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Le Grand Homme de Philippe Soupault

Par Etcetera

Le Grand Homme de Philippe SoupaultEn 1929, Philippe Soupault, âgé de 32 ans, traverse une période difficile : il a été exclu trois ans plus tôt du groupe surréaliste, ses derniers romans (En joue !, Le Cœur d’or, Le Nègre) ont été fraîchement accueillis, et sa vie privée est selon ses dires “un amas de ruines”.
C’est dans ce contexte qu’il décide d’écrire une charge contre la haute bourgeoisie, dont il est lui-même issu, à travers un roman : Le Grand homme.
Pour le personnage principal, il prend comme modèle son oncle, Louis Renault, l’inventeur des voitures du même nom.
Le livre, refusé par Grasset et par Calmann-Lévy, est finalement édité chez Kra.
Louis Renault, qui se reconnaît dans le roman, pense d’abord “à faire casser la gueule” à son neveu mais décide en fin de compte d’acheter tous les exemplaires parus. Malheureusement pour lui, l’éditeur procède à un second tirage.
Après ce livre, Philippe Soupault s’estime “tout à fait libéré” et sa vie prend une orientation différente : il entame une série de voyages et son activité de journaliste prend un nouvel essor.

Mon avis : Je pensais que ce roman serait le tableau d’une époque révolue et j’ai été surprise par sa grande modernité. Il n y a rien dans ce livre qui ne pourrait se produire à notre époque. Et, pour “une charge contre la bourgeoisie”, j’ai trouvé que c’était très finement mené : rien n’est caricatural, les personnages, malgré leurs défauts et leur égoïsme, ont aussi des failles qui les rendent humains, parfaitement crédibles.
Lucien Gavard, le grand patron d’industrie automobile, n’a aucune considération pour ses ouvriers, aucun intérêt pour sa femme, et ne se passionne que pour l’agrandissement sans fin de son entreprise, mais lorsqu’il voyage aux États-Unis et se compare aux américains il se met à douter de lui-même et devient presque touchant.
Claude Gavard, sa femme, qui n’existe que par et pour sa beauté et qui ne vit que pour des mondanités et des conventions, a aussi quelque chose de touchant par ses hésitations et sa manière de toujours réprimer ses sentiments.
Et Ralph Putnam, chanteur noir américain, aussi doué que Caruso, et capable d’interpréter avec autant de talent des chansons populaires ou de la musique classique, est le vrai grand homme de cette histoire. Il est mondialement célèbre et ses tournées sont des triomphes. La bourgeoisie parisienne l’acclame et l’applaudit mais cette admiration n’est que de surface car il reste à leurs yeux, malgré tout son talent, un nègre, qu’il est mal vu de fréquenter de trop près.
J’ai bien aimé ce livre, il est intéressant.
Le seul bémol que j’apporterais c’est qu’on a du mal à s’attacher durablement aux personnages.
Quant à l’écriture de Philippe Soupault, elle est alternativement sèche, développée, elliptique, poétique, et ces variations  m’ont beaucoup plu.



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