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Toulouse: Sarkozy, de la com' à l'enquête

Publié le 22 mars 2012 par Juan
Toulouse: Sarkozy, de la com' à l'enquête Marine Le Pen était la première, mercredi matin, pour commenter. L'auteur présumé des assassinats de Montauban et Toulouse avait été identifié. Quelque 200 policiers et agents du RAID l'avaient cerné à 3h10 du matin, dans son appartement, dans un quartier résidentiel de Toulouse.
La France était soulagée, mais le Sarko-show pouvait reprendre. Nicolas Sarkozy avait pourtant prouvé, et depuis longtemps, son inefficacité contre l'insécurité.
Mais le show fut énorme, grossier et dangereux. 
Sarkoshow
C'était un spectacle. Un show présidentiel inédit qui se déroulait sous nos yeux. Après le Président-protecteur, multi-ému et multi-filmé toute la journée de mardi, voici le Président-dans-l'action ce mercredi. A près de 20 ans d'intervalle, Nicolas Sarkozy nous refaisait le coup de Human Bomb. Le grand cirque médiatique en plein drame.
Au fil d'une matinée éprouvante mais immobile, le spectacle se partageait entre l'Elysée et les abords de la rue toulousaine où le forcené était retranché, entre un Nicolas Sarkozy qui jouait au président calme et rassembleur, et un Claude Guéant qui jouait au Jack Bauer sextagénaire. Le premier « avait été réveillé » par le second dès le déclenchement des opérations. Lundi, Sarkozy avait promis: « Tous les moyens seront mis en œuvre pour arrêter ce criminel » . Mercredi, Guéant l'avait fait. « Guéant a bien travaillé » a commentév Sarkozy lors du Conseil des Ministres. C'était leur moment à tous les deux.
Dans l'après-midi, le journaliste Arnaud Leparmentier du Monde confirmait que la récupération était l'oeuvre depuis lundi: à l'Elysée, « certains conseillers ont gambergé dès lundi sur l'avantage qu'il y aurait à ce que le tueur soit de la mouvance islamiste .» Et Renaud Revel, pour l'Express, ajoutait: « cette journée du 21 mars restera, sur le plan de la communication de Nicolas Sarkozy, une date clé, tant l’Elysée et l’entourage du candidat ont orchestré, avec minutie, chacune de ses apparitions médiatiques, ne laissant à ses opposants, devenus inaudibles, qu’un très faible espace ».
Journalistes abreuvés
Toute la matinée, Claude Guéant abreuva les journalistes d'informations. Ils étaient nombreux et impatients. Quand ce n'était pas lui, les conseillers de la présidence prenaient le relais. Ils avaient de la chance, le forcené se confiait facilement. Mais au lieu de garder ces informations pour la suite de l'enquête, Guéant et l'entourage de Nicolas Sarkozy ne cessèrent, toute la journée durant, de les communiquer à la presse. D'abord il s'agissait de transformer quelques journalistes politiques reconvertis en chroniqueurs judiciaires. Ensuite, il fallait inonder les rédactions de nouvelles sur le sujet du jour. Et le résultat fut à la hauteur, immonde et sans recul. Jugez plutôt.
« Nous pouvons l'appeler coupable présumé, monsieur le procureur ?» demanda Guéant en direct devant de nombreux journalistes, mercredi vers 9h. Le procureur acquiesçait. Le « coupable présumé », donc, avait 24 puis 23 ans, était Français, d'origine algérienne. Il se réclamait salafiste et affilié à Al Qaïda. Pire, il était coupable de plusieurs délits et même emprisonné en France à plusieurs reprises. Il avait même posté des videos de ses crimes sur Internet. Pour le story-telling sarkozyen, le coupable était presque trop parfait: un Français d'origine étrangère, ancien délinquant de droit commun devenu islamiste radical.
Sur les chaînes d'information, on l'appela donc « tueur présumé», « coupable présumé », « forcené » ou « suspect » pour le reste de la journée. Il s'appelait Mohamed. Même son nom de famille fut lâché aux médias un peu avant 10h.
