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Erotisme des poètes et des émirs arabes (2)

Publié le 06 juillet 2007 par Naravas

La sexualité et les plaisirs
chez les grands poètes arabes (2)

Abu Nuwas rencontre son amant,

Walîba ibn Al Houbâb :

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Abu Nuwas était un homme très beau, courtois, aux manières gracieuses et au visage de flamme. Son génie de poète, sa bonne éducation (adâb), son agréable et instructive compagnie et son élégance naturelle faisaient de lui une star à Basra, où les jeunes gens recherchaient son amitié, voire plus.

Un jour, il leur déclara qu’il ne pouvait se livrer qu’à un homme  qui réunirait à la fois personnalité, bravoure, culture étendue et générosité. Son entourage lui répondit que pareilles choses n’existaient que chez Walîba ibn Al Houbâb et on lui déclama quelques morceaux choisis de ce grand poète (dont l’œuvre fut apparemment entièrement perdue).


Abu Nuwas fut tellement impressionné qu’il alla sur le champ trouver l’auteur de ces sublimes rimes. Il arriva chez Walîba, où il y avait ce jour là une réception et des invités triés. Il se présenta et dit à la servante qu’il voulait rencontrer son maître.  Hélas, Walîba, après avoir bu, s’est assoupi. On proposa alors à l’invité de la nourriture et de la boisson, en attendant que son hôte se réveille. Lorsque celui-i se réveilla, Abu Nuwas était déjà ivre et s’est endormi  à son tour. Walîba demande alors à manger et à boire en attendant qu’Abu Nuwas se réveille. Il s’enivre et se rendormit. On raconte qu’ils passèrent plusieurs jours dans la même salle sans se rencontrer. Enfin, Walîba ordonna à sa servante de mettre fin à ce jeu. Quant enfin son invité s’est réveillé, il s’enquit de ses désirs. Celui-ci répondit alors :

-         J’avoue que j’ai de l’amour pour toi. On m’a dit tout le bien du monde sur ta personne, on m’a déclamé quelques vers de ton invention et mon cœur s’est emballé.

Walîba ne put résister au charme du jeune homme. Il  envoya chercher des musiciens pour fêter l’évènement. Mais au moment où son désir grandît, il ne put faire un pas en direction de lui, car la crainte et le respect remplirent son cœur.  Abu Nuwas, le voyant dans cet état, déclama alors :

Pourquoi me considères-tu aussi longuement ?
Faut-il bégayer toujours
Si l’on veut aborder
Cette affaire ?
(…)

Vois, je suis l’obéissance :
Ma docilité est celle
Du serviteur qui reçoit
Les ordres de son maître

Va, tu peux introduire en nous
Le flacon qui répand
La gomme aromatique, et me confier ensuite
Les raisons pour lesquelles
Tu persistes à le cacher (Tîfâchî, p. 142)

__________________________________
A ces paroles, Walîba se jeta sur son amoureux, l’étendit par terre et lui découvrit le fondement (le derrière). Il tomba alors en extase devant ce qui s’offrait à lui et ne put s’empêcher d’embrasser frénétiquement toute cette blancheur.  Au moment où son amant approcha le nez de son orifice,   Abu Nuwas lâcha un pet. Aussitôt, Walîba, croyant que son invité voulait l’offenser, dégaine son poignard et le pose sur la gorge d’Abu Nuwas.

-         Du calme, répondit celui-ci. J’ai juste entendu les gens dire ce proverbe «  un coup de vent est la juste rétribution de qui s’abaisse à embrasser un fondement ». Et comme je suis poète, j’aime que les proverbes ne se perdent pas !

C’est alors ainsi que le jeune amant acquit auprès de son amoureux, de façon toute littéraire (en improvisant un proverbe), une estime qui ne s’est jamais démentie. Ils vécurent vingt mois ensemble. Au cours de ce temps, Abu Nuwas se perfectionna davantage en poésie. Il effectua sur la suggestion de Walîba un voyage chez les Bédouins pour recueillir leur poésie et apprendre de leurs traditions culturelles et littéraires. Bref, il fît son apprentissage sous sa direction, ...poétique et érotique.


Deux expériences ont eu un impact important sur la formation d'Abu Nuwas : celle avec son amant Wâliba et celle qu'il a eue dans le Mirbad de Basra, qui est une aire pour sécher les dates où venaient bavarder poètes et écrivains arabes de cette époque. C'est là qu'étant adolescent, il se vit défier par un Arabe nomade qui venait de vendre ses chameaux. Celui-ci, voulant le "conjoindre", crût bon de le séduire en lui faisant entendre quelques mauvais vers d'une qasîda bédouine (poème). Abu Nawas, qui n'avait encore jamais composé de vers, a relevé le défi en lui répondant par un petit poème inventé hic et nunc. Le nomade reconnut alors la superiorité littéraire du jeune adolescent et lui versa une poignée de pièces d'argent. Depuis cette expérience fondatrice, Abu Nuwas se lia pour la vie à la poèsie.


Enfin, je vais vous raconter l'histoire de sa séparation avec Walîba. Un jour que celui-ci était entrain de l'enfourcher, Abu Nuwas lui improvisa les vers suivants :

Tableau admirable
Que celui d'un poète de génie
Que s'apprête à conjoindre
Wâliba fils d'al Houbâb

Ayant terminé son affaire, Wâliba, homme avisé, comprenant que la formation poètique de l'adolescent était achevée, qu'il avait désormais à craindre le côté tranchant de sa poèsie, lui déclara une rupture sur le coup. Abu Nuwas obéit et se sépara de son amant. Curieuse formation poètique, qui commence et se termine par une "conjonction"...

D'autres histoires suivront.

Souce : Ahmad al-Tîfâchî, Les Délices des cœurs, traduction intégrale sur les manuscrits originaux par René Khawam, Paris, Editions Phébus, collection « Pocket », 1981.

Présentation du livre en arabe

Présentation du livre (Amazon) en français

 


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