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Mohamed El Jem

Publié le 10 avril 2012 par Fanazine @fanazine

Mohamed El Jem Mohamed El Jem est un homme de théâtre qui n'est plus à présenter, tellement ses pièces ont été prisées par le public marocain. Sa dernière création est la pièce théâtrale "Al mar'a allat " où il a abordé le sujet du code de la Famille. Nous l'avons rencontrer.
Quelle est votre vision personnelle sur les changements qu'a connus le théâtre marocain ces dernières années? Mohamed El Jem : Effectivement, le théâtre marocain a connu ces dernières années une expansion vis-à-vis du nombre croissant des troupes théâtrales, et ce en comparaison avec les années 70 et 80 où on pouvait compter les troupes sur le bout des doigts. Il y avait deux types de théâtre : le professionnel et l'amateur. Mais, actuellement, et surtout depuis l'avènement du fond d'aide octroyé par le ministère de la Culture à quelque 22 groupes, il y a eu formation d'autres nouvelles troupes théâtrales. Ce fond d'aide se limite aux troupes dont les présentations ne dépassent pas une dizaine. Ce qui a diminué la portée de cette noble compétitivité qui existait auparavant entre les professionnels du théâtre, impliquant aussi l'instauration d'un fossé entre le théâtre marocain et son public. Donc, ce fond d'aide a remédié à certaines dépenses matérielles, mais a engendré d'autres problèmes qui sont encore plus graves : celui de la communication avec le public et de la centralisation des présentations se limitant à quelques villes comme Casablanca, Rabat, Salé et leurs régions. Après les dix premières présentations, le responsable de la troupe pense déjà à la pièce suivante et ainsi de suite. Mohamed El JemLe perdant dans cette histoire reste le public qui n'a pas eu le plaisir de voir de nouvelles créations, ainsi que la troupe elle-même dont le but se restreint à chercher le fond d'aide. Toutefois, on ne peut pas négliger le côté positif de la chose qui se manifeste dans ce chiffre croissant des troupes théâtrales. Une réaction qui peut faciliter un jour le choix du meilleur, car la qualité ne peut se mettre en exergue qu'à travers la pluralité. Nous savons que le théâtre a toujours joué un rôle politique et social. Est-ce que notre théâtre marocain rempli cette fonction ? Oui, le théâtre aurait pu remplir parfaitement cette fonction s'il avait les conditions et le financement qu'il méritait. Nous possédons au Maroc beaucoup de potentialités et de noms dont le talent n'est plus à discuter, mais ce qui nous manque énormément c'est un terrain fertile et une infrastructure adéquate pour un théâtre épanoui pouvant jouer son vrai rôle. L'absence flagrante des salles de présentation fait que le public, quel que soit son degré intellectuel, fuit le théâtre marocain joué en général dans des salles de cinéma en mauvais état. Cela affecte le rendement de notre théâtre et lui ôte son rôle essentiel qui est le plaisir de voir une pièce théâtrale qui, en même temps, remédie à certains problèmes sociaux, politiques ou économiques. Sachant qu'une pièce théâtrale repose essentiellement sur l'écriture du texte, avons-nous de bons dramaturges au Maroc ? Il y a beaucoup de progrès dans ce sens. Je connais des auteurs qui ont des idées géniales et des possibilités d'écrire à la hauteur, mais ils ne trouvent pas un marché pour leurs écrits, car il n'y a pas de demande. Ce qui les pousse à abandonner ce chemin pour faire autre chose de plus rentable. Quand on constate que le domaine est vide et stagnant et que le public fuit les salles de présentation, comment voulez-vous qu'un auteur soit encouragé pour continuer à écrire ? Par exemple en Egypte, il y a un marché florissant d'écriture théâtrale, parce qu'il y a l'offre et la demande. Il faut, donc, à mon avis, créer un vrai marché et de vrais producteurs de théâtre qui n'hésiteront pas dans ce cas de faire des demandes pour avoir de bons textes. Malheureusement, nous remarquons qu'au Maroc le secteur privé ne veut pas investir