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« Cette odeur est l’odeur de ma survie, cette odeur, l’odeur de la merde. »

Publié le 26 mars 2012 par Micheltabanou

Je reprends aujourd’hui dans le cadre de la sensibilisation à l’histoire d’un fait sanglant de l’aventure coloniale française, de cette aventure « émancipatrice » des peuples, une aventure éducatrice, ce témoignage de Zacharie Rafetison, 92 ans, président de l’Association des anciens combattants. Le mutisme de cet homme meurtri n’a d’égal que sa dignité. Lors d’une exposition des photos de Pierrot Men est à cette question posée par un jeune malgache: "Pourquoi tu ne parles pas ? Tu as toujours voulu te confronter à un Blanc et aujourd’hui tu te tais ? " il répond calmement mais les mots puissamment pesés : " Tu veux savoir, tu veux ? Je suis heureux qu’un garçon comme toi veuille savoir. Mais il te faut prendre ton temps. Ecouter. Avoir le courage. Tu as emmené ton ami blanc. Ton ami français. Il est venu. Je parle sa langue mais sa langue me brûle. J’ai 91 ans. Cela fait soixante ans que je n’ai pas parlé à un Français. Cela fait soixante ans que j’ai survécu à 47. Nos mains étaient nos bourreaux. Pas de toilettes dans la prison. Pas d’eau. On s’essuyait avec nos mains. On mangeait avec nos mains. Et nos ventres malades. Et nos diarrhées. Pas de cuiller. Pas de fourchette. Pas de papier. Nous mangions avec nos mains. Et nous en mourrions. Les Français n’avaient pas besoin de nous tuer, nos mains s’en chargeaient. Tu te tais ? Oui, tu as le droit."

Entassé et croupissant avec des dizaines d’autres détenus dans une prison de honte il a survécu aux gazages. Oui…gazage ! ? Car ceux qui opéraient la répression ont gazé ces hommes qui tombaient les uns après les autres pour faire de la place. Zacharie s’en est sorti, en plaçant ses mains contre sa bouche et son nez, se réfugiant sous les cadavres, dans la merde et le vomi. Ces mains tueuses lui ont sauvé la vie. « Cette odeur est l’odeur de ma survie, cette odeur, l’odeur de la merde. »

Jeudi 29 il y aura 65 ans et des français d’origine malgache, des français, veulent soulever le voile qui s’est posé sur la nécessaire mémoire. Soulever ce voile, à Fontenay-sous-Bois ( Salle Jacques Brel dès 20h ) pour entreprendre un avenir où notre France respectera les engagements fondamentaux d’un Etat de Droit attentif au respect de la dignité. Demain, François Hollande, s’y est engagé, il faudra réviser notre vision du partenariat avec nos amis malgaches, nos amis africains. La victoire de la gauche aux présidentielles est une condition pour l’évolution de nos rapports avec les peuples africains et malgaches.


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