Claude Guéant était partout, et même présent, apprit-on, lors du visionnage des bandes de video-surveillance de l'école juive. On nous confia tous les détails. Le suspect avait été débusqué grâce à l'adresse IP de l'ordinateur de son frère, également interpellé ce matin. Pour son premier meurtre, il avait donné rendez-vous à sa future victime en prétextant vouloir vendre un scooter.
Vers 10h45, Claude Guéant livra une conférence de presse depuis Toulouse. Il confirma les propos du suspect aux membres du RAID, sur son parcours, ses motivations, et ses intentions. Il ajouta que Mohamed avait « d'autres objectifs pour aujourd'hui ».
La manipulation
Vers 11h, ce fut au tour de Nicolas Sarkozy de parler, pour la cinquième fois en 24 heures aux Français qu'il avait rencontré en urgence les représentants des communautés juives et musulmanes. Il voulait éviter tout amalgame. Il avait raison. « Nous ne devons céder ni à l'amalgame, ni à la vengeance.»
A quel amalgame pensait-il ? Que ne l'a-t-il fait depuis 5 ans ! Depuis 2009 et son sinistre débat sur l'identité nationale, tous les amalgames avaient été permis, encouragés, propagés par les ténors de Sarkofrance: rappelez-vous Claude Guéant et ses amalgames en tous genres. Du halal aux Français qui ne se sentent plus chez eux, des civilisations différentes à la déchéance de nationalité. Tout est passé, tout est venu dans la bouche du ministre de l'intérieur.
Vers 14h30, une rumeur, rapidement démentie, affole les médias et la Toile. Mohammed aurait été arrêté. A 14h34, Nicolas Sarkozy arrivait sur les lieux où était retranché le suspect, expliqua l'AFP. Quel président serait suffisamment irresponsable pour se faire filmer à portée de tir de fusil d'un terroriste ? Mais Guéant dément l'arrestation auprès d'Arnaud Leparmentier. Le procureur prévient que Mohamed s'était encore confié. Il aurait projeté trois autres meurtres à Toulouse, un soldat et deux policiers. Nous l'avions échappé bel.
Le feuilleton continue.
Copé saborde Sarko
Plus tard, à Montauban, Nicolas Sarkozy prononça l'homélie funèbre des 3 soldats français tués, tandis qu'Alain Juppé s'exprimait aux funérailles des 3 enfants et de l'enseignant franco-israélien rapatriés dans la nuit. A Montauban, dans la caserne du 17ème régiment de Parachutistes, le Monarque a serré la main des 5 autres candidats présents sur les lieux. C'était curieux. Il eu le ton nécessairement grave: « Ces soldats étaient nos soldats. Ces enfants étaient nos enfants. Cet homme voulait mettre la République à genoux. La République n’a pas faibli. La France rassemblée a donné ces derniers jours une magnifique image d’unité. Cet homme n’est pas parvenu à fracturer notre unité. »
Sarkozy, malheureusement, ne maîtrisait pas ses troupes. On pouvait se demander si Jean-François Copé, à l'oeuvre contre François Hollande dès mercredi, n'oeuvrait pas contre son prétendu candidat. Quand d'autres candidats témoignèrent de leur solidarité avec les proches des victimes, la réaction de quelques UMPistes, sur Twitter puis sur les grands médias, dérapa à nouveau rapidement dans l'outrance.
Il y eut Valérie Rosso-Debord, la jeune députée et déléguée de l'UMP. Elle ne supporta pas entendre François Hollande s'exprimer sur la tragédie. Son communiqué de presse, mercredi, en pleine cérémonie en hommage aux 3 soldats tués à Montauban, fut indigne et indigna: « Alors que la communauté nationale est endeuillée et que chacun mesure la nécessité de l'union nationale face à ces événements, deux candidats, François Hollande et Marine Le Pen, tentent d'instrumentaliser à leur petit profit politicien ce drame ».
