup de personnes, suite aux difficultés rencontrées liées au conflit armé, développent ce type de stress. Elles peuvent développer des réactions de stress aigu ou des états de stress post-traumatique », souligne le psychiatre.

 Les victimes du conflit

 C’est pourquoi, en collaboration, avec le Centre national anti-mine (Cnam) ou l’association sénégalaise des victimes des mines, ces personnes sont prises en charge par le personnel du centre psychiatrique Emile Badiane. « Le 3 avril 2010, nous avons organisé une journée d’évaluation clinique de toutes ces personnes, victimes de mines ou d’agression armée pour essayer de voir leur degré de stress traumatique. A la suite de cela, nous avions fait un profilage socio-démographique, c’est-à-dire, en les classant par département. Et depuis 2010 nous avons commencé une forme de prise en charge psychologique. Il y a une équipe de l’hôpital qui va vers ces gens pour les soulager. Les départements d’Ossouye, de Bignona et de Goudomp sont visités», dit-il.

Le drame intérieur

 Ces personnes victimes du conflit casamançais souffrent de plusieurs troubles. « C’est des réactions qui surviennent 72 h après les évènements traumatisants. Il y a les états de stress post-traumatique. C’est des tableaux qui surviennent après un temps de latence de trois à six mois avant que l’individu commence à développer des troubles ». Certains souffrent de «syndrome de répétition». «Ce sont des individus qui ont tendance à revivre ou à revoir l’évènement qu’ils ont vécu. Soit par des cauchemars, des flash back. La personne est là bien éveillée et revoit ce qui s’est passé. Ces troubles s’accompagnent d’angoisse, peur, les idées de mort», explique Dr Adama Koundoul. Ces personnes victimes des mines, par exemple, souffrent de ce qu’on appelle le «syndrome d’évitement». «La personne a tendance à éviter tout ce qui peut lui rappeler l’évènement : le lieu, le moment où le drame a eu lieu. Si c’est une personne qui a sauté sur une mine à bord d’un véhicule blanc. La personne aura tendance à éviter de monter dans le véhicule de la même marque et de la même couleur. C’est cela qu’on appelle le syndrome de l’évitement», dira le psychiatre. Ces malades aussi du «syndrome somatique». «C’est tous les autres signes qui accompagnent les deux syndromes évoqués, tels que les maux de tête, manque de sommeil, des courbatures, maux de ventre. La personne va se mettre à se plaindre de beaucoup de choses », souligne Dr Adama Koundoul, avant de renchérir : «Le problème principal, c’est que ces gens ont tendance à aller voir des médecins généralistes. Si ces derniers n’ont pas pris le temps d’interroger le patient, ils vont le bourrer de médicaments sans pour autant qu’il ne soit soulager. Il faudrait comprendre quelle est l’origine de ces symptômes pour pouvoir les prendre en charge », suggère le psychiatre.

S’organiser pour mieux servir

Le statut hybride de l’hôpital et le monde de certains service, ont amené les responsables du centre à s’adapter dans le cadre de l’internement des malades. « Nous nous sommes organisés d’une certaine manière. Dès le départ, en voyant que nous n’avons pas de cuisine au niveau de l’hôpital, nous avons trouvé une méthode pour aider la population à faire hospitaliser ses patients. Dans les autres structures de santé, les malades sont pris en charge sur le plan de la nourriture, mais les médicaments sont achetés par les parents. Ici, nous avons fait l’inverse. Comme on n’a pas de cuisine, c’est les familles qui vont prendre en charge la nourriture du malade et nous nous prenons la médication. Ce qui fait que les malades qui sont hospitalisés dans ce centre n’achètent pas de médicaments. C’est l’hôpital qui les prend en charge jusqu’à la sortie. L’autre intérêt est qu’il n’y ait pas de rupture dans la prise en charge du malade. On n’attend plus les parents pour démarrer le traitement. Dès que le malade est admis, nous commençons notre travail jusqu’à la stabilisation du malade», note le patron du centre. Pour ce qui est des prix de l’hospitalisation, une caution de 20 000 F Cfa a été instaurée pour les dix premiers jours d’hospitalisation, y compris les médicaments et les analyses. Au-delà, chaque jour le patient paie 2000 F Cfa jusqu’à la sortie. Cependant la famille n’est pas obligée de payer l’hospitalisation dès le départ. C’est à elle de s’organiser, dit le psychiatre.

Pas à portée de toutes les bourses

Les médicaments ne sont pas à la portée de toutes les bourses. Certain font partie de l’Initiative de Bamako, par conséquent, subventionnés par subventionnés par l’Etat et plus accessibles par rapport aux médicaments qu’on peut trouver dans les officines. Malheureusement la gamme n’est pas large. Il y a très souvent des ruptures de médicament de un à deux, voire de six mois. Ce le cas du Clorpromazine comprimés et injection, du Phénobarbital, de l’Haldol injectable ; de Dépakine comprimé. «En dehors de cela, les médicaments que nous utilisons en psychiatrie coûtent très chers, même le Sénégalais moyens ne peut pas acheter régulièrement. Je prends l’exemple des nouveaux neurolitiques ou antidépresseurs, ce sont des médicaments qui coûtent très chers. Une boîte d’un mg coûte 38 000 F Cfa, celle de 2 mg coûte aux environs de 70 000 F CF. Pour quelqu’un qui doit prendre chaque mois un à deux boîtes par mois, vous imaginez les difficultés. Ce n’est pas à la portée de toutes les bourses. Si les autorités augmentaient la gamme des médicaments disponibles au niveau de la pharmacie régionale d’approvisionnement, ce serait une très bonne chose. Et essayer de tout faire pour qu’il n’y ait pas de ruptures très fréquentes», a préconisé le médecin-chef par intérim.

 Ces ruptures qui font rechuter..

Ces ruptures de médicaments font des dégâts chez les patients. « Quand il y a une rupture qui dure dans le temps, le plus souvent ça entraîne des rechutes, surtout pour la majeure partie de nos malades qui développement des pathologies chroniques. Après la phase de stabilisation, la reprise des activités sociales et mêmes professionnelles, l’individu a toujours besoin de prendre un médicament pour lui assurer un entretien de sa bonne santé. Dès qu’il y a une rupture d’une semaine, voire d’un mois, la maladie refait surface. La majeure partie des patients rechute, parce qu’elle n’a pas les moyens d’acheter ces mêmes médicaments – qu’ils paient moins chers au niveau de l’hôpital – au niveau des officines. Le problème de ces ruptures, c’est qu’elles s’accompagnent de la rechute massive de nos patients », regrette le psychiatre

De la psychothérapie à la socio-thérapie

 Par ailleurs, pour ce qui est de la thérapie, en dehors de la chimiothérapie, le centre utilise d’autres moyens de prise en charge, telle que la psychothérapie, la socio-thérapie, c’est-à-dire les réunions internes. « Ce sont des groupes de paroles que nous faisons avec les malades, les familles et d’autres personnes intéressées. Les «jeudis» nous organisons le «Bantamba». Ces réunions regroupe les malades, les accompagnants, le personnel soignant pour discuter des thèmes relatifs à la santé mentale. Cela nous permet d’apporter une éducation à toutes ces familles à qui l’on explique ce qu’est une maladie mentale. Quel est le comportement qu’il faut avoir face à une personne qui développe la maladie mentale ? Ces rencontres nous permettent d’avoir l’état d’évolution de notre malade», dit-il. Et d’expliquer : «Avant, les gens avaient tendance à stigmatiser la maladie mentale, mais maintenant avec ce travail d’éducation, ils commencent à comprendre que quelqu’un qui a la maladie mentale n’est pas condamné. C’est juste des états de crise que la personne traverse et qu’elle peut retrouver sa santé mentale et reprendre toutes ses activités». Un autre groupe de réunion est organisé les vendredis : le «Kéloumak». «C’est une réunion du personnel médical et des accompagnants. Cette rencontre sert à répertorier les problèmes auxquels les accompagnants sont confrontés dans le centre. Cela nous permet de nous rectifier par rapport à notre comportement en tant que thérapeute; par rapport aussi à nos manquements. Après chaque Kéloumak, on fait une petite réunion d’évaluation, voir quels sont les manquements du personnel et de nous rectifier par rapport à cela», note Dr Adama Koundoul.

