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François HOLLANDE : "La France est la solution, non le problème!"

Publié le 27 avril 2012 par Letombe

Le 27 avril, François Hollande tenait une grande réunion publique au Zénith de Limoges. Devant le public d'une région qu'il connait bien, il a adressé un discours de rassemblement et d'espoir.

L'intégralité du discours de François Hollande à Limoges 

Mes chers amis, je suis heureux de vous revoir, de revenir dans ma région, le Limousin. Vous me manquez. Je m’étais absenté depuis des mois et des mois pour convaincre les Français, arriver en tête au premier tour, et je voulais avant le second vous adresser un message, à vous. D’abord vous dire ma gratitude. Vous m’avez accueilli il y a 31 ans, ici à Limoges, à la gare des Bénédictins. Je venais d’Austerlitz – ça commençait bien ! – et j’arrivais ici pour être candidat, déjà, en Corrèze, contre un député sortant qui avait à l’époque une célébrité que je n’ai pas encore atteinte mais que j’approche, j’approche ! Et depuis 1981, à chaque étape de ma vie politique, vous m’avez tous soutenu, apporté ce qui est le plus grand dans une démocratie, la légitimité du suffrage. Vous m’avez permis d’être ce que je suis devant vous : candidat à l’élection présidentielle ! Et si les Français, je n’en sais rien encore, me permettaient d’être le prochain président de la République, l’histoire, en tout cas telle qu’elle sera écrite bien plus tard, rappellera donc que c’était à Limoges que tout avait commencé.

Ma gratitude aussi parce que c’est ici, dans le Limousin, dimanche premier tour, que la région, ma région, votre région, m’a donné le meilleur résultat de l’hexagone. Je salue tous les élus qui y ont contribué, président de région, président de département – ils se sont exprimés avant moi – le maire de Limoges, Alain Rodet, mais je veux quand même – ils me le pardonneront – adresser une mention particulière à la Corrèze, à ma ville de Tulle qui m’a donné le meilleur résultat de France. Mais enfin, nous ne sommes qu’au premier tour, il va falloir faire mieux au second !

Je suis ici à Limoges sur une terre de fidélité. Fidélité d’abord à cette grande idée du socialisme. Limoges avait même été appelée au XIXe siècle – je ne sais pas comment il fallait juger cette comparaison – la Rome du socialisme – je n’ose pas dire le Vatican du socialisme, ou la Macque parce que maintenant, nous sommes accusés de tout ! Fidélité à l’histoire du socialisme. Fidélité aussi au mouvement ouvrier, au syndicalisme. C’est à Limoges que s’était tenu en septembre 1895 le congrès constitutif de la CGT sous l’impulsion des cheminots qui les premiers avaient organisé le combat syndical. Je parle la CGT mais je ne veux pas la compromettre, parce que voilà que le candidat sortant nous fait tous les procès. Et il suffit qu’une organisation syndicale annonce qu’elle préférerait le voir partir pour qu’aussitôt, il considère que cette organisation serait inféodée au Parti Socialiste. Si seulement ! Mais ce n’est pas notre conception ni du syndicalisme, ni de la politique. Les syndicats sont indépendants, ils sont responsables et ils disent ce qu’ils ont envie de dire à un moment ou à un autre.

J’ai grand respect pour la démocratie sociale. Nous avons besoin, au lendemain de l’élection présidentielle, d’une négociation apaisée, responsable entre organisations patronales et syndicats, les unes et les autres représentatifs. J’ai aussi grand respect pour la représentation patronale – elle ne dit pas que du bien sur mon programme ! J’ai même compris que la présidente du MEDEF trouvait que Nicolas Sarkozy avait fait, c’est son expression, « un excellent boulot » de son point de vue. Elle en a bien le droit ! Je ne lui en ferai pas le procès. Nous avons besoin de partenaires sociaux, nous avons besoin de dialogue entre forces organisées, nous avons besoin de négociations qui permettent de faire avancer la cause du progrès. Je ne sépare jamais le peuple des corps intermédiaires. Le peuple choisit ses représentants librement, dans la démocratie politique, dans la démocratie associative, dans la démocratie sociale.

Ici à Limoges, on sait ce qu’est le 1er mai. Ce n’est pas un jour comme les autres. On sait que des générations d’ouvriers se sont battues pour que ce soit le jour des travailleurs, de tous les travailleurs, de France et du monde. Ces générations d’hommes, de femmes qui ont donné leur sueur, leur vie, ne faisaient pas de distinction entre les vrais travailleurs et les autres. Ils ne faisaient pas de distinction entre les travailleurs du privé et les travailleurs du public. Ils ne faisaient pas de différence entre les travailleurs français d’un côté et les travailleurs étrangers de l’autre. La fête du travail, c’est la fête de tous les travailleurs ! C’est aussi une leçon que notre région peut adresser au candidat sortant. Il y aurait encore tant de choses à lui apprendre, sur la culture politique – peut-être même sur la culture tout court ! – tant de choses à lui rappeler sur ce qu’il convient de dire ou ne pas dire, de faire ou ne pas faire ! J’ai peur que cela ne soit trop tard et que nous soyons obligés de l’envoyer faire un cours de rattrapage, très long !

Mais ici à Limoges, ici en Limousin, terre de combats, terre de résistance, terre de lutte, on sait ce qu’est le rassemblement, le rassemblement d’hommes et de femmes libres, capables de s’organiser. Rassemblement ici d’abord des socialistes – et je veux les saluer parce que jamais depuis très longtemps dans une campagne il n’y avait eu cette unité indispensable après les primaires citoyennes qui ont été un honneur de cette formation politique ! Je suis socialiste mais je suis au lendemain du premier tour candidat au-delà même des partis et du mien. Je suis candidat de la Gauche, de toute la Gauche ! Et là encore, je ne fais pas distinction entre la Gauche de résistance et la Gauche de conquête, la Gauche de protestation et la Gauche de gestion, la Gauche du rêve et la Gauche de l’idéal. C’est la Gauche qui doit mettre en mouvement toutes ses forces !

