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Santé : la fertilité humaine menacée par les pesticides

Publié le 21 mars 2012 par Bioaddict @bioaddict

Une revue d'études scientifiques menée par l'Institut de Veille Sanitaire confirme l'augmentation des troubles de la fonction de reproduction masculine et féminine et la baisse de la fertilité humaine dont l'origine s'expliquerait par l'effet des perturbateurs endocriniens, contenus notamment dans les pesticides. donnez votre avis 12 12 personnes aiment cet article

Effets des perturbateurs endocriniens sur la reproduction humaine

Selon l'AFSSET (Agence Française de sécurité sanitaire) les affections suivantes sont suspectées d'être la conséquence de l'exposition aux perturbateurs du système endocrinien contenus notamment dans les pesticides :

  • altération des fonctions de reproduction masculines : tendance à la baisse de la qualité et de la quantité du sperme observée dans certains pays ;
  • troubles de la fonction reproductrice féminine en raison d'anomalies de la différenciation sexuelle, de la fonction ovarienne, de la fertilité, de l'implantation de l'embryon et de la gestation ;
  • malformations du système reproducteur masculin : cryptorchidie (malposition des testicules), hypospadias (malposition de l'urètre); troubles de la maturation sexuelle (par exemple: puberté précoce) ;
  • altération de la fonction thyroïdienne ;
  • tumeurs des testicules, de la prostate et des seins ;
  • pour les femmes enceintes, risque de mortalité intra-utérine et de retard de croissance foetale.

Les substances reprotoxiques peuvent perturber le développement du système reproducteur au cours de la gestation et après la naissance. Elles sont à l'origine d'avortement spontané, de retard de croissance foetale et de mort intra-utérine.

Cela fait bien longtemps que des chercheurs alertent sur les dangers potentiels multiples des pesticides (insecticides, herbicides, antifongiques) considérés comme des perturbateurs endocriniens. Car pour eux l'augmentation observée du nombre de maladies métaboliques, de maladies chroniques, du cancer... et des maladies de la reproduction humaine, ne peut pas être dûe au hasard. Elle s'expliquerait par l'action de ces produits, de plus en plus nombreux dans notre environnement, et qui dérèglent le fonctionnement normal de notre organisme.

Mais en pratique, la preuve directe entre les pesticides perturbateurs endocriniens et leurs effets suspectés sur la santé en général, et notamment la fertilité, est difficile à montrer. Car ces effets sont très complexes, pas toujours doses-dépendants, et peuvent être liés à l'accumulation des produits, aux interactions, aux synergies (effet cocktail), à la multi-exposition à différentes molécules, à la susceptibilité individuelle, au moment de la vie ou a lieu l'exposition (les foetus et les enfants sont particulièrement exposés car la vulnérabilité est maximale en période de maturation et de croissance), à la durée de l'exposition ...
Alors qu'en est-il concernant la fertilité humaine ? Est-elle réellement en baisse ? Et quel est le rôle et l'importance des pesticides perturbateurs endocriniens dans les troubles de l'appareil reproducteur humain?

L'équipe en charge du Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (BEH), dépendant de l'Institut National de Veille Sanitaire (INVS), a voulu faire le point en analysant les études publiées sur le sujet (BEH du 21 février 2012). Il en ressort que la baisse de la fertilité est évidente. Et que l'implication des perturbateurs endocriniens est effectivement de plus en plus confirmée.

  • Augmentation de l'infécondité involontaire

Oui, constatent les auteurs du BEH, il y a bien une augmentation continue de l'infécondité involontaire depuis de nombreuses années. Les deux principales études réalisées à l'échelle de la France métropolitaine montrent qu'environ un couple français sur 4 à 6 qui arrête d'utiliser un moyen de contraception sera concerné par une infécondité involontaire d'un an.

  • Baisse de la qualité du sperme

Oui, il y a bien une décroissance de la qualité du sperme chez les candidats au don de sperme. Sur 33 études analysées, 16 montrent une diminution séculaire des caractéristiques du sperme.

  • Baisse de la concentration spermatique

Oui, il y a une baisse de la concentration spermatique, dans le monde et en France. Les tendances obtenues pour les hommes ayant eu recours à la FIV montrent une évolution en 3 phases : une baisse de la concentration spermatique de 1989 à 1994 (phase 1), une augmentation de 1995 à 2000 (phase 2), et une baisse de 2001 à 2005 (phase 3). Les baisses en phase 1 et 3 sont en faveur d'une baisse réelle de la concentration spermatique pour ces périodes. Et l'éventualité d'une baisse en phase 2, possiblement masquée par l'évolution des techniques, n'est pas exclue.

  • Augmentation des malformations congénitales de l'appareil génital masculin

Oui, il y a bien augmentation de la fréquence des cryptorchidies (absence d'un ou des deux testicules) et des hypospadias (ouverture de l'urètre au niveau de la face inférieure du pénis au lieu de l'extrémité). Elle a été rapportée par une étude qui montre une augmentation annuelle du taux d'interventions chirurgicales pour cryptorchidie, moins marquée pour les hypospadias, chez les garçons de moins de 7 ans en France durant la période 1998-2008.

L'augmentation d'anomalies graves de la fertilité est donc actée.
Mais qu'en est-il de la responsabilité des pesticides perturbateurs endocriniens ?

Les perturbateurs endocriniens impliqués

Pour l'équipe du BEH, l'analyse des études publiées sur les facteurs pouvant influer sur la fertilité montre qu'effectivement les perturbateurs endocriniens sont probablement impliqués.

  • Ainsi, concernant la qualité du sperme, oui, l'exposition à de multiples facteurs de risque reprotoxiques environnementaux, dont les pesticides, est actuellement reconnue. Ces molécules peuvent avoir des effets par exemple anti-androgènes ou estrogéno-mimétiques, et ont fait apparaître le rôle-clé des perturbateurs endocriniens qui pourraient avoir une action in utero ou après la naissance.
  • Concernant le risque d'azoospermie (absence totale de spermatozoïdes dans le sperme) oui, les pesticides sont impliqués. L'exposition professionnelle au pesticide DBCP (dibromochloropropane) à des doses probablement élevées dans les années 1970, s'est révélée susceptible d'accroître fortement ce risque ainsi que l'exposition professionnelle ou à d'autres composés chimiques comme les éthers de glycol, le dibromure d'éthylène (autrefois utilisé comme additif dans l'essence et comme pesticide), et le sulfure de carbone, également utilisé dans les produits phytosanitaires.
  • Enfin concernant les malformations congénitales de l'appareil uro-génital masculin (cryptorchidies et hypospadias) oui, un lien avec l'exposition à des perturbateurs endocriniens est suggéré.

Pourtant aujourd'hui encore des centaines des pesticides différents continuent à être utilisés.


Une prise de conscience trop tardive

L'équipe du BEH en arrive ainsi à se poser la question dans son éditorial : " Et si les activités industrielles humaines n'allaient pas seulement compromettre la santé des individus mais aussi leur capacité à se reproduire, c'est-à-dire à perpétuer l'espèce ? ".

Devant les alertes concernant les perturbateurs endocriniens il y a bien longtemps que la question aurait dû être posée. Mais pourquoi ne l'a-t-elle pas été ? Par manque de preuves ? A cause du pouvoir des lobbies ?
Pour les experts de l'Institut National de Veille Sanitaire les choses sont claires :

  • oui les chercheurs ont négligé les résultats d'un ouvrage américain " Printemps silencieux " de Rachel Carson qui dès 1962 avançait la thèse selon laquelle des produits chimiques présents dans l'environnement pourraient exercer des effets délétères, tant sur la faune sauvage que sur la santé humaine, et même compromettre la capacité à se reproduire;
  • oui, en France, le soutien de la recherche dans ce domaine a été très tardif. Et il est encore très insuffisant étant donné les enjeux.
  • oui, les hommes politiques n'ont pas compris l'importance du problème soulevé par les perturbateurs endocriniens. Ce n'est qu'en 2011 qu'ils ont commencé à légiférer.

Cette analyse du BEH montre bien le potentiel explosif de ces fameux perturbateurs endocriniens.

Les auteurs en appellent au soutien urgent de la recherche afin " de construire des solutions appropriées, qui permettent le développement que nous souhaitons sans altérer nos fonctions de base, en particulier celle de procréer ".

Hervé de Malières


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