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la maladie sénile de la sociale-démocratie (la "technocratie")

Publié le 13 avril 2012 par Aymeric

J'ose pasPendant les premiers mois qui suivirent l’échec de la conquête du pouvoir par Lionel Jospin, beaucoup s’amusèrent à chercher dans la masse des faits passés et triés, celui qui rentrerait le mieux dans l'habit prêt-à-porter du "tournant de la campagne".
Du tabassage d’un octogénaire au programme non socialiste en passant par un bémol mis aux super pouvoirs que certains prêtent à l’Etat : un paquet d’événements médiatiques ont eu le profil.
Personnellement il en est un qui, après coup, m’est apparu plus important que les autres.
Pas tellement pour son impact au fond mais pour son aspect révélateur.
C’était un de ces jours de campagne électorale pré-premier tour. Jospin puis Chirac visitent une usine en grève (de mémoire – je n’ai rien déboursé pour retrouver l’extrait – une usine Michelin).
Alors que Chirac, patelin, compréhensif, fait dans le soutien qui ne mange pas de pain.
Jospin par contre, mécontent des interpellations et explications tenues par les syndicalistes s’énerve devant tant de méconnaissance des plus simples mécanismes macro-économique et éclate en un « c’est plus compliqué que ça » agacé et sec avant d’envoyer promener tout ce petit monde ignare auprès d’un des ses subalternes.
Le candidat socialiste pris en flagrant délit de mépris de classe face à ceux dont il est supposé défendre les intérêts : désastreux.
Un impair disqualifiant pour la gauche française, enfin son aile modérée, sociale démocrate, post Bad Godesberg et libérale aux entournures : mon camp.
J’ai déjà raconté comment je me suis éloigné de la gauche dite radicale ou même vraie selon ceux qui s’en réclament. La faute à un certain manque de sérieux dans les propositions,  un schématisme et une tendance aux solutions toute prêtes.
Fatigué, en somme par "ce goût du discours excessif, du pathos lyrique… Cet absolu mépris des rudes contraintes de l’art de produire et de distribuer que par convention on appelle l’économie..." (Michel - my idol - Rocard ©)
Une évolution qui me  fit par exemple rejoindre en pleine enthousiaste conviction les rangs du Oui à peine trois petites années après le coup de tonnerre de 2002 – et pour une déconfiture similaire.
A cette époque, Jean-Luc Mélenchon, m’était une sorte de repoussoir : l’ennemi intérieur ultime. Du même parti mais représentant l’aile honnie de la gauche, celle des fausses promesses et des déceptions à venir, tribunicienne et agressive, anti-européenne crispée sur son nationalo-républicanisme.
Pourtant, sept années et un président et demi plus tard le même m’apparait comme un exemple à suivre.
Je vous arrête : ma girouette s’est maintenant grippée, je n’ai pas reviré ma cuti. Le bolivarisme chavezien n’est toujours pas ma tisane, je trouve au tout étatique de ternes couleurs de casernes et ajouter au rasage gratis, le cirage, le repassage et la mise en plis me rend le panneau un peu trop voyant pour y tomber.
Mais, je peux reconnaitre qu’au moins lui sait faire campagne.
Il ne se contente pas d’ajouter sa réaction convenue à un ordre du jour mais participe à faire celui-ci. Il potasse suffisamment ses sujets pour ne pas faire de ses interviews un mécano de lieux communs évasifs.
Une force de conviction au travail ça vous a quand même une certaine gueule.
A contrario, la gauche modérée en action, c’est trop souvent la morgue de l’élite se donnant en spectacle.
Dans les rencontres internationales nos très nationaux diplomates sont réputés pour asséner à leurs vis-à-vis de brillantes démonstrations qu’ils pensent inattaquables de rigueur et se trouvent après coup fort surpris de constater que l’ensemble de l’assemblée n’adhère pas entièrement à ce qui, étant le bon sens même, ne saurait souffrir la moindre contestation.
A l’intérieur de nos frontière d’autres élites issues du même entre soi.fr administrent de la même manière leurs leçons au bon peuple ignorant.
Et, j’ai beau être d’accords avec la plupart des arguments utilisés (fonds limités, problèmes de financements, règles d’airain économiques, etc.), ce qu’on voit d’abord, c’est un technocrate se pensant l’incarnation de la raison - s’il est progressiste, de la justice bien tempérée – qui assène son savoir du (très) haut de sa position hiérarchique. Le tout, ces derniers temps, empaqueté dans un TINA ce qui ne convaincra que les convaincus, irritera les autres et finira par lasser les tièdes.
Ah et cette sale manie de ne voir dans les oppositions que le produit d’intérêts particuliers alors qu’eux les leaders d’opinion sont bien entendu naturellement dépositaires de l’intérêt général. Comme si nos élites n’étaient pas prises elles même dans les pièges des petits intérêts. Comment ne pas y voir du mépris et de l’auto aveuglement ?
Mes camarades sociaux-traitres me diront : « il faut faire de la pédagogie ».
Mais l’utilisation même du terme est désastreuse : pleine de paternalisme et de supériorité hiérarchique.
Si le socdem veut être audible voire même – il est inutile d’espérer pour entreprendre – populaire : il va falloir qu’il retourne se plonger dans le politique, c’est à dire faire face au conflit.
Ce qui, vue l’évolution sociologique de son parti, est loin d’être gagné et suppose quelques vigoureuses et douloureuses remises en question.
Déjà, ouvrir un peu les portes et aller voir chez les voisins, histoire de faire le tri entre les évidences de son discours et les aspects qui ne sont clairs que pour les initiés encartés. Histoire aussi de partager un peu ce savoir jalousement gardé comme une marque de reconnaissance sociale, conservée à l’abri des regards profanes.
Panacher un peu les tâches du militant, le faire participer aux discours qu’il véhicule. Cela redonnerait des couleurs à la triste chair à tractage noyée dans le flot de son propre discours automatique.
 
Reprendre le contact avec les syndicats et ainsi les secouer un peu eux-mêmes.
Car en voilà d’autres qui auraient besoin de se remettre en cause et de se pencher un peu sur l’efficacité de leur traditionnel quadryptyque « revendications – épreuve de force – négociations –résultats »
Avec des revendications qui semblent reprendre lettres à lettres un marbre datant de Krasucki et des moyens d’actions d’une obsolescence désolante et contre productive  - comme si des gens comme Act Up n’étaient jamais apparus dans le paysage - un peu de renouveau ne leur ferait pas de mal.
Et puis surtout, quand on se réclame de l’aide aux plus défavorisés, se déployer un peu plus dans les zones sinistrées.
Sans aller jusqu’au dévouement des frères musulmans qui ont construit une partie de leur succès dans l’assistance aux plus défavorisés, au moins envoyer des militants auprès des travailleurs sociaux et des bénévoles humanitaires.
Il faut ce genre d’imprégnation et d’échanges pour être certain que l’on mesure correctement les conséquences en bout de chaines des grands mécanismes que l’on sait théoriquement bénéfiques, pour imaginer les meilleurs moyens d’en pallier les effets nocifs.
Il faut sans doute aussi ce genre de présence régulière pour donner un minimum de crédibilité aux idéaux de justice dont on s’est fait un étendard.
Oui, je sais, cela demande sans doute un dévouement et un changement d’habitudes dont nous autre petits bourgeois sommes difficilement capables.
C’est pourtant en trempant nos idées dans le bain revigorant de la confrontation, que nous parviendrons à rendre la modération révolutionnaire et le raisonnable sexy.
Un dur lavoro mi tocca far !


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