La Gauche, c’est une famille qui vit parfois dans des logements séparés, mais c’est une famille diverse qui s’entretient mutuellement de toutes ses cultures. Il y a une culture communiste, et je veux ici même lui rendre hommage, cette culture qui a fait que la radicalité pouvait trouver un débouché que le monde ouvrier pouvait trouver une dignité, qu’il y avait aussi cette capacité, dans certaines circonstances, à se mettre en résistance. Je salue la mémoire de tous ces résistants, et notamment communistes, qui ont permis que nous soyons libres aujourd’hui. Et quand j’entends le candidat sortant se gausser, se moquer du communisme français, qu’il revienne là encore à l’histoire pour savoir ce que l’on doit aussi, quelles que soient les critiques que nous ayons pu émettre – et il y en avait à formuler ! – oui, ce que l’on doit aussi à ce parti dans l’histoire de la France.

Et puis dans le rassemblement, il y a des forces nouvelles, des mouvements qui sont apparus et qui nous ont mis devant nos propres responsabilités planétaires. Je salue le mouvement écologique, ici représenté par Eva Joly et Cécile Duflot au nom d’Europe Ecologie – Les Verts. Je veux les remercier à la fois pour la campagne qui a été menée, mais aussi pour le rappel, dès dimanche dernier, pour soutenir ma candidature et faire qu’elle soit déjà une candidature de victoire. Je n’oublie pas non plus ce qu’a dit Jean-Luc Mélenchon pour soutenir aussi notre démarche, non pas notre projet, mais notre exigence de victoire.

Mais le rassemblement, il va bien au-delà de la gauche et des écologistes ! Nous devons nous adresser à tous les Français, à tous les Républicains qui veulent le changement, qui s’interrogent encore sur le sens qu’il convient de lui donner, qui se posent mille questions, de savoir si nous pouvons représenter un avenir pour notre pays. Et nous devons nous mettre à la hauteur de la France ! Nous ne sommes pas seulement une addition de familles politiques, de partis, qui viendraient prendre des places pour se substituer à d’autres, non ! Nous portons désormais l’intérêt de la France et le rôle majeur qui doit être donné à la République dans cette campagne, car c’est nous qui devons être exemplaires dans les valeurs de la République !

J’ai compris que des hommes et des femmes nous rejoignaient. Parfois ils étaient partis là où ils n’auraient jamais dû être, mais je ne leur jette en aucune manière la pierre. Et je vous mets en garde : ne repoussez jamais ceux qui vous rejoignent, sinon vous ne gagnerez jamais une élection, parce que pour emporter un scrutin, il faut bien que ceux qui n’ont pas voté pour nous la dernière fois le fassent cette fois-ci ! Il y a tant de nos compatriotes qui se sont laissé abuser, tromper, illusionner, qui y ont cru – et souvent des plus modestes ! –, qui ont imaginé que c’était pour eux le bouclier fiscal, que c’était pour eux l’allégement des droits de succession ! Je raconte toujours cette histoire, et pardon pour celles et ceux qui l’ont déjà entendue, de cette brave femme sur le marché de Tulle qui m’a dit en 2007 : « Nicolas Sarkozy, il veut diminuer l’impôt sur les successions ». Je lui ai dit : « Mais qu’est-ce que vous avez, vous, comme patrimoine ? – Rien mais quand même, cela allégera ! » Toujours cette méthode de la droite de laisser penser que les baisses d’impôts pour les riches vont avoir quelques conséquences pour les pauvres. Ah, ils en sont revenus parce que maintenant, la TVA c’est pour tout le monde, enfin, pas pour les riches mais pour ceux qui consomment !

Oui, il faut accueillir aussi tous ces Républicains qui s’étaient laissés eux aussi griser par des discours, écrits d’ailleurs par d’autres que celui qui les avait prononcés. Rappelez-vous : il évoquait Léon Blum, Jean Jaurès. Moi je me souviens, à l’époque, j’avais mis en garde. J’avais fait des recherches. J’étais allé voir sur l’index des rues, des avenues, des boulevards de Neuilly-sur-Seine s’il y avait un boulevard Jean Jaurès. Je n’avais trouvé qu’une avenue Maurice Barrès. Ce n’est pas le même programme ! J’avais cherché une rue Léon Blum, j’avais trouvé une rue Paul Déroulède. Et même pas une impasse, même pas une ruelle, même pas un trottoir, même pas un lieu-dit : rien au nom de Léon Blum et de Jean Jaurès ! Mais ils avaient prononcé leur nom et certains avaient pensé que finalement, il était un rassembleur. On a vu la suite.

Tous ces républicains qui s’interrogent, ils doivent voir en nous le candidat du rassemblement de la France, le candidat de tous les Républicains pour le France ! Et nous devons n’écarter personne – et en même temps, ne négocier rien avec quiconque ! Nous n’allons pas chercher quelque concours, débaucher quelques excellences, obtenir des soutiens avec je ne sais quelle contrepartie ! Nous sommes dans une démarche claire, cohérente. Celles et ceux qui veulent nous rejoindre, bienvenue ! Et nous n’avons comme souci que l’intérêt de la France !

L’enjeu de cette élection, c’est d’être capable de faire le rassemblement pour le redressement dans la justice.

Et chaque fois que la Gauche se situe à la hauteur de la France, elle est à ce moment-là aspirée par un mouvement qui la dépasse. C’est arrivé plusieurs fois dans notre histoire : en 1936 avec le Front populaire, au lendemain de la guerre avec ceux qui s’étaient regroupés dans le Conseil national de la Résistance, dans les années 50 avec Pierre Mendès France. Et après, il avait fallu attendre si longtemps pour que François Mitterrand reprenne cette marche, cette conquête, cette espérance, puis Lionel Jospin en 1997, dans des circonstances encore différentes. Oui, c’est quand la Gauche est à la hauteur de son histoire et capable de porter un projet d’avenir que les Français la choisissent. Or, ce ne sont généralement pas les périodes les plus simples, pas les conjonctures les plus faciles, pas les moments où il n’y aurait qu’à distribuer. C’est souvent dans l’épreuve qu’il est fait appel à la Gauche.

