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Le cinéma allemand n'a pas la cote

Par Tred @limpossibleblog
Le cinéma allemand n'a pas la coteSi Intouchables est le plus grand succès de l’année au box-office allemand, toutes nationalités confondues, avec plus de 7 millions de spectateurs, le cinéma allemand ne bénéficie pour autant pas de la même cote d’amour de ce côté-ci du Rhin. Goodbye Lenin ! avait bien en son temps fait se bousculer les spectateurs français, mais ceux-ci se font moins ardents pour le cinéma germanique ces temps-ci. C’est du moins le raccourci que je pourrais faire d’un épisode que je viens de vivre dans une salle de cinéma.
Quand je me demandais il y a quelques temps si certains spectateurs choisissaient au hasard les films qu’ils allaient voir en salles, j’en ai eu ce week-end une preuve manifeste. Quelques jours plus tôt, j’avais dressé la liste des films à l’affiche qui me faisaient envie, et lorsque j’en ai compté 22, j’ai failli tourner de l’œil devant la tâche titanesque qui s’offrait à moi. Vingt-deux ! Après en avoir rapidement rayé un, le fou, fascinant et décontenançant Bellflower, en allant le voir au St-Lazare Pasquier dans une morne salle de cinq spectateurs (dont une nana décrochant son téléphone pour répondre à un appel juste au moment où le film commençait, tout ce que j’aime…), j’ai attaqué tôt le samedi ma course aux films.
J’ai jeté mon dévolu sur le discrètement sorti Pour lui, un film allemand ayant partagé le Prix Un Certain Regard à Cannes l’année dernière avec Arirang de Kim Ki-Duk (quand sortira-t-il celui-ci ?!) et contant la vie d’une famille moyenne apprenant que l’un d’entre eux, le père, est atteint d’une tumeur au cerveau qui ne lui laisse que quelques mois à vivre. Pour des raisons logistiques quant à mon enchaînement de films, c’est aux Cinq Caumartin, près de la Gare Saint-Lazare encore, que je suis allé voir le film, un petit cinéma agréable où je me souviens avoir découvert A propos d’Elly d’Asghar Farhadi. Si j’ai écrit plus haut que le cinéma allemand manque de popularité auprès du public français ces temps-ci, ce n’est pas parce que nous étions peu nombreux à cette séance de 11h du matin. Quoi que nous n’étions effectivement pas nombreux. S’il y avait bien quelques spectateurs à s’être levés tôt en ce samedi matin, ils semblaient surtout se diriger vers Les Adieux à la Reine de Benoît Jacquot.
Non, ma phrase concernant la popularité du cinéma allemand en France tient à une remarque faite dans la salle par un des trois spectateurs partageant la salle avec moi devant Pour lui (vous voyez qu’on n’était tout de même pas bien nombreux…). Certes j’avais déjà eu droit à une drôle de remarque de la caissière, qui alors que je demandais ma place pour Pour lui à la séance de 11h50 me la donna en me précisant « Mais, vous êtes en avance ». Ah bon ? Bah, ce n’était pas gênant après tout puisqu’il s’agissait de la première séance de la journée et que je pouvais tout de même entrer en salle directement. Je regardai malgré tout l’heure en quittant la caisse… 11h47. 11h47 pour 11h50, c’est arriver en avance ? Cela explique peut-être beaucoup de choses sur le problème des séances mal espacées à propos desquelles je m’énervais l’autre jour, non ?
Quoi qu’il en soit donc, je me trouvais dans cette petite salle 5. Un chiffre qui résume le nombre de rangées de fauteuils contenues dans la salle, cinq. Les trois autres spectateurs m’ont rejoint au tout début des publicités… et parmi eux, deux, donc, ont semblé entré là par hasard, un homme et une femme qui semblaient être des amis se retrouvant. Après les salutations d’usage « Alors comment ça va toi ? », elle lâcha une question à son camarade : « Bon alors c’est quoi le film qu’on va voir ? ». Je n’entendis pas la réponse, mais aurais pourtant bien voulu, car après avoir entendu la remarque suivante, j’aurais aimé savoir si l’homme savait lui exactement dans quel film il s’embarquait.
La remarque en question intervint après la diffusion à l’écran de la bande-annonce du film L’amour et rien d’autre : « Pfff, un film allemand ! Ca me viendrait pas à l’idée d’aller voir un film allemand moi ». Okayyyyyyy… je dois bien avouer que là, un drôle de sourire s’est dessiné sur mon visage. Son ami n’ayant pas réagi à la remarque, soit lui-même ne savait pas vraiment ce qu’était Pour lui, le film qu’ils étaient venus voir comme moi en ce samedi matin, soit il n’osait pas annoncer à celle qui venait de proférer cette sentence la nationalité du film qui nous intéressait précisément en ce jour.
J’aurais voulu voir sa tête lorsque Pour lui a commencé. J’ai eu le son de sa réaction, mais pas l’image, dommage. Lorsque le générique d’ouverture a affiché des mots et noms allemands, j’ai entendu un premier « Euuuuuuh » dans mon dos. Puis les personnages ont commencé à parler, et là, ce sont les pouffements de rire qui ont éclos : « Pfffpfffpffff !! C’est allemand ? C’est un film allemand ?? Pffff pffff… naaaaan ! ». Là, je dois avouer que j’ai eu peur. Allait-elle être une de ces spectatrices (ou spectateurs) qui pourrissent un film en manifestant à destination de tous leur mécontentement ? Les goujats de cette sorte, ça existe… mais la chance était avec moi, et malgré sa désaffection annoncée pour le cinéma allemand cette spectatrice à l’évidence très ouverte d’esprit (haha) a su contenir son aversion, et malgré un ou deux bavardages discrets, a su faire profil bas malgré la déception. Il faut dire que devant un film aussi abrupt, dur, fort et émouvant que Pour lui, difficile de faire un numéro.
En revanche, la spectatrice du Saint-Lazare Pasquier qui a éhontément décroché son téléphone alors que le film commençait pour dire « C’est urgent là ? Je peux pas te rappeler dans deux heures, je suis au cinéma là ? »… celle-là… Qui a dit que les multiplexes avaient l’apanage des spectateurs irrespectueux ?

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