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Delanoë et ses agents de silence

Publié le 10 avril 2012 par Copeau @Contrepoints

Avec les « Pierrots de la nuit », Bertrand Delanoë lance officiellement, après une phase de test, un dispositif d’agents de silence dans les rues de Paris, où des clowns et des mimes interviennent auprès des fêtards pour les convaincre de faire moins de bruit la nuit.
Par Jean-Jacques Netter
Publié en collaboration avec l’Institut des Libertés.

Delanoë et ses agents de silence

Jamais à court d’idées pour créer des emplois, la Mairie de Paris vient d’inventer le nouveau poste « d’agent de silence ». Ceux qui seront recrutés  auront pour fonction de veiller à la tranquillité aux abords des bars, restaurants et discothèques en invitant au silence. Ce dispositif très innovant est né au cours des « états généraux de la nuit » lancés il y a un an et demi par la Mairie de Paris. Une quarantaine « d’agents de silence » sillonneront donc les quartiers branchés de la capitale, chaque équipe sera constituée de deux artistes et d’ « un médiateur de rue » chargé d’expliquer la démarche aux passants.

Delanoë et ses agents de silence
Les  nouveaux « Pierrots de la nuit » seront recrutés parmi les « intermittents du spectacle » auxquels la Cour des Comptes, présidée par Didier Migaud, socialiste, a consacré un chapitre dans son dernier rapport annuel. Ce sujet est classé parmi les « alertes » : « Le régime d’indemnisation des intermittents frappe par son immobilisme et la persistance des déséquilibres financiers de grande ampleur qu’il occasionne », conclut la Cour.

En 2010, le déficit du régime dédié aux artistes et techniciens du spectacle s’est encore élevé à 1,03 milliard d’euros, pour 106.600 personnes indemnisées (et un total de 273.000 cotisants). « Leur déficit a représenté en 2010 un tiers de celui de l’assurance-chômage dans son ensemble », illustre la Cour. Le fonds « provisoire » créé en 2004 pour amortir les fins de droit et gérer des reconversions a de son côté été pérennisé (en fonds « de solidarité et de professionnalisation »), pour un coût annuel de 9 millions d’euros et 9.000 bénéficiaires. « Dans le contexte actuel des finances publiques, cette situation n’est pas soutenable », juge la Cour. « Sur les dix dernières années, le déficit cumulé du régime des intermittents s’est établi à un montant proche de l’endettement total du régime d’assurance chômage (9,1 milliards d’euros à la fin 2010) », fustigent-ils. Dit autrement, ce sont bel et bien toujours les cotisations chômage de l’ensemble des salariés du privé qui servent à financer le régime très avantageux des intermittents du spectacle et, au-delà, à financer une large partie de la politique culturelle de l’État. Le tout, à crédit.

En tant que citoyen, on peut s’étonner de cette décision , car le tapage nocturne est une contravention qui existe déjà dans le code pénal.  L’article R. 623-2 du nouveau Code pénal (article R. 34-8° du Code pénal) punit d’une amende contraventionnelle de troisième classe « les auteurs ou complices de bruits ou tapages injurieux ou nocturnes troublant la tranquillité d’autrui ». Il suffirait donc de faire respecter la loi par la force publique, qui est là pour cela.

En tant que contribuable, on ne peut qu’être choqué par une dépense qui, selon la Mairie, coûtera 270 000€ par an aux contribuables ! Dans une période où tous les efforts devraient être entrepris pour diminuer les déficits publics, cette dépense ne paraît vraiment pas prioritaire. Pour reprendre le texte de Philippe Muray [1] « Martine Aubry fait concurrence à l’état civil » écrit en 1998, il ne reste plus à créer que des « agents de développement du patrimoine », des « accompagnateurs de détenus », des « agents d’ambiance », des « coordinateurs petite enfance », des « aides éducateurs en temps périscolaires » et on pourra rapidement faire diminuer le chômage !

Tout entrepreneur qui ne passe pas sa vie dans les boites de nuit, car il ne vit pas dans un environnement « hyperfestif » entre les fêtes de la musique, les fêtes des voisins, les nuits blanches… ne peut être que triste de constater que la Mairie de Paris  ne se penche pas plus sur la compétitivité de la ville dont elle a la gestion. Elle s’apprêterait au contraire à perturber un peu plus la vie de tous ceux qui travaillent et qui ont besoin de se déplacer pour aller voir des clients et faire du chiffre d’affaires, ce qui permet de créer des emplois non aidés…

D’après le projet qui a été présenté par la Mairie, la fermeture des quais à la circulation automobile consisterait à fermer la circulation quai rive gauche du Pont Royal au Pont d’Iéna pour y installer un « emmarchement » qui descendra en aplomb du quai d’Orsay. Des îles artificielles flotteraient au large du port du Gros Caillou. Ensuite, les quais rive droite seraient transformés en boulevard urbain avec feu rouge. Au total, il s’agirait de mettre en place un projet à mi-chemin entre la fête foraine et Paris Plages. Le coût annoncé serait de 35 M€ d’investissement et 5M€ de fonctionnement annuel. On croit rêver…

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Sur le web

  1. Philippe Muray « Essais » (Les Belles Lettres) ; Alexandre de Vitry « L’invention de Philippe Muray » (Carnetsnord).

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