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Plate forme pétrolière, éolien off shore, Erika....le droit de l'environnement au défi de la mer

Publié le 06 avril 2012 par Arnaudgossement

Erika.jpgFuite de gaz sur une plate forme pétrolière Total, controverse sur la sélection des candidats à l'appel d'offres éolien off shore, conclusions de l'avocat général de la Cour de cassation dans l'affaire de l'Erika : quel est le point commun de ces trois actualités ? Le droit de l'environnement est mis au défi de la mer !


Coup de tonnerre dans l'affaire de l'Erika

Coup de tonnerre : selon un très bon article du journal Libération, l'Avocat général prés la Cour de cassation aurait conclu à la cassation totale de l'arrêt rendu le 30 mars 2010 par la Cour d'appel de Paris, qui était elle-même saisie d'une demande d'annulation du jugement rendu le 16 janvier 2008 par le Tribunal de grande instance de Paris. 

Concrètement, l'avocat général aurait conclu à l'annulation de la procédure pour plusieurs motifs. Le premier d'entre eux tient à ce que la responsabilité des acteurs de ce dossier, dont le Groupe Total, aurait être dû être appréciée, non au regard du droit français mais au regard des dispositions des conventions internationales qui s'appliquent au transport maritime de marchandises et aux pollutions en mer. L'avocat général, au terme d'une interprétation de la règle relative à la détermination du lieu de réalisation de l'infraction aurait donc proposé une cassation sans renvoi. 

Autre motif de cassation retenu par l'avocat général : le préjudice écologique. Si les termes "préjudices écologiques" n'ont pas été consacrés par le TGI de Paris puis la Cour d'appel de Paris, il n'en demeure pas moins que les premiers juges ont accepté de reconnaître l'existence d'un dommage pour atteinte à l'environnement, fort proche de la notion de "préjudice écologique" défendue par, principalement, la Ligue pour la protection des oiseaux. 

Le naufrage de l'Erika, intervenu en décembre 1999 devrait donc continuer à alimenter la chronique judiciaire. Le 24 mai prochain, la Cour de cassaiton devrait rendre son arrêt.  Inutile de gloser dans le vide dés maintenant : ce n'est qu'à la lecture de celui-ci qu'il sera possible d'évaluer ses conséquences, tant pour la reprise éventuelle de la procédure à son début que pour le sort des indemnisations déjà versées. 

Eolien off shore : la cacophonie

Le résultat définitif de l'appel d'offres destiné à permettre la réalisation de cinq parcs éoliens en mer ne sera sans doute pas connu avant la semaine prochaine. Rappelons en toute hypothèse qu'il importe que le Gouvernement prenne une décision officielle et que la Commission de régulation de l'énergie se prononce par avis, avant que la procédure de sélection ne soit achevée. 

Une chose est cependant déjà certaine : cette procédure a connu de nombreuses turbulences qui en démontrent la faiblesse notamment juridique. Au demeurant, nul doute que les opposants à l'implantation d'aérogénérateurs en mer formeront des recours.

Concrètement, l'Etat aurait sans doute dû mieux tirer les leçons du premier appel d'offres pour l'éolien en mer qui avait été organisé en 2004 : le candidat retenu avait alors dû affronté des recours qui avaient sans doute mis en évidence la nécessité de préciser le cadre juridique applicable à ces installations. Certes, la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 avait apporté d'utiles précisions, relatives notamment à l'absence de classement ICPE ou de permis de construire mais, comme pour le solaire photovoltaïque, le Gouvernement a une nouvelle fois tenté de compléter le cadre juridique au moyen du cahier des charges de l'appel d'offres, lui-même interprété par les désormais célèbres "réponses de la CRE" publiées sur le site internet de la Commission de régulation de l'énergie.

Cette manière de procéder, par voie d'appel d'offres n'est pas satisfaisante. Il est temps que le législateur intervienne pour préciser les conditions de réalisation des parcs en mer - qu'il s'agisse de la consultation du public, de la solution des conflits d'usage ou du respect de l'environnement - et pour offrir une sécuriité juridique maximale aux opérateurs qui vont investir pour ces projets. 

Le spectacle juridique désolant qui est donné depuis plusieurs jours et qui porte atteinte à l'image de l'éolien off shore aurait pu être évité au moyen de dispositions législatives précises. Nul doute qu'au lendemain de la proclamation des résultats définitifs de l'appel d'offres, la controverse s'installera, d'une part sur l'ouverture à concurrence du marché de l'énergie, d'autre part sur l'atteinte des objectifs fixés par la PPI de 2009, soit 6000 MW d'énergies marines. Si le parc du Tréport n'est en effet pas attribué, cet appel d'offres "première tranche" ne devrait pas permettre de pourvoir les 3000 MW espérés. Quant au deuxième appel d'offres, nul ne sait pour l'heure à quelle date il sera organisé. 

L'avenir en mer du droit de l'environnement 

Qu'il s'agisse de la fuite de gaz intervenue en mer du nord sur la plate forme pétrolière Total, de l'organisation de l'appel d'offres pour l'éolien en mer ou du naufrage de l'Erika : ces trois dossiers ont un point commun : l'insuffisance, l'imprécision voire la faiblesse du droit de l'environnement. 

Car, historiquement, le droit de l'environnement s'est bien davantage préoccupé de la terre que de la mer, laquelle demeure l'objet de conventions internationales complexes et obsolètes, qui s'articulent difficilement avec le droit sur terre. 

Aussi étrange que cela puisse paraître, le droit de l'environnement souffre de deux absences : un droit du sol cohérent pour la terre, un droit en mer clair et précis. La réponse à ces manques nous dispenserait de toutes ces controverses juridiques qui compliquent l'action des victimes, le travail des juges et contrarient la sécurité juridique dont doivent bénéficier les acteurs économiques. 

Le diagnostic n'est pas neuf. Au lendemain du Grenelle de l'environnement de 2007 qui n'avait porté que sur la terre, les acteurs du Grenelle avaient décidé d'organiser un Grenelle de  la mer. Ce dernier n'a pas beaucoup retenu l'attention, bien malheureusement. Mais ce dernier doit être repris et, surtout, organisé au niveau européen car les pollutions en mer, comme les pollutions sur terre n'ont pas de frontières. 

Un immense chantier est donc devant nous. 


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