Mais en ce moment, c’est plutôt la Droite qui est dans l’épreuve… En même temps, elle le mérite, parce que d’une certaine façon, c’est elle qui a conduit le pays vers l’échec. Nous avons maintenant suffisamment d’éléments pour tracer le bilan : un chômage qui n’a cessé d’augmenter — plus de 4 millions aujourd’hui, 1 million de chômeurs supplémentaires. Si l’on ne prend que ceux qui ne travaillent pas du tout, 700 000. Beaucoup de jeunes, bon nombre de seniors, et le chômage de longue durée qui s’est encore endurci, allongé. Voilà le bilan !

Nous venons d’apprendre que la consommation des ménages a reculé, et qu’il y a donc toutes les conséquences sur la croissance que nous pouvons redouter. Elle sera faible, voire nulle cette année. Elle n’a été que d’un demi-point par an durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Nous avons une compétitivité qui s’est dégradée. Le déficit du commerce extérieur dépasse 70 milliards d’euros — c’est un chiffre historique. Et les inégalités se sont creusées, les plus riches sont devenus plus riches et les plus pauvres plus nombreux. Et les classes moyennes n’ont rien gagné à cette politique fiscale qui les a d’une certaine façon assommées davantage.

Oui, la Droite a été sanctionnée dimanche dernier. Le candidat sortant fait comme s’il n’avait rien vu. Selon sa méthode habituelle, il s’acharne sur Jacques Chirac — qui n’y peut rien… Je l’entendais ce matin, il disait : « J’ai fait 27 % comme candidat sortant et Jacques Chirac n’avait fait que 20 % ». Oubliant qu’en 2002, il y avait d’autres candidats de Droite alors que lui s’est efforcé, en 2012, d’écarter tout autre candidat de Droite ! C’est la première fois dans l’histoire de la Ve République que le candidat sortant, le président sortant, ne sort pas en tête du scrutin du premier tour. Mais lui, il considère qu’il a déjà gagné ! Il est comme ça ! Autour de lui, j’ai l’impression que le doute s’est installé… Ils ne disent rien, ils attendent, ils subissent, et certains même espèrent… Lui compte et recompte ses suffrages. C’est suffisamment éloquent ! Alors, il va chercher d’autres suffrages, et il fait d’autres calculs, de mauvais calculs. Il va chercher vers l’extrême-droite ce qui lui a manqué. Il s’était affiché comme un candidat de la « Droite décomplexée ». Ce n’est plus maintenant décomplexé, c’est une transgression qu’il est en train d’assumer ! Et c’est une dérive que nous constatons dans le vocabulaire, dans les thèmes, dans les expressions, sur l’immigration, sur l’islam, sur la sécurité. Et maintenant, c’est dans le programme de l’extrême-droite qu’il vient s’approvisionner ou piocher. Il dit : « C’est un hasard, c’est une coïncidence, je ne le savais pas ! ». C’est à tel point qu’au sein de la Droite humaniste, au sein du Centre, il y en a qui s’interrogent et qui ne peuvent pas accepter cet excès, cette outrance, ce danger. Parce que Droite et Gauche, nous nous confrontons, mais nous sommes dans la République. Et notre devoir, c’est de défendre à chaque instant, au-delà de nos différences, au-delà de nos sensibilités, la République, les valeurs, les principes !

Je ne reproche pas au candidat sortant de s’adresser aux électeurs, je le fais aussi. Nous devons faire en sorte que des électeurs qui ont pu voter pour le Front national ne le fassent plus, ou l’ayant fait soient détachés, soient repris, remobilisés, rehaussés si je puis dire. Parce que, comment accepter que des ouvriers, que des paysans, que des jeunes puissent accorder leurs suffrages à un parti qui en définitive ne sert pas leurs intérêts, pas davantage ceux de la République, mais se sert d’eux pour porter des thèmes, des références qui ne font pas honneur à la France ?

Dans notre histoire, à quel moment la droite extrême a pu être une solution pour le pays ? Elle a toujours porté les thèses du rejet, du repli, de la haine et parfois davantage. Et donc, nous devons dire à tous ces concitoyens perdus abandonnés sans doute, mais que nous avons sans doute aussi la responsabilité d’avoir laissé glisser, nous devons leur dire à ces Français qu’être citoyens de France, ça exige d’avoir la fierté de porter des valeurs qui nous dépassent, qui nous élèvent, qui nous rehaussent. Mais pour aller chercher ces électeurs-là, pas de complaisance, pas de connivence, pas de séduction, pas de flatterie ! Nous avons aussi cette responsabilité. Nous ne devons laisser personne de côté, et en même temps rappeler à chaque fois les principes qui sont les nôtres.

La Droite, avec son candidat dans cette dernière semaine de campagne, jette ses derniers feux. Elle retrouve les vieilles rengaines des conservateurs de toujours face aux risques de l’alternance. D’abord, la Gauche serait dépensière. Ce serait sa nature. Et donc, il y aurait un risque — je préfère vous prévenir, si nous revenions aux responsabilités… — de tout dépenser. Mais dépenser quoi ? Les caisses sont vides, le pays est en faillite, c’est eux qui le disent ! Alors, on vient nous donner quelques spectres en nous disant que si les Français choisissaient la Gauche, et donc le candidat que je suis, la France redeviendrait un pays sans référence, sans boussole, la Grèce, l’Espagne. Ces pays-là se redressent en disant : « Nous ne pouvons pas être comparés à des pays qui dérivent, à des pays en faillite ! ». Et pourtant, c’est ce que le candidat sortant fait, au risque de se froisser avec leurs dirigeants. C’est fait.