 L’art au service du psychisme

Il existe un troisième groupe de parole : l’atelier d’art-thérapie. « Nous utilisons l’art comme un outil de traitement. Nous faisons les ateliers les mardis et les jeudis après-midi. Nous avons un artiste peintre qui travaille au niveau de l’Alliance Franco-Sénégalaise de Ziguinchor et qui a eu l’amabilité d’offrir ses services à ce centre de façon bénévole. Il prend en charge les malades qui sont en phase de stabilisation, c’est-à-dire ceux qui ont entamé la phase de guérison. Ils font des desseins, de la peinture, de la création de marionnettes. Cela permet à la personne de se retrouver », dit-il, avant d’ajouter : « L’art n’est qu’une reproduction du psychique de l’individu, c’est ce qu’on a dans la tête qu’on essaie de sortir. Et à travers cela, on essaie d’interpréter. Mais l’interprétation ne se limite pas à lire seulement le dessein d’art. C’est des gens que nous connaissons, que nous prenons en entretien. Et cet art peut nous apprendre beaucoup de choses sur le vécu de l’individu et sur l’évolution par rapport aux premières séances jusqu’aux dernières. C’est des productions que nous gardons et que nous comptons exposer un jour à travers une exposition »

Visite guidée

Une visite guidée dans le centre psychiatrique nous a permis de voir un petit dispensaire construit pour le bonheur des populations environnantes. Il est confié à un infirmier d’Etat qui fait des consultations régulières. A côté, il existe une petite pharmacie, une grande salle d’accueil pour les malades, un service social avec deux assistants sociaux (l’un est fonctionnaire de l’Etat et le second est agent communautaire). Il y a aussi la radio, l’électroencéphalographie, plus un bloc administratif composé de deux bureaux plus le secrétariat. Une salle de garde pour les infirmiers. «Nous avons instauré une garde de 24H/24H. A l’intérieur de l’hôpital, il y a un appartement où on loge un médecin, psychiatre interne des hôpitaux. Nous avons 18 cabines d’hospitalisation et un toit de case qui nous sert de lieu de rencontres», explique Dr Adama Koundoul. Le travail est abattu par un psychiatre, par ailleurs conseiller en gestion de stress, un Interne en psychiatrie, envoyé par l’hôpital Fann de Dakar ; deux infirmiers d’Etat. L’un est affecté à Kolda ; des assistants-infirmiers, deux assistants sociaux, un aide-pharmacien, une secrétaire, des techniciens de surface, quelques vigiles et des chauffeurs. L’hôpital dispose d’une ambulance en bon état, d’un véhicule de service et d’équipement pour bureaux et cabines d’hospitalisation.

Un centre à vocation sous-régionale

 Le centre psychiatrique Emile Badiane de Kanya n’accueille pas seulement les populations des régions de Ziguinchor, Kolda et de Sédhiou. Il ouvre aussi ses portes aux pays frères de la Gambie, de la Guinée-Bissau et de Guinée Conakry. «Si vous prenez le Sénégal, nous n’avons pas beaucoup de spécialistes de santé mentale. Nous n’avons pas non plus beaucoup de structures sanitaires qui prennent en charge ce type de pathologie. Vous avez les structures de Dakar, les centres Dalal Khel de Thiès et de Fatick. Et dès que vous dépassez Fatick, c’est le centre psychiatrique de Kenya, la seule structure qui reste de Tambacounda à Ziguinchor en passant par Kolda et Sédhiou. Et en dehors de la Casamance naturelle, c’est un centre très fréquenté par les pays limitrophes. C’est des gens qui viennent de la Guinée-Bissau et la Gambie, parfois de la Guinée Conakry. D’après les statistiques de 2010 presque ? des personnes consultées vient des pays étrangers», a révélé le médecin-chef par intérim. A la question de savoir si ces patients étrangers développent les mêmes types de pathologies, Dr Adama Koundoul répond : «Nous retrouvons les mêmes types de maladies ici comme ailleurs. Il y a certes des particularités. Lorsque quelqu’un développe une maladie il le fait en fonction de son vécu. Mais globalement, c’est la même chose, qu’il soit Guinéen ou gambien. Cela est d’autant plus vrai que ce sont les mêmes peuples».

http://www.sudonline.sn/un-psychiatre-pour-plus-dun-million-dhabitants_a_7488.html


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