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L’intéressante newsletter du Consulat Général de Londres

Publié le 11 avril 2012 par H16

Internet a ceci de bien qu’il permet de joindre (quasiment) n’importe qui à (quasiment) n’importe quel endroit. Evidemment, cela vaut aussi pour l’électeur loin du bercail national et c’est donc tout naturellement que les candidats font tout pour les attraper, et j’en ai déjà parlé ici même. Cette fois-ci, je veux vous faire découvrir la prose d’un Consul de France. C’est beau, la prose d’un fonctionnaire franchouillard grassement payé.

Comme vous le savez peut-être, le fait d’être inscrit au consulat déclenche automatiquement l’envie irrésistible de la part des élus et des instances gouvernementales de venir pourrir votre boîte mail avec leurs newsletters, leurs tracts électroniques pour tel ou tel candidat, avec la délicatesse qu’on peut imaginer.

Si, pour obtenir un visa ou des informations administratives, il faut savoir choper l’ambassade ou le consulat dans les rares moments où ils sont ouverts (entre 10:37 et 13:14 le jeudi exclusivement), vous avez en revanche toute latitude de vous inscrire aisément sur les portails électroniques comme celui-ci dont vous pourrez être sûr que les informations seront largement distribuées.

Et si internet permet à nos « élites » de toucher l’électeur où qu’il soit, il permet aussi de faire savoir à tous le contenu parfois effarant des missives envoyées. C’est ainsi grâce à ce même internet qu’un autre libéral de mes connaissances m’a fait parvenir la dernière production du Consul général à Londres.

Il m’a fallu relire plusieurs fois la production du frétillant fonctionnaire pour m’assurer que je ne rêvais pas. En voici un court extrait, sous forme d’image.

Lettre du Consulat Général Français à LondresCliquez pour voir la totalité du désastre.

Comme c’est écrit petit, je vous fais un petit résumé rapide.

Outre l’orthographe intéressante de l’intitulé de la lettre d’information (champ « De: » du mail), libellée comme « Newsletter du Consulat Generale de France a Londres » (sans les accents et avec un e de trop, oui oui), on apprend donc dans le corps du texte qu’Édouard Braine, le vigoureux Consul général, émet un avis aussi péremptoire qu’ahurissant sur le vote, la patrie, le civisme et les pâtes à la carbonara :

A cet égard, le taux d’abstention lors des prochains scrutins mesurera objectivement notre civisme. Une participation électorale scandaleusement faible poserait la question de savoir si l’attention témoignée par la Mère Patrie à ses enfants expatriés est vraiment méritée.

Ok. Il n’y a pas les pâtes à la carbonara, mais il aurait mieux valu, à tout prendre.

Car ici, on apprend qu’on veut mesurer le civisme des expatriés londoniens. Première nouvelle. On apprend aussi qu’une participation scandaleusement faible poserait des questions. On apprend de plus que l’attention de la Mère Patrie à ces expatriés se mérite.

Oh. Fichtre.

Reprenons calmement.

Depuis quand, exactement, un consul, fut-il général, peut se permettre de vouloir mesurer le civisme des administrés dont il a modestement l’unique charge sur le plan administratif ? En quoi le fait de voter (ou de s’abstenir, en son âme et conscience) permet-il de mesurer le civisme des citoyens ? Depuis quand le fait de ne pas aller voter est un acte incivique ? Le petit consul ne peut-il imaginer que certains de ces électeurs ne veulent pas voter pour la brochette de saucisses fumées qu’on lui propose ? Qu’ils en ont marre de recevoir des emails pourris, gentiment culpabilisants en loucedé, alors qu’ils attendent, avant tout, qu’on les serve humblement à la hauteur des impôts qu’ils payent, en leur évitant, je cite, « presque 2 mois d’attente pour obtenir un rendez-vous via internet au service de l’administration des français pour faire renouveler passeport ou carte d’identité » ?

Depuis quand doit-on voter en compensation de l’attention portée par la Mère Patrie ?

Surtout que cette attention est essentiellement composée … d’impôts, de taxations et de vexations diverses sur le mode « Salaud d’expat ». Eh oui : l’exit-tax est entrée en vigueur, parfaitement comme prévu, d’ailleurs.

Je résume : le rigolo qui a écrit cette newsletter, qui est normalement au service des expatriés français à Londres, se permet donc de faire dans le moralisateur prêchi-prêcha, de la jouer sur le registre « Vous le devez à la Mère Patrie » au moment même où cette dernière tente tout ce qu’elle peut pour dépouiller encore un peu plus ceux qui tentent d’échapper à ses griffes. Extraordinaire, non ?

Et dans cette phrase magnifique, on lit le condensé parfait et chimiquement pur de la pensée à la mode : la démocratie, c’est le vote, c’est un devoir, c’est absolument capital mon vieux, des gens sont morts pour ça (Ah bon ? Qui ? Des noms !), patati patata, et surtout, ça permet d’entériner un système qui permet de bien asseoir la légitimité de nos ronds-de-cuir adoubés par l’onction citoyenne, hein !

Le summum est atteint avec l’évocation d’une « participation scandaleusement faible ». C’est quoi, « scandaleusement faible » ? 50% ? 10% ? 1% ? Et si c’est 1.2%, c’est « scandaleusement faible » ou juste faiblichon ? Et c’est scandaleux parce que le Consul s’est donné du mal pour cette mascarade ou c’est scandaleux parce que ça va clairement affaiblir la légitimité de l’élu ? C’est scandaleux parce qu’il faut glisser du papier dans une urne pour prouver qu’on existe, ou c’est scandaleux parce que des gens ont mieux à faire, ou, pire encore, ne pensent pas comme le gratte-papier qui a écrit cette consternante connerie ?

Et qu’y a-t-il de plus scandaleux ? Proposer 10 candidats, tous interchangeables dans leur médiocrité et leurs programmes, leur antilibéralisme galopant, leur haine de l’étranger, ou ne pas aller voter pour cette bande de profiteurs et d’incompétents ?

Monsieur le Consul général de Londres, vous n’êtes pas payé pour donner des leçons de civisme ou le mesurer chez vos administrés. Vous n’êtes pas non plus payé pour distribuer la Bonne Parole Républicaine, et en tout cas, certainement pas de cette façon. Vous êtes payé pour faire, humblement, le travail qui vous incombe : tamponner les visas, tenir les listes à jour, classer la paperasse.

Et surtout, laissez les enfants expatriés gérer leur relation avec la Mère Patrie. Ils sont adultes, ils n’ont pas besoin de vous.



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