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My Week With Marilyn

Par Thibaut_fleuret @Thibaut_Fleuret

My Week With Marilyn

Les frères Weinstein savent bien vendre les films qu’ils produisent même si ceux-ci ne sont pas forcément de la trempe des chefs d’oeuvre. Après le carton de The Artist qu’ils ont distribué aux Etats-Unis et l’intense lobbying qui a conduit à l’énorme succès aux derniers Oscars, voici que sort leur dernier poulain. My Week With Marilyn porte, en effet, la patte des frangins, dans l’exploitation du métrage. Une campagne sur la prestation de Michelle Williams, une récompense aux Golden Globes et des nominations aux Oscars, voici bien tout ce qu’il fallait pour faire du buzz. Mais la vraie question est : My Week With Marilyn est-il un bon film ?

La réponse mérite quelques approfondissements. Et profitons de ces premières lignes pour clore le sujet définitivement : Michelle Williams est époustouflante. Cependant, My Week With Marilyn ne tient pas que sur la performance de son actrice principale. Ce qu’il faut souligner en premier lieu est la conscience cinématographique du projet. En effet, le métrage n’est pas un biopic comme les autres où le spectateur se retrouverait plongé dans l’exhaustivité d’une vie où le spectateur doit tout savoir, avec trauma de départ et penchant hagiographique de fin. Nous suivons, en fait, le parcours de Colin, un fils de bonne famille aristocrate qui essaie de percer dans le milieu du cinéma et qui va nouer une relation avec Marilyn Monroe. Et le film ne va pas quitter son point de vue. L’universalité du projet biographique commun et vulgaire est mise à la trappe dès le début via un procédé de voix-off parfois pompeux mais ici parfaitement adéquat et réflexif. De plus, même quand le film va plonger dans les multiples souffrances de la célèbre actrice, jamais le spectateur ne va aller dans le cœur de ces problématiques. Le cinéaste préfèrera souligner plus que surligner. Ce que nous verrons, c’est la représentation que ce fait Colin de ces moments, de ces attitudes, de ces mots. Ce choix théorique place My Week With Marilyn en dehors des voies traditionnelles et ce que le film perd en « prises de connaissances » sur le sujet, il le gagne en intérêt cinématographique.

Mais il ne faut pas voir le film comme la vision naïve d’un jeune homme car My Week With Marilyn sait aussi être réflexif. En effet, il faut bien prendre en compte qu’il existe un discours sur une dualité d’une personnalité, ici entre une femme et son devenir-icône. Elle sait que le public la réclame en tant que telle et non pas comme un être humain et c’est tout le drame du film. Marilyn Monroe est en fait prisonnière de son statut de star célèbre, glamour et pulpeuse qui fait rêver la planète entière. Quant à sa vie privée, elle tombe en désuétude, littéralement bouffée par le statut iconique auquel tout le monde, même Arthur Miller, prête une trop grande attention. En effet, la femme n’est plus regardée, n’arrive plus à exprimer son individualité profonde, n’existe plus. Seul compte Marilyn. Conformément au projet biographique, tout cela va être soumis au spectateur quand Colin sera un témoin. De plus, l’actrice lui fait suffisamment part de ses réflexions et  de ses émotions pour qu’il s’en fasse le rapporteur. Enfin, alors qu’on lui soupçonnerait une empathie humanisante, il est, lui-même, piégé par cette contradiction. On ne sait pas si le jeune homme tombe amoureux de Marilyn Monroe ou de Norman Jean Baker, happé qu’il est par sa fascination pour le Septième Art. Ainsi, il faut voir de quelle manière il oublie la jeune décoratrice avec qui il flirtait au début ou son regard rempli d’étoiles lorsqu’il est dans une salle de cinéma ou sur le tournage. Tout le monde est pris au piège par ce combat identitaire, ce qui fait de cette thématique le nerf de la guerre du métrage. Cette réflexion se retrouve derrière quelques belles scènes et une réalisation de début qui joue à fond la carte iconique avec ses ralentis, arrêts sur image et autres incrustations en noir et blanc.

Pire encore, Marilyn Monroe dépasse ce duel en y incorporant une troisième voie : le statut de l’acteur. Elle est une femme, elle est une icône mais est-elle une actrice ? C’est la question qu’elle se pose constamment tant elle cherche une légitimité dans le milieu du cinéma et une reconnaissance artistique. Le film, finalement, veut montrer une actrice perdue qui ne trouve pas sa place sur un plateau de tournage, coincée entre des acteurs expérimentés, solides et professionnels. Mais cet enchevêtrement de doutes ne concerne pas que l’actrice. Dans une logique paradoxale, il entraîne les autres comédiens. S’ils ne manquent pas de faire remarquer à Marilyn son incapacité à jouer correctement son rôle à chaque mauvais prise lors du tournage, blessant encore davantage la star, ils ne peuvent s’empêcher d’être admiratif. Ainsi, ses partenaires sont jaloux de sa manière de capter la lumière de la caméra, de sa capacité à être à la fois spontanée et réfléchie. Alors que Marilyn est une icône qui cherche à être une actrice, Sir Laurence Olivier, pour ne citer que lui, est un acteur qui cherche à être une icône. Grâce à des lignes de dialogues bien senties, My Week With Marilyn dissèque  toute une profession tiraillée entre une méthode classique et la Méthode chère à l’Actor’s Studio qui vient d’apparaître. Ce propos vient donc approfondir une réflexion sur le cinéma qui se cherche une nouvelle manière de fonctionner. Par cette dimension immersive dans l’industrie cinématographique, le métrage s’échappe encore plus de la ligne biographique et déclare son amour à l’art.

Si ces remarques font de My Week With Marilyn un objet intéressant, elles n’en font pas non plus un chef d’œuvre. La faute en revient à une mise en scène qui reste quand même sans âme et à un scénario plongeant parfois un peu trop dans la bluette romantique adolescente. Ce dernier statut vampirise le film en prenant une trop large place au sein du déroulement du film. La conséquence est terrible. A la longue, My Week With Marilyn devient tout bonnement insignifiant. C’est comme si le réalisateur ne croyait pas, ou ne voyait pas, les enjeux primordiaux du projet. Le métrage aurait pu être d’une ambition folle. Il n’est finalement presque qu’un véhicule pour asseoir Michelle Williams dans la cour des actrices définitivement à suivre.


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