J’ai regardé avec amusement ce qu’avait été la campagne — et ici certains s’en souviennent pour en avoir été les acteurs — de 1981. Le candidat sortant s’appelait Valéry Giscard d’Estaing. Vous avez remarqué, il soutient le candidat sortant Nicolas Sarkozy. Il y a un syndicat, comme cela, des candidats sortants qui s’est formé… Je parle du syndicat des candidats sortants qui ont été sortis ! En 1981, Valéry Giscard d’Estaing, qui voulait faire peur lui aussi face à la possibilité d’une victoire de François Mitterrand, disait : « Si les Français choisissent la Gauche, ça va devenir la Pologne ». Vous voyez, à chaque fois c’est un pays différent…

Mais nous, nous voulons être la France, la France respectée, parce que c’est le peuple qui va décider de son avenir ! Et nous ne pouvons pas non plus accepter quelque leçon qui nous serait donnée par la Droite. Je rappellerai qu’il y a dix ans, lorsque le gouvernement de Lionel Jospin a terminé son œuvre, la dette publique était maîtrisée, les comptes sociaux étaient équilibrés, le commerce extérieur était excédentaire et notre compétitivité avait été rétablie. Et nous avions été capables de faire l’euro — et la France en avait pris la direction. Depuis cinq ans, la dette publique a augmenté de 600 milliards d’euros. Le déficit de la sécurité sociale atteint 20 milliards, 135 milliards de déficit cumulé, et le déficit du commerce extérieur dépasse 70 milliards. Et il viendrait nous faire la leçon ? Non !

Mais quelles dépenses publiques nous reproche-t-on de prévoir ? 60 000 postes dans l’Education nationale. Ils en ont supprimé 80 000, et le déficit de l’Etat atteint 100 milliards d’euros. Mais je veux préciser les chiffres pour que chacun les ait à l’esprit : 12 000 postes par an, c’est 500 millions d’euros. Sur cinq ans, cela fera donc 2,5 milliards pour la cinquième année, c’est-à-dire l’équivalent de l’allégement de l’impôt sur la fortune en une seule année. Vous avez là le choix qui est finalement le plus éclairant pour les Français : est-ce que nous voulons protéger les plus favorisés, les plus grandes fortunes, ou est-ce que nous voulons protéger les enfants de la République ? J’ai choisi !

Quelles dépenses nous reproche-t-on ? J’ai annoncé que les hommes et les femmes qui ont commencé leur vie professionnelle à 18 ans et qui ont leurs 41 années de cotisation pourront partir à 60 ans. C’est juste, et cela représente 5 milliards d’euros, l’équivalent de ce qu’a été l’allégement de cotisations sociales et d’impôts pour les heures supplémentaires. Je préfère que les salariés qui ont fait leur temps puissent partir à la retraite plutôt que l’on mobilise de l’argent public pour développer des heures supplémentaires au détriment de l’emploi d’aujourd’hui !

Je me suis engagé pour que la France, au lendemain de l’élection présidentielle, rétablisse ses comptes publics sur le quinquennat. Je me suis prononcé pour qu’il y ait une discipline budgétaire, un sérieux budgétaire, qui fassent que d’ici cinq ans nous aurons maîtrisé notre dette et que nous aurons équilibré nos comptes. Je revendique cette position. Mais en même temps, cette responsabilité ne nous conduit pas à renoncer à la cause du progrès, à la lutte contre les inégalités, à la bonne marche de ce que doit être l’économie. Nous avons ce devoir, ce double devoir, à la fois de mettre nos comptes en ordre, mais de mettre aussi le pays en mouvement.

Alors, comme la Droite ne peut pas nous prendre sur le terrain de la gestion, elle vient sur un autre. La Gauche serait un risque pour la France. Elle affaiblirait les marchés. Pour l’instant, ils ne bronchent pas… Alors on les stimule, on les encourage. J’entends des déclarations venant du sommet de l’Etat pour dire : « Les taux d’intérêt vont augmenter ». Rien ne vient. « Les capitaux vont fuir. » Pas pour l’instant. Alors, ils encouragent la spéculation. Est-ce digne d’un président sortant que de souhaiter qu’il y ait plus de spéculation qui frappe son pays, dans le seul souci d’empêcher l’alternance ? Eh bien non !

Alors ensuite, on nous dit : « Vous allez vous fâcher avec tous les partenaires européens ». Puisque j’ai annoncé que je renégocierais le traité budgétaire pour y ajouter une dimension de croissance. Oui, nous le ferons. Mais déjà, les lignes bougent. Certains se mettent publiquement à déclarer le bien-fondé de notre position, y compris le Président de la Banque centrale européenne et d’autres chefs de gouvernement qui ne sont pas socialistes — il y en a si peu. Il y en a qui ne disent rien mais qui n’en pensent pas moins. Parce qu’ils se disent : « Si c’est la position du candidat de la Gauche qui l’emporte, alors ce sera un changement pour l’Europe tout entière. ». Et les pays qui peinent, les pays qui ploient sous l’austérité, ils espèrent, ils escomptent le vote du peuple français. Jamais une élection présidentielle en France n’a été aussi décisive pour l’Europe. Vous êtes regardés, attendus, espérés. Soyez conscients de votre responsabilité, elle est grande, elle est immense. Vous n’allez pas simplement parler au nom de la France. Vous allez permettre qu’un mouvement puisse se lever dans toute l’Europe pour en changer la direction. !

