Magazine Photos

ITW // Laurent Gilliéron : Chef photographe adjoint chez Keystone

Par Rgs_ @regismatthey

Laurent Gilliéron a un parcours plutôt atypique pour un photographe, c'est-à-dire qu'il a étudié et diplômé en photographie avant d'en faire son métier.
Passant sa vie à couvrir les événements qui font l'actualité de la presse suisse, je l'avais accompagné une fois sur le terrain le temps de deux week end. Aujourd'hui il nous plonge dans son quotidien :

Salut Laurent, alors que veux-tu bien nous dire de toi ?

Je suis agé de 36 ans, marié, 2 enfants, je suis actuellement chef photographe adjoint pour l'agence Keystone pour laquelle je travail depuis plus de douze ans, je suis photographe professionnel depuis plus de quinze ans. J'ai notamment couvert des événements tels que : le Forum de Davos, l'Euro 2004 et 2008, les Jeux Olympique d'hiver à Turin en 2006 et à Vancouver en 2010, plusieurs étapes des différentes expéditions de Mike Horn, la Coupe de l'America en Nouvelle-Zélande, certains déplacements du Président de la Confédération (rencontre entre Samuel Schmid et Ariel Sharon en Israel, Pascal Couchepin et Hosni Mubarak en Egypte, Bill Clinton à Genève), divers matchs de foot de l'équipe Suisse à l'étranger en Russie, à Chypre, à Dubaï. Cependant, mon quotidien se déroule le plus souvent en Suisse tant au bord d'une patinoire pour un match de hockey, un terrain de football ou de basket, qu'aux Nations Unies à Genève, ou encore devant les scènes des festivals de Montreux et Nyon.

Quand et comment es-tu venu à la photographie ?

J'ai attrapé le virus de la photographie en accompagnant mon père au bord des terrains de football dès l'âge de dix ans, mon père était un passionné de photographie qui en a fait ensuite son métier. Ensuite, j'ai débuté mon parcours professionnel par un apprentissage d'employé spécialisé en photographie chez Atelier Image SA qui consistait en trois domaines de la photographie (portrait en studio, laboratoire argentique et vente), puis j'ai effectué un second apprentissage de photographe chez Yves Ryncki, à Lausanne. Ce dernier m'a permis de me familiariser avec les prises de vue en studio et les cameras grand format. Je suis ensuite devenu assistant à l'école photographie de Vevey durant une année. Et c'est seulement après cette expérience que je me suis initié au reportage et à la photo de presse, en étant employé par l'agence de presse ASL, à Lausanne, durant deux ans. Depuis 1999 je travaille pour Keystone, d'abord pendant six ans, au bureau de Genève et depuis six ans au bureau de Lausanne. Actuellement, j'occupe la fonction de chef photographe adjoint ce qui me permet de gérer avec le chef photographe les 20 photographes employés chez Keystone.

Keystone est la plus grande agence de presse en Suisse, une soixantaine de collaborateurs y travaillent permettant la transmission des photos de ses vingt photographes. Ces images sont prises dans toute la Suisse et à l'étranger (pour les sujets ayant un lien suisse), elles sont transmises à environ septante journaux nationaux. Keystone possède de nombreux accords avec des agences de presses mondiales telles qu'AP et EPA, ce qui explique qu'une image prise par un photographe de Keystone puisse paraître dans des journaux du monde entier.

Ton sac photo pèse son pesant d'optiques, que prends-tu lors de tes reportages ?

L'équipement standard qui occupe mon sac photo quotidiennement est le suivant : 2 boîtiers Nikon D4, 14/24 mm 2.8, 24/70 mm 2.8, 70/200 mm 2.8, 400mm 2.8, multiplicateur 1.4x, 2 flash SB 900, 15mm fisheye et un 50 mm 1.4. En plus je possède un 500 mm 4, un set de flash Elinchrome avec accessoires et un set de deux télécommandes Pocket Wizard TT5 pour contrôler le flash et un appareil à distance que nous nous partageons entre plusieurs photographes. J'ai toujours avec moi un ordinateur portable (MacBook Pro 15) et ses accessoires.

Raconte-nous une journée typique

Une journée typique mélange reportages et préparatifs pour les jours suivants, je reçois approximativement 120 emails quotidiennement que je parcours, trie et dont je garde les principales informations dans mon agenda. Il est également nécessaire pour moi d'être au courant des news : pour cela je lis énormément de journaux et de sites internet. Mon quotidien se déroule le plus souvent en Suisse aussi bien au bord d'une patinoire pour un match de hockey, d'un terrain de football ou de basket, qu'aux Nations Unies à Genève, ou encore devant les scènes des festivals de Montreux, Nyon.

Devoir m'adapter en permanence à de nouveaux sujets et des conditions de travail toujours différentes, sont des sources de motivation qu'il faut avoir pour cet emploi qui évolue chaque jour. J'aime associer la photographie avec les dernières méthodes informatiques et me passionne tant pour l'image qui doit retransmettre le plus fidèlement possible l'information que pour le traitement de celle-ci qui est, depuis plus de 10 ans, uniquement numérique.

Quel genre de reportage préfères-tu ?

J'aime les reportages sportifs car tu dois être rapide, précis et photographier ce qui se passe. Ceci demande une bonne concentration, de bonnes connaissances techniques et du sport que tu photographies. Dans le sport, il y a l'acte sportif mais également les émotions intenses que tu ne dois pas manquer. Sans oublier qu'avec les sites internet, nous devons envoyer nos images en " live " depuis le bord du terrain, ce qui ajoute un peu de piment.

A combien de déclenchements es-tu par semaine ? Et ensuite, combien d'images sont envoyées dans les rédactions ?

Difficile à dire, ce que je peux dire c'est que j'ai effectué 3400 déclenchements avec mes deux nouveaux boîtiers en 2 semaines. Cela correspond à 1700 déclenchements par semaine. En douze ans de reportages pour l'agence Keystone plus de 42'000 de mes images ont été envoyées aux rédactions. Pour une idée plus précise, je déclenche entre 400 et 500 images par match de football ou de hockey et j'envois aux rédactions une vingtaine d'images.

J'ai vu le stress qu'engendre la clôture des journaux alors que le match n'est même pas fini. N'est-ce pas frustrant de travailler ainsi dans l'urgence ?

Notre métier de reporter évolue rapidement, nos clients aussi : sites internet, application mobile, etc.. Tous ont besoin d'énormément d'images en temps réel et, si en plus, nous pouvons fournir des images de professionnel de qualité avec une éthique journalistique tout le monde est gagnant.

Est-ce que tu regardes réellement tes photos une fois le reportage terminé, ou voila que tu dois déjà passer à autre chose ?

Je n'envois pas tous mes sujets en " direct ", la plupart des sujets sont édités une fois l'événement terminé. Cela me permet d'avoir une vue d'ensemble et de faire un editing cohérant. Je regarde également mes sujets sportifs afin de pouvoir ressortir des images additionnelles et utiles pour les archives.

Avec tout ça, as-tu encore le temps de faire de la photo pour toi ?

Non, mis-à-part des images de mes enfants.

Aujourd'hui le quidam peut prendre des photos de haute qualité, et se trouver là au bon endroit au bon moment. Est-ce que les amateurs sont une menace pour ton métier ?

Effectivement, les reporters photographes ne peuvent pas rivaliser en nombre afin de se trouver là au bon endroit et au bon moment. Cependant, il nous restent notre savoir faire esthétique, notre technique et également notre éthique afin de nous différencier des Lecteur Reporter. Personnellement, plutôt que de voir en ce phénomène la fin de notre métier, j'y vois une opportunité pour nous : moins courir après de petits faits divers (ou nous serions de toute façon en retard par rapport à l'événement qui s'est produit) et ainsi nous concentrer sur des sujets plus importants et sur lesquels nous pouvons également travailler sur le fond.

Quels seraient tes conseils pour quiconque voudrait se lancer dans la photographie de presse ?

Faire beaucoup d'images, aller sur des reportages même à " blanc " et ainsi faire connaissance avec des reporters pros. Ces contacts te feront rentrer dans le métier. Il ne faut pas espérer avoir un poste de staff de suite mais plutôt d'entrer par la porte des freelances et ainsi mettre un pied dans l'entreprise.

L'amateur se dit que tu as un boulot de rêve, qu'en dis-tu ?

Et l'amateur a raison sauf qu'en plus du rêve, il faut y ajouter 60 heures de travail par semaine et des horaires irréguliers en fonction de l'actualité. Mais qu'y a t-il de plus beau que de pouvoir montrer sa vison du monde aux lecteurs du monde entier ceci a travers son objectif ?

As-tu quelques anecdotes à nous raconter ou une rencontre particulièrement forte qui t'as marquée ?

Il y en aurait beaucoup, du reportage au Pôle Nord avec Mike Horne jusqu'à la visite du bureau d'Ariel Sharon, en passant par les six mois passés en Nouvelle-Zélande pour suivre la première épopée d'Alinghi à la coupe de l'America, et encore le stade de foot de Wembley avec 90'000 spectateurs. Mais une de mes expérience qui m'a le plus marquée est sans aucun doute la couverture le mois dernier à Sierre de l'accident du bus belge qui a coûté la vie à 28 personnes dont 22 enfants. J'ai quitté mon domicile le mardi soir à 22h30 pour y revenir seulement le vendredi soir. L'annonce du nombre de victimes lors d'une conférence de presse à 5h du matin après une nuit blanche, ainsi que l'image de ce bus totalement détruit resteront marqué dans ma mémoire. La limite difficile, entre le voyeurisme et le fait qu'il faut humaniser ce drame en montrant des images des familles en deuil, a été également compliquée à gérer dans le stress. Avec le recul, je pense cependant que notre travail a été bien fait.

Un dernier mot pour conclure ?

Soyons conscients que la plupart des images que nous retrouvons dans les journaux sont effectuées par des professionnels qui ont une éthique et un regard journalistique sur le monde. Soyons reconnaissants de pouvoir exercer librement ce métier. Vive la photographie !

Si vous voulez connaître un peu plus l'univers de Laurent Giliéron, ouvrez la presse suisse ;)


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Rgs_ 697 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines