Qu’est-ce qui est moral ?

On prétend que la morale est relative, qu’il n’y a pas une façon de concevoir ce qui est moral et immoral. Et nous nous opposons farouchement à toute position contraire. Nous tenons à notre liberté de mœurs et de jugement, au point que nous sommes d’une sensibilité extrême au sujet des normes. Nous n’en tolérons tout simplement plus l’idée.

Telle est la situation de notre époque, sa conviction intime : il n’y a pas de règles de conduite qui pourraient valoir pour tous. Mais n’est-ce pas excessif ? N’est-ce pas même très hypocrite ? Ce qui est moral ne fait-il pas au fond l’unanimité ? N’y a-t-il pas une entente tacite, un accord muet qui fait semblant de s’ignorer ?

Il suffit d’analyser nos idées, de prendre quelques exemples pour s’apercevoir de notre étrange communauté de pensée. Interrogeons-nous. Il semble que nous jugeons fondamentalement sur les intentions. N’importe qui fait la différence entre un acte commis par bravade ou intérêt, et le même acte commis par générosité.

Même si les effets sont importants et utiles, ce qui compte moralement, nous disons-nous au fond de nous, c’est l’état d’esprit de l’agent. Si nous volons au secours de quelqu’un parce qu’on nous regarde, ce n’est pas la même chose que de le faire s’il n’y a personne. C’est vraiment noble si l’action est faite indépendamment du reste.

On convient aussi que si nous sommes doux par nature, il est plus facile de consoler son prochain, qu’un homme qui serait amer et aigri. Si le second résiste à son penchant et compatit à la souffrance d’autrui, il sera évidemment plus moral que celui qui ne fait qu’obéir à son instinct…

Mais si ce qui est moral ne dépend ni des intérêts privés, ni des penchants naturels, ne peut-on conclure qu’est moral ce qui est universalisable ? Si être moral, c’est agir indépendamment des passions et de la sensibilité, alors nous sommes sans doute tous moraux de la même façon…