Que nous dit-on encore ? Que j’aurais proféré une menace pour les capitaux en France parce que j’aurais dit — et je le réaffirme ici — qu’au-delà de 1 million d’euros par an, une tranche supérieure d’imposition serait créée de 75 %. Alors, les menaces d’exil commencent à se dessiner… Il paraît que certains ont déjà préparé leurs valises ! Qu’ils les retiennent ! Nous ne leur ferons aucun mal ! Quand même, au-delà d’un million d’euros, on doit pouvoir vivre, même avec une augmentation de TVA ! Mais il n’y aura plus d’augmentation de TVA ! Et comment comprendre que ceux-là mêmes, dirigeants d’entreprises — que je respecte, et nous en avons besoin — puissent appeler à la modération salariale pour leurs ouvriers et eux-mêmes s’attribuer 34 % d’augmentation de leur rémunération ? Comment comprendre, comment admettre ?

C’est pourquoi dans cette campagne, j’ai lancé la belle idée du patriotisme économique. Le patriotisme, c’est une belle valeur, c’est-à-dire de s’aimer suffisamment soi-même pour aimer les autres. De n’avoir peur de rien dès lors que l’on est rassemblés, unis. Le patriotisme de servir l’intérêt général, de penser d’abord à la Nation avant de penser simplement à soi-même. C’est être conscient que dans un effort qui doit être demandé à tous, ceux qui ont le plus doivent être davantage mis à contribution que les autres. C’est si simple ! Le patriotisme, c’est de comprendre qu’il y a un modèle français, celui issu du Conseil national de la Résistance et de son programme, qui appelle chacune et chacun à cotiser pour être couvert par rapport aux aléas, aux risques sociaux. Ça s’appelle la protection sociale, la sécurité sociale, et nous avons à défendre ces acquis-là aussi !

Le patriotisme, c’est de considérer que la France est une solution et pas un problème et qu’elle n’a pas à se mettre sous la toise, qu’elle n’a pas à être adaptée à je ne sais quel exemple venant de l’étranger. J’ai beaucoup de respect pour les Etats-Unis, pour l’Allemagne, mais nous sommes la France ! Nous sommes la France avec ses atouts, avec ses forces, et nous devons composer avec les autres, regarder ce qui marche, prendre des références ici, ailleurs, mais rester ce que nous sommes, parce que nous sommes un grand pays, une belle Nation avec une histoire et avec un avenir.

Le patriotisme, c’est se rassembler sur l’essentiel. Et au-delà, même, des sensibilités politiques. Je suis socialiste, mais je sais aussi ce que la France doit au général de Gaulle, à ce qu’a été la grandeur de la Nation, le sens de l’indépendance, l’idée forte que la France était singulière et en même temps universelle, le refus de la soumission. Oui, il y a eu dans ce qu’on appelait le gaullisme cette belle affirmation du refus de l’argent, que la politique ne se faisait pas à la corbeille, c’est-à-dire à la Bourse, qu’il y avait une exigence de vérité, un refus des amalgames et puis aussi un comportement personnel dont les héritiers du gaullisme n’ont pas toujours eu le sens du respect.

L’enjeu de cette élection, c’est le rassemblement, rassemblement des citoyens, rassemblement des forces, forces de la création, forces de la culture, forces de la jeunesse, forces sociales. Oui, c’est ce rassemblement de tous les atouts de la France. Mais c’est aussi le rassemblement des territoires. Il y a dans le scrutin de dimanche dernier des résultats qui nous ont, reconnaissons-le, surpris, frappés. Qu’il y ait eu, dans ce qu’on appelle le monde de la ruralité, des votes de colère qui se soient portés sur le Front national, comment les comprendre ? Comment les juger ? Comment les traduire ? Sentiment d’abandon des agriculteurs, des éleveurs qui ici – on les connaît – n’ont sans doute pas versé dans ce vote, mais en même temps éprouvent chaque jour des difficultés grandissantes, en achetant plus cher leurs fournitures et en recevant moins pour leurs produits, en étant inquiets par rapport à l’avenir, en n’étant plus protégés, faute d’une politique agricole commune cohérente, en étant également vulnérables par rapport aux marchés puisque les produits agricoles sont devenus des produits spéculatifs eux aussi.

Et s’il y en a qui dans la vie économique savent mieux que d’autres les désastres du marché, ce sont les agriculteurs, parce qu’ils ne vendent pas des produits comme les autres. L’alimentation, la sécurité alimentaire, la qualité des produits, ce ne sont pas simplement des valeurs qui s’échangent à travers des titres boursiers ! Il y a aussi cette réalité d’un nombre d’exploitations qui diminue chaque année. En dix ans, le nombre des exploitations agricoles a chuté de 25 %. Les terres agricoles reculent faute d’un urbanisme suffisamment maîtrisé. Pour l’ensemble du territoire national, sur les dix dernières années, c’est l’équivalent d’un département comme la Corrèze qui s’est retrouvé finalement repris par un usage des sols qui n’était plus agricole.

Je pense aussi, dans la ruralité, à tous ces salariés, ouvriers, employés qui subissent eux aussi les délocalisations, les fermetures d’entreprises et qui, même quand ils ont un emploi, sont amenés à consentir des frais de plus en plus élevés pour leurs transports et constatent chaque jour la dégradation des services publics : bureaux de poste qui ferment, hôpitaux menacés – ici, on sait ce que c’est –, tribunaux fermés – et ici on sait ce que c’est, et on en a souffert suffisamment –, suppressions de classes, diminutions de postes, dotations horaires en moins dans les collèges, RASED supprimés – on sait ce que c’est, ici ! –, sécurité de proximité mise en cause…

Alors heureusement qu’il y a des collectivités locales, départements, régions, communes, agglomérations, qui se battent pour permettre de résister, de contenir. Et voilà qu’on leur reproche même de verser des prestations qui sont définies, décidées par l’Etat et pas compensées par ceux-là même qui en décident pour autrui. Oui, des collectivités locales qui font même ce qui n’est pas prévu dans les lois de décentralisation pour le très haut débit, pour le haut débit, pour faire que les écoles, les collèges et les lycées soient équipés de la meilleure des façons, que les routes soient entretenues. Et voilà qu’on les menace de voir réduire leurs prestations, leurs dotations, leurs compensations. Et voilà que j’entends le candidat sortant faire même des promesses fiscales sur les droits de mutation – hier encore, à la télévision : il veut les diminuer de moitié. Sauf que c’est un impôt qui est perçu par les collectivités locales ! Lui il fait des promesses pour autrui, payées par autrui !

