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Martine fait du PowerPoint

Publié le 18 avril 2012 par Marketingcommunity @marketing_cmnty

Devinette : comment appelle-t-on les livres d’images, plein de couleurs, contenant peu de texte, aux phrases simplistes, écrit gros, et ne dépassant généralement pas une trentaine de pages ?

Réponse : des livres pour enfants, bien sûr ! Ceux qui ont répondu « PowerPoint » sont des mauvaises langues.

En effet, il serait vraiment inconvenant de comparer PowerPoint, un outil sérieux, utilisé par des gens sérieux, pour des gens sérieux, avec les petits livres rigolos dont raffolent nos chères têtes blondes.

Ce serait une comparaison vraiment inconvenante, en effet… mais vraiment tentante.

Les livres pour enfants sont conçus pour être ludiques, faciles à lire, et surtout compréhensibles, même avec un bagage culturel limité, ce qui est inévitablement le cas de nos amis les enfants, qui, les pauvres, n’ont pas encore le niveau pour lire de vraies phrases avec des verbes conjugués et des conjonctions de coordination. Ainsi, dans tout bon livre pour enfant qui se respecte, on retrouve la même logique :

1.    Chaque idée est exprimée sur une même page en quelques mots simples.
2.    Une illustration vient compléter le tout pour s’assurer que l’enfant comprendra bien l’idée en question.
3.    Les phrases sont courtes, leur structure est basique.

Exemple :

illustration pour enfant

Dans cet extrait de livre pour bambins, on comprend bien ici qu’il s’agit d’un petit chat qui va dehors pour jouer avec les papillons. L’image illustre l’idée simple contenue dans le texte, bien qu’il ne soit nulle part précisé que si le petit chat tente d’attraper ledit papillon, c’est pour le déchiqueter gentiment.

Pendant, donc, qu’on ment aux enfants naïfs qui n’ont jamais vu en vrai un chat jouer avec un papillon, qu’apprennent à leurs parents tous les gourous de PowerPoint, consultants, formateurs et autres experts ? Ils leur répètent inlassablement les 3 règles suivantes :

1.   Une idée, une slide.
2.    Une slide, une image.
3.    Le texte écrit gros.

Conclusion : les mêmes règles s’appliquent donc aux livres pour enfants et aux slideshows PowerPoint.

Autrement dit, après avoir été des étudiants sérieux en classe préparatoire, après avoir sué sang et eaux sur les concours des Grandes Ecoles, après avoir travaillé dur pour obtenir leurs diplômes, après avoir pris l’habitude d’appréhender des textes complexes, de rédiger des dissertations, des mémoires, des thèses…les cadres, aujourd’hui, doivent se contraindre quotidiennement à faire entrer leur pensée dans la minuscule zone de texte de leur slide, à amputer leur raisonnement de toute sa subtilité pour respecter la sacro sainte charte graphique et autres bullet points, à ôter jusqu’à tout verbe conjugué pour que ça prenne moins de place, à perdre des heures sur Google Image pour trouver LA photo qui ira bien…

Et on obtient des scènes finalement surréalistes, où des réunions de prétendus experts de haut vol sont organisées autour de slides PowerPoint que ne renierait pas un élève de CP, à l’image de cette présentation de Windows Live par Bill Gates :

Présentation windows Live par Bill Gates

Le monde est devenu d’une complexité qui frise le chaos – au sens physique du terme ; la globalisation des réseaux et des économies a entrainé une interconnexion des évènements qui rend opaque les liens de cause à effet ; bref, l’incertitude règne en maître sur une planète paradoxalement gouvernée par une finance qui y est pourtant profondément allergique.

Et on voudrait nous faire croire que c’est en analysant le monde à travers le spectre réducteur d’une vingtaine de slides PowerPoint que tout va bien se passer ?
Faut-il supposer que nos vies sont dirigées, en fait, par des «experts» se prenant pour des adultes alors même qu’un de leur outil de travail préféré sort tout droit d’une école maternelle ?

La langue française a été pendant longtemps la langue diplomatique de référence, car sa richesse permettait d’exprimer toutes les subtilités nécessaires aux missions parfois délicates des diplomates. Les temps ont changé, et l’anglais a remplacé le français dans les sommets internationaux. Mais dans le monde de l’entreprise, c’est le langage PowerPoint, d’une affligeante pauvreté sémantique et d’une rare inefficacité cognitive, qui domine aujourd’hui.

Pour le meilleur et pour le pire, mais à voir l’état du monde, c’est certainement dans le pire qu’il est le meilleur, comme dirait l’autre.

En savoir (+)

Consultez le livre « Stop au PowerPoint ! Réapprenez à penser et à présenter ! » écrit par Nicolas Beretti (Dunod, 2012)

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