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Psychotique, et après? Paroles en vrac.

Publié le 22 mars 2012 par Lana

Après avoir frôlé la mort, on aime d’autant plus la vie. Je me regarde dans la glace le matin et je souris. C’était comme un défi, parce que l’image de cette maladie est tellement mauvaise, je voulais en parler. J’ai fait mon coming-out. J’ai retrouvé du travail. Je suis surveillant d’externat, c’est ce que j’ai toujours voulu faire. Je suis institutrice. Je suis libraire. Je suis peintre. Je suis travailleuse psychosociale. Non, l’image de la maladie ne s’est pas améliorée. Je n’en parle pas à tout le monde. Ce n’est pas marqué sur mon front. Je suis heureux. J’e n’ai eu que des  réactions positives. Les gens n’imaginaient pas tout ce que j’avais vécu. C’est nous qui sommes terrifiés par le monde. Non, je n’ai jamais pensé à tuer quelqu’un. Je n’ai jamais essayé que de me tuer moi-même. Ils m’ont vu tel que j’étais. Ils m’ont trouvé courageux. Mes échecs, ça m’a fait mûrir. Je peux supporter les épreuves de la vie parce que j’ai pu vaincre cette maladie, je sais que je suis forte. Je sais que je suis fragile mais que je me relève. Je prends mes médicaments presque sans y penser. La vie m’enthousiasme et me fait mal. Mais j’ai un élan vital incroyable quand la maladie me laisse tranquille. Je comprends tellement la souffrance des autres que ça me rend malade. J’aimerais retrouver un travail à mi-temps, avoir une voiture, un appart. Je n’en peux plus de l’image que les médias donnent de la schizophrénie. Je suis amoureuse.  Je me dis cette fois ça va retomber sur les musulmans, pas sur nous, et je suis soulagée, et je trouve ça atroce, parce que je comprends tellement leur colère d’être stigmatisés, et je me trouve lâche, mais cette fois ce ne sera pas nous et je ne peux m’empêcher de penser ça à chaque crime. Je suis fière de mes enfants. J’aime ma vie sans enfants parce que je lui ai aussi donné du sens. Je recommence ma vie. J’ai tellement vécu avec la mort que l’annonce d’une autre maladie potentiellement mortelle n’a pas été un cataclysme. Parfois, je baisse encore les bras et rêve de m’endormir sans jamais me réveiller. Je me sens libérée depuis que je ne cache plus ma maladie, sereine, en paix avec moi-même. Je rêve d’un voyage dans les landes de l’Angleterre. Je rêve d’aller à Saint-Petersbourg. Je vais aller à la mer. Je manifeste. Je participe à des forums et des colloques. Je vibre pour le monde, je pleure devant la télé, je ris avec mes amis. Je râle, je m’énerve pour des futilités. Je profite du soleil du printemps. Je suis bipolaire. Je suis schizophrène. Je suis psychotique. Je suis fou si vous voulez. Non, je n’ai jamais pensé à tuer quelqu’un. Tuer quelqu’un, c’est pas mon truc.

Merci à Olivier Delacroix pour son reportage sur les schizophrènes et la suite, dans son émission “Dans les yeux d’Olivier”, qui m’a inspiré ce texte. Et a tout ceux dont j’ai empreinté les paroles ici, pour faire résonner un peu nos voix.


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