Il y eut aussi Sébastien Huygues, un autre proche de Jean-François Copé, qui compléta la salve, en accusant Hollande de profiter «de ces occasions pour retomber dans la politique politicienne et l'instrumentalisation des événements en cours, en fustigeant le traitement de la délinquance, la non-exécution des peines ou la récidive».
Il y eut aussi Ivan Rioufol, l'éditorialiste du Figaro, porte-parole autoproclamé de la majorité silencieuse. Lui n'hésita pas. Il accusa Bayrou, SOS Racisme, Corine Lepage et on-sait-qui d'être « les premiers responsables de cette tragédie qui était à redouter face à l'ampleur prise dans certaines cités par le repliement salafiste ». Le lendemain, le Figaro qui l'héberge ne disait pas autre chose dans son éditorial.
Il y eut enfin Jean-François Copé lui-même, en fin de journée au Figaro.fr pour un entretien publié le lendemain. Il accusa d'abord la gauche d'indulgence coupable (« Ce drame renforce notre totale détermination à continuer à lutter par tous les moyens contre la menace terroriste, mais aussi contre toutes les formes de fondamentalisme et d'intégrisme dont, malheureusement, certains au PS et chez les Verts ont si souvent nié la dangerosité » ). On croyait rêver. Qui gouvernait depuis 10 ans ?
Les doutes sur l'enquête
Nombreux furent les commentateurs à prédire que cette séquence serait formidable pour la campagne de Sarkozy. Et pourtant... faillait-il rappeler son bilan en matière de lutte contre l'insécurité ? Sans doute.
1. L'efficacité des services de renseignement sera inévitablement questionnée. Ils suivaient le suspect depuis qu'il s'était rendu en Afghanistan et au Pakistan. Pourtant, il fut capable de s'équiper en armes de guerre. Quand le RAID voulut intervenir à son domicile, deux policiers furent blessés. Et un véhicule chargé d'armement fut trouvé dans la rue.
Comment un ex-djihadiste espionné par les services secrets « de la 5ème économie du monde » peut-il s'équiper en armes lourdes ?
2. Nicolas Sarkozy a tardé à « suspendre » sa campagne. Quand trois soldats furent tués, les 11 et 15 mars dernier, Nicolas Sarkozy ne s'est autorisé aucun break, tout juste un communiqué.
Pourquoi ?
3. Pourquoi donc le dispositif policier fut-il aussi important ce mercredi ? La question était posée par un ancien du RAID. « Quand on pénètre à l'intérieur d'un appartement, il y a toujours un risque que ça merde. Il faut que ça aille très, très vite, et on part avec un handicap de départ: le suspect connaît les lieux, pas nous. (...) La meilleure solution, c’est plutôt la souricière. On attend qu'il sorte, et on le tope dans la rue, à l'extérieur.»


Qui a demandé cette intervention en nombre et si publique ?
4. Mercredi soir, peut-être le coup de grâce. Un journaliste du Canard Enchainé confie que Mohamed Merah avait été identifié dès le premier meurtre, le 11mars dernier.
« Ce matin, une source de la police judiciaire (PJ) m'a assuré que la PJ avait saisi les adresses IP des quelque 600 personnes s'étant connectées sur leboncoin.fr sur l'annonce du premier militaire abattu le 11 mars. Le nom du suspect (Mohamed Merah) y figurait. Or, il était inscrit sur le ficher du Stic (système de traitement des infractions constatées) entre 16 et 18 fois pour des faits mineurs. Ce qui est énorme. A cela s'ajoute le fait qu'il était également inscrit sur Cristina (Centralisation du renseignement intérieur pour la sécurité du territoire et des intérêts nationaux), le fichier de la DCRI.»
Lundi après-midi, Nicolas Sarkozy savait-il que Mohamed Merah était identifié ?
Ami sarkozyste, je résume: le terroriste s'appelle Mohamed, Copé a peur que Sarko gagne. Sarko est agacé que Hollande reste zen. Le DCRI savait tout.
Ami sarkozyste, reste avec nous.
Le spectacle ne fait que commencer.


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