Mais nous, nous aurons à redonner confiance à nos territoires ! Ce sera l’acte de décentralisation que je poserai au lendemain de l’élection présidentielle : nouveaux transferts de compétences, réforme des finances locales, attribution de capacités d’intervention pour nos élus.

Nous agirons aussi pour lutter contre les déserts médicaux, avec la création de maisons de santé, pour renforcer l’hôpital public qui sera un service public et qui ne sera pas une entreprise, obligée de converger avec les cliniques.

Nous lancerons un grand plan pour le haut débit, pour le très haut débit.

Nous recréerons les postes qui ont été supprimés dans les écoles, dans les collèges.

Nous appuierons les efforts engagés par les régions en matière de transports.

Nous développerons une véritable politique de la formation professionnelle – il n’y aura pas besoin de faire un référendum. Comme si les chômeurs, quand on leur proposait un emploi ou une formation le refusaient ! C’est hélas trop de fois que les chômeurs demandent une formation ou un emploi et qu’on le leur refuse. C’est cela, la réalité !

Mais je prends la mesure de ce désarroi, de ce sentiment d’abandon territoires ruraux/territoires urbains. Et donc je créerai au lendemain de l’élection un ministère de l’Egalité territoriale, permettant de faire la péréquation entre les territoires, une action pour l’égalité territoriale, pour que chaque citoyen, où qu’il vive – dans une banlieue ou dans une zone rurale –, ait le même accès aux services publics, à la capacité de réussir sa vie !

Nous aurons à repenser le rôle de l’Etat. A la fois les valeurs qu’il portera et les actions qu’il conduira. Le capitalisme financier a inversé les hiérarchies de normes et de principes qui étaient les nôtres. Et en définitive, ces luttes qui s’étaient accumulées les unes les autres, qui avaient permis à l’humanisme de prévoir sur la force sont en recul. Le trader est mieux payé que l’ingénieur, le banquier plus que le chercheur, la spéculation davantage que l’entreprise. Et les marchés s’imposent trop souvent à l’Etat. La mission de l’Etat sera d’abord de fixer les grands enjeux, les grands objectifs de la puissance publique. Non pas simplement à cinq ans, mais à dix ans, à quinze ans. De savoir comment nous voulons vivre ensemble, comment nous nous organisons, quelles sont les grandes priorités, la transition écologique et énergétique que nous aurons à mener ensemble.

L’Etat devra être économe dans ses moyens, dans ses ressources, intelligent dans la manière de les déployer sur le territoire. Mais il devra aussi respect aux serviteurs de l’Etat. Comment un pouvoir pourrait-il être puissant s’il n’a pas la moindre reconnaissance et le moindre respect à l’égard des fonctionnaires qui le servent ?

Les valeurs, c’est l’intérêt général sur les intérêts particuliers. C’est également le long terme par rapport à la dictature de l’urgence, cette capacité à pouvoir avoir une autre logique que le rendement immédiat. C’est avoir l’utilité collective de long terme comme perspective. L’Etat n’est pas l’étatisme. Si l’impulsion est nécessaire, la gestion peut être faite par d’autres. La délégation peut être accordée. La décentralisation sera un principe. L’Etat, son rôle est de définir la stratégie, de donner la vision – et c’est le chef de l’Etat qui doit l’assurer.

Nous aurons à inventer de nouveaux instruments : la banque publique d’investissement pour accompagner les entreprises dans leur développement, la capacité d’intervenir au capital de certaines entreprises pour leur permettre d’être à la pointe de la technologie. Nous aurons à inventer des politiques sur l’isolation des logements, sur les modes de transport, sur les énergies renouvelables. Nous devrons être, là encore, en avance si nous ne voulons pas perdre des gisements d’emploi et des opportunités industrielles. Nous devrons, là encore, être inventifs pour mettre la recherche au cœur de nos priorités : la recherche, l’intelligence, la connaissance, l’innovation, recherche publique, recherche privée ! Nous sommes fiers à juste raison de nos prix Nobel, des médailles que nos plus grands chercheurs récoltent par la qualité de leurs travaux. Mais retient-on suffisamment les jeunes chercheurs en France ? Leur donne-t-on la carrière qu’ils attendent, les moyens pour poursuivre leurs travaux ? Nous avons ce devoir ! C’est le rôle de l’Etat. Toujours l’Etat qui doit accompagner l’enseignement supérieur – il le fera avec les régions, mais il le fera aussi parce que s’il doit y avoir un grand emprunt qui a été lancé, des fonds qui ont été récoltés, c’est maintenant qu’ils doivent être mis au service des universités. Et pas à certaines plutôt qu’à d’autres, mais aux universités qui elles, sur le territoire, permettent l’excellence et accueillent des étudiants plus nombreux, venant aussi de ces quartiers et de ces zones rurales où il n’y a pas toujours l’accès à ces enseignements supérieurs.

Voilà, mes chers amis, ce que j’étais venu vous dire ici à Limoges. Une nouvelle donne pour la France, tel est le sens de l’élection présidentielle. Une nouvelle donne industrielle, une nouvelle donne économique, une nouvelle donne sociale, une nouvelle donne écologique, une nouvelle donne aussi européenne et une nouvelle donne internationale. Parce que nous sommes la France et que nous avons un rôle à jouer sur notre continent et dans le monde !

Mes chers amis, je ne veux pas vous retenir trop longtemps. Mais en même temps, je ne suis pas loin de vous, pas loin de Tulle, donc je peux y passer une partie de la nuit ! Je suis venu vous dire ma confiance. Ma confiance en vous qui militez depuis des mois pour que nous atteignions l’objectif. Il est là, il est tout proche. Ma confiance dans le vote des Français tel qu’il s’est exprimé au premier tour et qui doit se confirmer au second. Ma confiance dans les capacités de notre pays à se redresser. Ma confiance dans les valeurs de la République. Mais j’ai aussi confiance dans la victoire qui approche. Elle est là ! Elle arrive ! Elle se dessine ! Elle s’annonce ! Elle se prépare ! Elle se construit !

Et en même temps, au-delà de votre enthousiasme, de votre engagement, rien n’est sûr, rien n’est fait, rien n’est acquis. Nous avons encore plusieurs risques devant nous. Il nous reste huit jours, un peu plus. Huit jours ! Que risquons-nous ? Le premier risque, celui de la démobilisation. Cette impression que nous aurions, pas vous mais d’autres ailleurs, que le résultat serait donné. Les sondages nous l’annoncent. Les pronostics sont faits. Et en plus, à voir les figures des autres à la télévision, on pourrait y croire. Mais non, ne surtout pas baisser la garde ! Au contraire, vous devez être conscients que c’est votre participation qui fera la différence. Parce que la Droite, elle, elle viendra le dimanche 6 mai. Elle viendra parce qu’elle a trop à perdre, parce que c’est son pouvoir, parce qu’elle se considère en propriété dans l’Etat. Dites autour de vous de venir voter, de ne pas penser que ce serait déjà confirmé par je ne sais quelle enquête, je ne sais quels pronostics, prévisions. Rien ne doit vous détourner de l’objectif de la participation la plus élevée possible pour le second tour !

Méfiez-vous aussi de l’euphorie qui court, de l’euphorie qui gagne et qui pourrait nous faire perdre. Méfiez-vous de l’arrogance, de la suffisance. Moi, je suis toujours très prudent. Je ne dis rien qui soit pour l’après 6 mai. Non pas sur les propositions, je les ai présentées. Non pas sur l’agenda, il est connu. Non pas sur les étapes, elles seront définies dans le quinquennat : d’abord les réformes structurelles et ensuite, la redistribution. Mais je ne dis rien sur la composition des équipes, sur qui sera là ou ailleurs, parce que pour l’instant nous ne distribuons rien sans que nous ayons gagné le suffrage des Français.

Et puis le dernier risque serait celui d’une certaine innocence que la Gauche peut avoir dans certaines circonstances, parce que nous avons une conception élevée du débat public – et tant mieux –, parce que nous avons l’honneur du débat, parce que nous avons le sens de la dignité de la fonction à laquelle nous nous présentons, parce que nous n’utilisons pas des arguments qui nous abaisseraient, qui nous abîmeraient, parce que nous voulons rester au niveau des idées, des arguments, des propositions, parce que nous considérons que notre peuple est adulte et qu’il saura faire son choix en grande lucidité et en responsabilité. La Droite n’a pas nécessairement ces précautions. Elle utilise la polémique, la confusion, le dénigrement, les attaques personnelles. Nous en subissons depuis des mois. Rien ne nous a été épargné – et en comparaisons animalières, ils sont… Ils sont sans limite !

Et pour autant, jamais, je dois dire, dans une campagne, de mémoire – mais j’arrive maintenant à un âge où l’expérience compte – je n’avais entendu un candidat sortant avoir une conception de la vérité aussi – comment dire ? – aussi étrange, contradictoire, cocasse, inattendue, parfois même désopilante. J’en ai fait quelque recueil, florilège. L’autre jour, pour dénoncer la position qui est la mienne sur la réduction de la dépendance à l’égard du nucléaire et la proposition que j’ai faite de ne fermer qu’une centrale, celle de Fessenheim, durant le prochain quinquennat, il a prétendu encore hier que nous voulions fermer 24 réacteurs dès le prochain quinquennat – et il a dit sur 48 alors qu’il y en a davantage, mais il ne le sait pas ! Donc pour étayer son argument, voilà qu’il nous raconte une histoire, à tous les sens du terme. Il nous dit « comment le candidat socialiste peut-il fermer Fessenheim alors que moi – c’est Nicolas Sarkozy qui parle, pardon de cette confusion – je suis allé à Fukushima et j’ai vu que Fukushima, c’était près de la mer et qu’un tsunami pouvait effectivement se produire à Fukushima – mais pas à Fessenheim ». Il nous donnait d’ailleurs, donc, une information que nous avions déjà : que Fessenheim n’était pas au bord de la mer ! Mais j’ai voulu vérifier s’il était allé à Fukushima. Parce que je me suis souvenu qu’un jour, il avait prétendu qu’il était allé voir l’effondrement du mur de Berlin et qu’il s’était trompé de date. Mais je me suis dit « un président sortant s’il dit qu’il est allé à Fukushima, cela doit être vrai ». Eh bien non ! Nous avons là un président sortant d’une autre espèce. C’est que lui, il pense que quand il dit qu’il est allé à Fukushima, il y est allé, alors qu’il n’y a jamais mis les pieds !

Voilà que l’autre jour je le regarde à la télévision et qu’il prétend que j’aurais été le bénéficiaire d’un appel de 700 mosquées. J’ai fait vérifier et cette information, qui n’en était pas une, est immédiatement démentie par le Conseil du culte musulman. Aucune mosquée n’a appelé à voter pour ma candidature. Et d’ailleurs, pourquoi l’aurait-elle fait ? Mais qu’un candidat sortant puisse prétendre qu’il y ait eu un appel des mosquées – vous voyez bien quelle insinuation il y avait, il aurait pu dire « il y a eu un appel de 700 églises », c’est aussi faux, mais il ne l’a pas dit – et donc là encore, prétendre que je serais le candidat de quoi, de qui, alors qu’il n’y a eu aucun appel, c’est à chaque fois créer la confusion, le doute, la suspicion et faire d’une religion qui dit avoir le plein respect de la République, la religion qui serait un risque pour la République !

