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Cloclo, ça cloche

Publié le 22 mars 2012 par Wtfru @romain_wtfru

Cloclo, ça cloche

Réalisé par Florent Emilio Siri
Ecrit par Florent Emilio Siri et Julien Rappeneau
Avec Jérémie Rénier, Benoît Magimel, Monica Scattini, Sabrina Seyvecou, …
2h28

Résumé :
La vie de Claude François de sa naissance en Egypte à sa mort (mythique) dans sa baignoire…

Même avant visionnage du film, ce «Cloclo» nous pose une question des plus intéressantes : peut-on s’intéresser à un film sur un artiste, relativement mauvais et ringard, et qui, de surcroit, ne possède aucun intérêt à nos yeux ?

 Tout d’abord, il est important de préciser que Claude François n’a jamais été un véritable artiste. Dans artiste, il y a «Art », et faire de l’art, ce n’est pas donné à tout le monde.
Claude François était plutôt un showman, un businessman parfois éclairé, mais surtout un génie du marketing, de l’image, et un homme doté d’un flair hors pair pour repérer ce qui va plaire à la foule, à la masse.
Il le dit lui-même dans le film : il ne fait pas sa musique avec le cœur mais « 50% avec le cœur, et 50% avec le cerveau ». Dès lors, l’intérêt pour le bonhomme est réduit à quasi néant.
Voir un film sur un prétentieux égocentrique et superficiel qui fait de la soupe en boîte ne peut aucunement intéresser un spectateur qui se veut un zeste mélomane.

Mais qu’on soit bien d’accord : si ce film sur la vie de Claude François est une horreur, ce n’est pas uniquement du à l’aversion que l’on peut avoir pour ce chanteur à minette. Si ce film est un calvaire, c’est tout simplement parce qu’il est raté de tous les côtés !
Côté casting, hormis Jérémie Rénier, il n’y a pas grand monde à pouvoir tirer son épingle du jeu. Claude François était un être imbu de lui-même et égocentrique, et la mise en scène de Siri ne fait qu’accentuer ce sentiment tant Jérémie Rénier semble omniprésent à l’écran. C’est d’ailleurs sans doute l’une des raisons qui fait que ce casting parait incroyablement pauvre.
Pire encore, certains seconds rôles semblent avoir été choisi à l’aveuglette. Joséphine Japy est à des années lumières de Sara Forestier en France Gall (revoyez « Gainsbourg : vie héroïque » pour vous en convaincre). Et que dire du choix de Robert Knepper pour interpréter « The Voice » (ou « The Organ », c’est selon), Frank Sinatra. Si le réalisateur de « Nid de guêpes » s’était contenté de le filmer de dos, ça aurait pu passer. Mais là, c’est presque se foutre de nous!

  
Rénier, en revanche, colle parfaitement à l’image de Cloclo. Son travail de mimétisme est absolument fascinant. Sur certaines scènes, on croirait voir le vrai.
A vrai dire, il semble avoir poussé l’interprétation tellement loin que son génie d’imitation va jusqu’à provoquer autant d’agacement que son personnage lui-même.
Tous ces petits tics, ces petites manières, et la superficialité physique du personnage sont si bien reproduis qu’il semble nous gâcher le spectacle et nous prive du réel plaisir de l’interprétation de Rénier.
Il faut dire que l’acteur n’est pas non plus aidé par un scénario et une mise en scène qui tombent systématiquement dans tous les pièges du genre.
La première partie du film, avec ses innombrables ellipses, est un modèle d’écriture stéréotypée et conventionnelle, et renforce un peu plus l’aspect fourre-tout du scénario. Elle devrait être montrée dans les écoles pour montrer aux élèves ce qu’il ne faut absolument pas faire !
Et que dire de cette mise en scène qui semble n’éviter aucun cliché. Siri connait le pouvoir de l’image et il sait l’utiliser (il nous l’a prouvé par le passé et sait, quand il veut, nous le montrer ici), mais il se contente ici d’enchaîner les images mal habiles et d’un classicisme effarant qui ne font qu’accentuer la superficialité de son film et de son personnage.
Il sait mettre l’accent sur les images clés de son film, mais n’importe quel spectateur un brin éclairé ne peut tomber dans le panneau de cet amas de symbolisme artificiel.

Siri ne parvient finalement à imposer sa patte et son intelligence que dans trois plans séquences qui sont, au demeurant, magnifiques. Mais ces malheureux effets, un peu perdus dans ce néant filmique, ne peuvent sauver le film du désastre à eux seuls.
Le réalisateur a beau lorgné du côté de Paul Thomas Anderson (la scène de fête au moulin est éloquente de ce point de vue), il est clair qu’ils ne jouent pas dans la même compétition.
Il paraît également important de préciser que le film fait preuve d’un étonnant mépris pour les qualités sonores des chansons : la voix de Claude François n’est jamais véritablement audible face à la musique.
Bon OK, c’est un mal pour un bien puisque ces chansons ne sont jamais que des tubes pour adolescentes ou des adaptations stériles de classiques américains, mais c’est assez surprenant de la part d’un biopic aussi complaisant.
Car, oui, le film est bien d’une complaisance assez affolante. Les médias ont eu beau crier que l’on n’avait nullement affaire ici à une hagiographie, on n’en est tout de même pas si loin.

Il est vrai que le scénario de Florent Emilio Siri et de Julien Rappeneau n’hésite pas à évoquer les travers du chanteur (sa maniaquerie obsessionnel, sa grande cruauté envers son entourage, une manipulation constante du public et des femmes), mais la mise en scène magnifie tellement le soi-disant génie de Claude François qu’on en vient à oublier tous ces défauts qui, soit dit en passant, étaient en grande partie connus de tous.
Le mythe Claude François est ainsi gentiment écorné, suffisamment pour faire plaisir à un public peu exigeant et avide de ce genre de petites histoires affriolantes.

Au final, on se dit que finalement Claude François était un peu le Justin Bieber des années 60-70 : un homme au talent plus que contestable mais doté d’un sens inné de l’image et des modes.
La horde de fans qui poursuit Cloclo tout au long du film ressemble en tout cas étrangement aux jeunes filles pré-pubères qui ont fait le succès du Petit Journal de Canal +.

 Bref, ne vous y trompez pas. Ce « Cloclo » est une aussi grosse illusion que le chanteur dont il s’inspire. Allez plutôt re-regarder le « Podium » de Yann Moix et jeter votre vinyle Comme d’habitude pour aller vous écouter un bon vieux My Way.

Tony


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