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Plaidoyer pour une remise en question (impossible ?)

Par Borokoff

A propos de Le Policier de Nadav Lapid 4 out of 5 stars

Le Policier de Nadav Lapid - Borokoff / Blog de critique cinéma

En Israël, Yaron, un policier appartenant à un corps d’élite anti-terroriste, est sur le point de devenir père de famille. Un soir, il est appelé pour une intervention un peu spéciale : des étudiants israéliens, pour la plupart issus de la bourgeoisie, ont pris en otage le puissant PDG d’une société spécialisée dans le sel lors d’un mariage, voulant par là protester contre les inégalités sociales…

Voilà un film qui à coup sûr va marquer les esprits comme le cinéma israélien, pourtant prolixe en œuvres cinématographiques ces dernières années. Le policier, cinquième long-métrage de Nadav Lapid, est un film parfaitement maitrisé du début à la fin, à la fois formellement et dans la manière courageuse avec laquelle il aborde une réalité méconnue en Israël : la fracture sociale, occultée depuis des années par le conflit israélo-palestinien, mais sur laquelle les médias se sont focalisés comme pour mieux cacher un malaise grandissant au sein de la société israélienne, toujours prompte à vanter sa « cohésion nationale ».

Yaron est un flic épanoui et viril. Il va bientôt devenir père, aime regarder sa musculature, admirer son corps. Il entretient une amitié virile avec ses collègues d’une unité d’élite très soudée et solidaire. Pourtant, l’un d’eux est atteint d’une tumeur au cerveau, métaphore de ce qui va suivre et de ce que raconte le film.

Avec une précision et une rigueur implacables, la mise en scène, en prenant tout son temps, privilégie les longs gros plans sur les visages au point que le jeu des acteurs (tous excellents) en devient presque théâtral parfois. Le policier, pendant la première moitié du film, dresse le portrait réaliste d’un jeune flic d’une trentaine d’années bourré de certitudes, obsédé par l’idée de défendre son pays contre une menace palestinienne mais qui, pas une seconde, ne se serait imaginé que la menace pourrait venir de l’intérieur. Encore moins d’un groupuscule terroriste formé par des « filles et des fils à papa » du bon côté de la barrière.

Et l’un des tours de force du scénario, scindé en deux, c’est de n’aborder qu’au milieu du film et sans transition le portrait de ce groupe de jeunes terroristes israéliens qui protestent, armes à la main, contre cette société divisée entre gens très riches (les « privilégiés » dont ils font partie) et gens très pauvres (les « soumis »), sans que cet écart ni l’absence de classe moyenne ne gênent personne.

C’est une œuvre qui rentre dans le lard (façon de parler) du consensus avec une finesse et des nuances qui l’éloignent d’un quelconque effet démonstratif ou de spectaculaire. Dans la sècheresse de son style (pas de musique par exemple), la tension constante de ses personnages, Le policier décrit une société à bout, au bord de l’implosion mais pas seulement à cause du conflit avec la Palestine.

Ce film, c’est le contraire de la complaisance, du pathos entretenus par les médias. C’est un long-métrage violent, âpre, sans concessions. Un film qui remet en question, à travers le personnage de Yaron, la pseudo cohésion de la société israélienne. Cette cohésion « artificielle » qui vole en éclats dans une sublime chute où tombe la carapace de Yaron en même temps que s’écroulent ses convictions…

http://www.youtube.com/watch?v=i-X8SSo6qps

Film israélien de Nadav Lapid, avec Yiftach Klein, Yaara Pelzig, Michael Mushonov (01 h 45).

Scénario de Nadav Lapid : 4 out of 5 stars

Mise en scène : 4 out of 5 stars

Acteurs : 4 out of 5 stars

Dialogues : 3 out of 5 stars


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