Magazine Bd

Sylvain Ricard et Nicoby – 20 ans ferme

Par Yvantilleuil

Comme des animaux en cage !

Sylvain Ricard et Nicoby - 20 ans ferme Se basant sur les confidences d’un ancien détenu nommé Milko Paris, fondateur et président d’une association intitulée Ban Public, Sylvain Ricard et Nicoby dénoncent les conditions de vie dans les établissements carcéraux.

Si l’histoire de Milan est fictive, elle s’appuie néanmoins sur la réalité et sur la souffrance de prisonniers victimes d’un régime carcéral barbare. Alors certes, Milan est une bête sauvage, une bête blessée, dangereuse pour la société et qui mérite amplement d’en être extraite, mais faut-il pour autant ignorer les délits commis quotidiennement par la justice française ? Abolir la peine de mort est une chose, mais le fait de supprimer l’abattoir n’excuse pas le fait de parquer les délinquants comme des animaux dans des cages qui indigneraient profondément les amis de Brigitte Bardot. Car oui mesdames et messieurs, le prisonnier a bel et bien des droits fondamentaux, et, en tant que pays civilisé, il ne faut pas seulement les accorder, mais également faire un minimum pour essayer de les respecter. La liste des méfaits est pourtant aussi longue que connue : surpopulation, violence physique et psychologique, conditions de détention dégradantes, droits bafoués, traitements inhumains, absence d’intimité, fouilles corporelles répétitives et humiliantes, soins médicaux inexistants, hygiène déplorable… Faut-il cautionner ces lieux de non-droit où chaque émeute est un appel à l’aide lancé par ceux qui ont été à juste titre exclus d’une société qui derrière l’apparence d’une justice équitable, espère cacher ses propres dérives derrière des murs de prisons ? Si on espère un jour qu’ils ressortiront gentils comme des moutons, il faudrait peut-être commencer par ne pas enlever le mot « espoir » de leur vocabulaire. Le but est d’un jour pouvoir les réinsérer, pas de les détruire un peu plus chaque jour. Alors oui, Milan est un gros emmerdeur abonné au mitard qui se révolte et tente de faire bouger les choses, mais a-t-il forcément tort ?

Le parti-pris des auteurs n’est évidemment pas de pointer du doigt les gens qui travaillent (tant bien que mal) dans ces institutions carcérales, ni de minimiser les actes commis par leurs pensionnaires, mais d’inviter le lecteur à réfléchir sur les conditions de détention et sur l’efficacité de l’emprisonnement tel qu’il est pratiqué chez nous. Le graphisme de Nicoby restitue d’ailleurs avec brio l’ambiance pesante et la dureté du monde carcéral.

Si une fois la dernière page tournée, on quitte ce huis-clos inhumain au bord de la claustrophobie, content de respirer à nouveau l’air libre, faut-il pour autant oublier ceux qui continuent de souffrir à l’ombre : ces ennemis de la société qui n’ont pas à se réjouir de leur passé, que l’on a très justement privé de présent, mais dont on ne devrait peut-être pas pour autant supprimer tout avenir…

Un album que je suis content d’avoir lu, avec une petite pensée pour Mohammed Chairi, brebis égarée mais pas oubliée pour autant…

Extraits :

“C’est un monde hermétique ici. Une lente glissade vers le fond. La plupart entrent ici pour un simple vol ou une escroquerie et ressortent avec un diplôme de grand banditisme. ”

“De quelle prison parle-t-on ? Des murs inutiles qui nous entourent ou de l’enfermement de notre esprit duquel vous ne souhaitez pas que l’on sorte ? Vous savez bien que derrière chaque personne qui entre ici il y a une douleur, il y a un besoin, il y a un manque. Rien de tout cela n’est trivial. Nous y arrivons inachevés, en souffrance. Nous en ressortons détruits, déshumanisés. Pensez-vous que ces murs n’y sont pour rien ? Pensez-vous que vous n’avez aucune responsabilité à endosser ? Le régime carcéral est barbare et inutile. Il ne construit rien d’autre que des sentiments de haine et de révolte quand il devrait être un lieu de reconstruction, de soins et d’épanouissement. Au lieu de ça, chacun vit dans son infrontière : un temps suspendu, l’illusion d’une vie qui s’écoule, l’incertitude d’exister”


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Yvantilleuil 3439 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines