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Une collaboration historique

Par Les Lettres Françaises

Une collaboration historique

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Revue culturelle et Littéraire Les Lettres Françasies Baudelaire

La folie Baudelaire, de Roberto Calasso traduit par Jean Paul Manganaro

Roberto Calasso, directeur de la maison d’édition Adelphi à Milan, romancier et essayiste (il a écrit un ouvrage sur Kafka et un autre sur Tiepolo), nous propose un voyage initiatique dans l’univers de Charles Baudelaire. Son étude n’est pas classique : elle se présente comme une excursion intellectuelle dans les méandres de la « Folie Baudelaire» dont Sainte-Beuve a donné la définition: « Ce kiosque singulier, travaillé en marquèterie, d’une originalité concertée et composée qui, depuis quelque temps, attire les regards vers la pointe extrême du Kamchatka romantique, je l’appelle la folie Baudelaire. » Le parcours qu’il se propose se déroule sur deux plans d’interprétation : d’abord en mettant en relief ce que dit le poète, ensuite en avançant une interprétation de ses déclarations. Il examine la biographie de Baudelaire -, l’étrange relation avec sa mère, les humiliations permanentes que lui fait subir son beau-père et tuteur qu’il déteste, la présence envahissante de ce dernier, en somme ce qui a contribué au développement d’une sensibilité exacerbée qui doit, depuis sa jeunesse, affronter « l’obscurité naturelle des choses ». Les traits de sa personnalité en ont été accentués très tôt. L’immédiateté, sa tendance à l’analogie et le culte de l’imaginaire se mêlent pour constituer cette « antenne métaphysique » qui lui permet de créer des liens entre les différents modes expression artistiques. Calasso s’intéresse de manière particulière à son goût pour les arts plastique. Il choisit d’évoquer quatre peintres qui le fascinent : Ingres, Delacroix, Manet et Degas Au fil de son étude, Calasso soutient que les idées esthétiques de Baudelaire reposent sur le goût du paradoxe ; il le montre revendiquer l’innovation, la modernité et l’atmosphère décadente ; il a aussi accouplé des thèmes métaphysiques et des thèmes frivoles. Pour lui, l’homme de lettres est « en premier lieu celui qui agit seul. » Calasso croit que cette singularité en tout a changé le cours de son existence, parcourue par des mortifications récurrentes, la honte et la sensation d’inadaptation. Et une honte insupportable qui ne l’abandonne jamais. Le livre de Roberto Calasso se termine par le récit du seul rêve que Baudelaire ait couché sur le papier, décrit avec précision dans une lettre envoyée à son ami Asselineau. L’étude se concentre sur l’identification implicite de l’auteur avec un être monstrueux rencontré pendant son sommeil : ce rêve est à l’image de son esprit. Le grand mérite de la Folie Baudelaire est de décrire les conséquences de l’impossibilité de Baudelaire de faire coïncider la pensée avec la réalité. Mais le poète a su utiliser cet obstacle pour peintre les secrètes connivences du bien et du mal.

Leonardo Arrighi

La Folie Baudelaire, de Roberto Calasso, traduit de l’italien par Jean-Paul Manganaro, Gallimard, 485 pages, 28,50 euros.

N° 92 – Les Lettres Françaises Avril 2012



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