dans le domaine artistique. Pour les investisseurs privés c'est un volet dont les gains ne sont pas très visibles, alors que c'est un domaine très fructifiant si on a un peu de patience et du bon sens. Qu'en est-il du fond d'aide qu'on donne à certaines troupes théâtrales. Sur quels critères se base la commission pour octroyer cette aide financière ? Ce fond d'aide est accordé à partir d'un dossier que prépare chacune des troupes théâtrales contenant, entre autres, la scénographie, le nombre des acteurs, le texte de la pièce qu'une Commission spéciale étudie pour décider à l'unanimité s'il mérite ou non l'octroi d'une subvention suivant des conditions bien déterminées, dont celle de donner dix représentations avec ce produit. Mohamed El JemPour moi, l'existence de ce fond d'aide est un gain pour le théâtre marocain qui ne fait qu'encourager la productivité dans ce domaine qui dépendait avant de la réussite ou non de la pièce théâtrale. Je suggère seulement que cette aide financière qui se limite à quelques villes et régions du Maroc propage sa dimension sur toute la carte géographique pour en faire bénéficier même les coins les plus lointains du Royaume. Le théâtre marocain a connu pendant la période des années 60 et 70 une apogée qui en a permis l'épanouissement. Ce qui n'existe plus actuellement. Quelle est la cause de ce revirement qui se manifeste au niveau du public qui a fui les salles de spectacles? On peut dire que dans les années 60 et 70, il y a eu une renaissance théâtrale avec des troupes comme celles de Maâmora, de Taîb Seddiki, Al Ouafae Al Mourrakouchia, de Badaoui et d'autres à Rabat et Casablanca entre lesquelles il y avait une compétitivité noble et très saine et une coordination professionnelle. Cette activité s'est perdue avec le temps et un fossé s'est creusé entre le théâtre et le public marocain. Il y a plusieurs facteurs qui sont entrés en considération comme l'invasion d'autres chaînes de télévision. Mais, ceci ne justifie pas cette situation actuelle, puisque même d'autres pays vivent les mêmes problèmes et pourtant leur public reste fidèle à ses salles de théâtre. Moi je pense qu'il faut incriminer, en premier lieu, le manque d'une culture artistique, mais aussi l'inadéquation des salles de présentation, la condition sociale, le stress de la vie, l'analphabétisme… Le public a aussi, à mon avis, besoin d'un théâtre pour se détendre et non pour faire travailler ses méninges …Donc, nous avons comme devoir de lui faire oublier tous ces problèmes le temps d'une pièce théâtrale. Ce genre de théâtre d'élite, d'expérience ou de salon, nous pouvons l'exercer plus tard après avoir gagné notre public, comme ça il aura le choix d'aller là où il veut. Actuellement, nous devons absolument le gagner et le faire revenir aux salles de représentation, car il est anormal de voir une vingtaine de personnes dans un théâtre national qui accueille 1700 places. Que représente pour vous la Journée Nationale du Théâtre ? Moi je trouve que c'est une journée très ordinaire où se déroulent des activités sporadiques à l'échelle nationale. C'est un anniversaire, mais qui n'est pas fêté comme il faut, puisqu'il a perdu toute sa valeur et tout son poids. Cette journée a été décrétée journée nationale du théâtre après la lettre de feu SM le Roi Hassan II à tous les hommes de théâtre dans laquelle il a proposé de faire bénéficier le théâtre de 1% des budgets des Communes. C'était un grand espoir pour nous tous, surtout pour redresser la situation du théâtre, construire des salles, instaurer une infrastructure solide... Peut-être que si les hommes de théâtre avaient profité de cet argent, cette journée aurait été fêtée dans une ambiance plus festive. 

Séries :
2003 : Famille de si marbouh (saison 1)
2003 : Famille de si marbouh (saison 2)
2004 : Sir hta tji (saison 1)
2005 : Sir hta tji (saison 2)
2007 : Jwa men Jem
Théâtre :
Sa3a mabrouka
jar wa majrour
almar2atou lati...
arrajoulou ladi...
Nadia.B

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