Encore hier, il a répété qu’un idéologue suisse mais professant des thèses islamiques qui ne sont pas les nôtres, et qui doivent être contestées parce qu’elles sont contestables, aurait lui aussi appelé à voter pour moi. Et là encore, démenti de l’intéressé en disant qu’il est contre tous les pouvoirs. Et que si c’est aujourd’hui Nicolas Sarkozy, ce sera moi demain et il aura la même position.

Moi, je récuse ce personnage, je le dénonce. Mais quand même, qu’on puisse laisser penser que je serais soutenu par lui, voilà encore une autre imposture et une autre contrevérité — pour ne pas dire autre chose… Mais la liste n’est pas close. Voilà que je dis ce qui est la position depuis toujours de ma part sur la régularisation des sans-papiers au cas par cas, sur des critères reconnus partout et appliqués de la même manière. Et voilà qu’il prétend que ces régularisations au cas par cas — qui se produisent déjà aujourd’hui, 30 000 par an, seraient l’annonce d’une régularisation massive, toujours pour faire peur. Mais pourquoi mentir ? Celui qui ment est celui qui n’est pas sûr de lui. Celui qui ment est celui qui veut tromper le peuple et non pas l’éclairer. Et le voilà qui répète encore et encore qu’à Lille il y aurait des piscines qui seraient à des heures précises ouvertes simplement aux femmes, alors que ces horaires ont été purement et simplement supprimés et que c’était sans lien avec quelque religion que ce soit. Et voilà encore que je l’entends dire que si nous voulons le vote des étrangers aux élections municipales, et uniquement aux élections municipales, cela aura une conséquence communautariste. Et bientôt, tous les enfants seront obligés de manger de la viande halal à la cantine… Alors que lui-même en 2008 réaffirmait qu’il était intellectuellement pour le droit de vote mais qu’il n’avait pas la majorité qui lui permettait de le faire passer !

Nous pourrions en sourire, et je le fais car à ce point-là, c’est presque comique d’en arriver à un tel travestissement de la vérité. Mais en même temps je ne sous-estime pas ce que cela peut avoir comme conséquence dans le débat public, à chaque fois, de laisser penser que nous mettrions en cause l’indépendance du pays, la laïcité, les principes de vie qui sont les nôtres. Alors, cela m’amène à dire la chose suivante : en matière de laïcité, nous, nous ne reculerons jamais. Nous ne dirons jamais que le prêtre ou le pasteur a une autorité supérieure à l’instituteur et au maître ! Nous, nous ne dirons jamais que la laïcité doit être ouverte et tolérante, parce que la laïcité, par définition, elle est ouverte et tolérante !

Et moi, président de la République, je n’irai jamais devant une assemblée où il y aura d’un côté les femmes et de l’autre côté les hommes. Et jamais il ne me viendrait à l’esprit en regardant un visage ici, parmi vous, d’en traduire immédiatement une appartenance religieuse. Non, il n’y a pas d’apparence dans la République, il n’y a qu’une appartenance à la République !

Oui, il y a tant de raisons, tant de justifications, à souhaiter le changement. Un quinquennat d’échec, un quinquennat d’injustice, un quinquennat d’irrespect. Mais le plus grave, en définitive, qui va même au-delà de l’injustice, de l’échec et de l’irrespect : c’est un quinquennat qui a voulu diviser les Français, les opposer entre eux, les confronter avec eux-mêmes, faire peur plutôt que de faire confiance.

Le grand enjeu de l’élection présidentielle c’est la division ou le rassemblement. Je ne suis pas candidat à la présidence de la République pour une famille politique, pour un camp, pour un clan. Je suis candidat pour la France. Je suis candidat à la présidence de la République pour que la République soit exemplaire à son sommet. Je suis candidat à la présidence de la République pour que je sois un chef de l’Etat et pas un chef de la majorité, un chef de parti, un chef de tout et responsable de rien ! Je suis candidat à la présidence de la République pour qu’on en termine avec les privilèges, les impunités, les protections, la justice aux ordres ! Je suis candidat à la présidence de la République pour qu’il y ait un pouvoir partagé, des partenaires sociaux respectés, des élus considérés, des citoyens honorés d’être citoyens français. Voilà pourquoi je souhaite notre victoire !

Mais notre victoire, nous devons d’abord la mériter, aller la chercher, aller la conquérir, aller la justifier, aller la demander aux Français. Cela ne doit pas être n’importe quelle victoire, cela doit être une belle et grande victoire ! Non pas une victoire du rejet, de la rancune, de la rancœur, et encore moins une victoire de la revanche ! Non, une victoire du redressement, du relèvement, de la fierté, de la beauté de la République ! Je veux que le 6 mai, si nous devions l’emporter, si les Français devaient nous choisir, nous puissions nous dire, nous tous, toutes les générations réunies : « Voilà, nous allons servir notre pays, nous allons être capables de lui donner un moment historique où il est en situation de se rassembler, de se réunir, de se réconcilier avec lui-même ! ».

Je veux que la victoire, si elle vient le 6 mai 2012, reste dans les esprits aussi forte, aussi grande, que la victoire de 1981, qu’elle donne de la fierté, de l’émotion ! Je veux que si ce soir arrive du 6 mai, si cette victoire nous est donnée, nous n’ayons pas de rapport vindicatif à l’égard des autres, que nous soyons capables de les ignorer, de les oublier, de tourner cette page et d’en écrire une autre, celle de l’histoire de la République, celle de l’histoire de France, celle où la Gauche sera de nouveau à la responsabilité de la France, du pays, pour servir la République. Merci, amis du Limousin, merci de me donner votre force, merci de me donner la légitimité. Merci de m’avoir accueilli, merci de m’avoir porté. Merci de pouvoir me faire le prochain président de la République française !

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