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Chapitre 2 (Tentatives)

Par Deathpoe

Là où j’ai merdé à coup sûr, c’est que je ne savais pas m’exprimer. L’écriture était mon seul réel moyen de communication et, jamais, je n’ai su exprimer ma souffrance par la parole. Pourtant, ce douze Décembre 2011, je n’ai rien laissé: pas une lettre, pas d’extrait d’un roman que j’aurais relu une dizaine de fois, pas même un post-it. J’étais en train de me suicider et en expliquer la raison, ou même tout simplement me mettre à écrire une dernière fois était bien le dernier de mes soucis.
L’après-midi même, lors de la première des deux séances hebdomadaires chez le psychiatre, je n’avais rien évoqué. Non, je ne souffrais pas spécialement plus que d’habitude, je m’ennuyais juste. Et j’étais fatigué, épuisé, crevé. Je ne sais pas si c’est cela qu’on appelle la sensation d’être au bout du rouleau. J’avais peut-être juste perdu mon énergie vitale. Plus de feu sacré et même plus l’attente d’un je-ne-sais-quoi. Je l’admets, j’avais prémédité le fait de passer commande de médicaments. Je n’avais pas pensé à la manière de demander, mais je me suis dit qu’il me suffisait de faire comme d’habitude, en plaçant juste le somnifère en flacon entre les deux autres, qu’il se fasse le moins possible remarquer:
«Bah, ce n’est pas avec ça qu’on se drogue. avait-il plaisanté
-Non. Mais c’est avec ça qu’on dort et, je vous l’ai dis, je suis épuisé.»
En sortant de chez le psychiatre (je ne savais pas encore que c’était là la dernière fois que je le voyais), je me suis allumé une cigarette et ai calé mes écouteurs dans les oreilles. Je remontais tranquillement la rue. Ma jambe me faisait mal mais la prévision du soulagement rendait la douleur presque charmante. Je suis entré dans la pharmacie, ai enlevé mes écouteurs. Béni soit ce jour, il n’y avait qu’une seule personne avant moi. J’ai tendu l’ordonnance au préparateur:
«Je vais vous chercher ça Monsieur.»
Il me donnait du Monsieur et j’avais presque l’impression d’être quelqu’un. Je veux dire: pas un pilier de bistrot ou un héroïnomane prêt à tout pour son fix, moi je me camais avec classe. Oui. Je faisais un chèque de quarante-et-un euros au psychiatre et je tendais ma Carte Vitale à la pharmacie où on me remerciait et me souhaitait une bonne journée en me tendant mon sachet de dope et mon plastique vert.
Devant le bureau de tabac d’à côté il y avait encore une fois les punks et leurs chiens, pour le moment encore tous en à peu près bon état ce début d’après-midi. Je parle bien évidemment des maîtres. celui au teint basané, avec sa casquette et ses yeux noirs qu’on prendrait facilement pour un regard méchant discutait avec un enthousiasme modéré en restant accroupi, les jambes pliées et tout le corps soutenu par la pointe des pieds. Il avait comme toujours dans la main une bouteille d’eau où l’on devinait le doux mélange de la vodka-orange, les deux achetées le moins cher possible au supermarché situé au sous-sol du centre commercial à deux pas.
Je n’ai même pas pensé à lui demander du Skenan 200mg. J’avais déjà de quoi faire et je tenais à ce que les prises de cette merde soient des plus exceptionnelles possibles. J’ai eu envie d’acheter du tabac à mâcher, une boîte rouge, ce que j’ai demandé à la buraliste.


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