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Caroline de Bendern raconte " Moshi " aventure humaine et artistique en Afrique avec Barney Wilen

Publié le 28 avril 2012 par Assurbanipal

      Caroline de Bendern raconte « Moshi ». Entretien téléphonique du jeudi 26 avril 2012.

Splendides lectrices, superbes lecteurs, je vous ai déjà raconté à ma manière l'album "  Moshi " (1972) de Barney Wilen (1937-1996). 40 ans après sa sortie, Caroline de Bendern qui a réalisé cette aventure humaine et artistique avec Barney Wilen a eu la gentillesse de me raconter ses souvenirs sur ce sujet. Les voici.

Comment est née l’aventure « Moshi » ?

J’avais fait deux films avec Serge Bard, devenu musulman depuis. Barney Wilen avait fait la musique d’un film de Serge avec Sunny Murray, « Fun and games for everyone » tourné à la galerie Rive Droite en 1968 pour un vernissage du peintre suisse Olivier Mosset (Salvador Dali, Amanda Lear apparaissent dans le film). J’ai rencontré Barney après les événements de Mai 68. Nous nous sommes mis ensemble. Serge voulait faire un film en Afrique financé par Sylvina Boissonas, des productions Zanzibar. Nous avions écouté la musique pygmée et ça nous surmotivait. Nous voulions partir l’écouter sur place. Serge Bard voulait traverser l’Afrique en six mois mais on ne traverse pas l’Afrique en six mois. Il y a tant de choses à voir, de gens à rencontrer, de musiques à écouter. Et puis, en Afrique, si vous roulez vite, vous avez un accident. 

Comment ça s’est passé sur place ?

Nous sommes restés plusieurs mois au Maroc parce que nous avions des problèmes. Daniel Pommereulle y a fait un film, « Vite ». Serge Bard ne filmait pas. Les techniciens sont partis, fâchés. Serge est reparti pour Paris chercher du matériel puisque les techniciens étaient rentrés avec. Il a disparu pendant six mois. Du Maroc, Barney et moi sommes allés en Algérie. Barney a enregistré et filmé Archie Shepp jouant dans la casbah, devant la mosquée avec les Gnaoua (cf Archie Shepp : «  Live at the Panafrican Festival. 1969 »). Un fanatique a surgi et poignardé un des musiciens parce qu’ils jouaient de la musique profane devant un lieu saint. Barney et moi sommes partis pour l’Afrique Noire. Nous avons rencontré les Peuls Bororo. Nous avons loué une maison au grand marabout. Les gens venaient nous voir, les musiciens jouaient, Barney enregistrait. Quand Serge est revenu, il a dit qu’il ne ferait pas de film, qu’il était devenu musulman et que sa religion lui interdisait de filmer des êtres humains. Il ne nous a même pas donné sa caméra. Barney et moi étions très déçus.

Qui finançait tout ça ?

Sylvina Boissonas et la compagnie Zanzibar nous donnaient de l’argent, fournissait le matériel (Land Rover, caméras, films, appareils photos, appareils d’enregistrement). Nous l’avons rejoint à Niamey au Niger. Elle aussi déçue par Serge Bard, elle nous a donné de quoi rentrer en France. Nous avons mis les voitures avec nous dans le train pour Dakar où nous avons pris le bateau pour rentrer en France.

Comment s’est créée cette musique ?

A Bamako, Barney a enregistré un griot. Il a acheté des balafons, des percussions. Nous avons adopté un petit chien. Tout cela s’entend dans l’album. Rentrés à Paris, j'ai rassemblé des filles, écrit des chansons, chanté avec elles. La musique a été mixée avec les enregistrements faits en Afrique. Deux chansons sont basées sur des chansons africaines. « Zombizar » raconte le voyage. Ensuite nous sommes revenus en Afrique pour que je réalise mon film autoproduit « A l’attention de Mademoiselle Issoufou à Blima », une phrase que dit un «  Grand Bandit », un des gamins que nous voyions en Afrique, qui imitait la radio. Cette phrase s’entend sur l’album. Puis nous sommes rentrés à Paris promouvoir l’album.

Aviez vous conscience de la nouveauté de ce que vous créiez? En 1972, la World Music n'était pas à la mode.

Je pense que la nouveauté n'est pas un but en soi, le recul permet de la discerner. Il y eut auparavant des expériences avec la fusion: Dizzy Gillespie avec Cuba, Les Beatles (Inde) et Barney avait déjà fait " Jazz meets India ". La nouveauté ici, c'est l'Afrique et la façon dont c'est realisé.  

Qu’est ce que le « Moshi » ?

Des Peuls Bororo ont été emmenés à Paris pour faire l’objet d’une étude ethnographique. Le séjour les a traumatisés. De retour chez eux, ils ont créé le Moshi, un rite de transe pour évacuer ce stress venu de France.

Un « Moshi 2 » sortira bientôt grâce à Patrick Wilen, le fils de Barney et de sa première épouse. Il paraît que je chante et joue de la guitare dedans. Je me demande ce que cela va donner.

Merci à Caroline de Bendern pour sa gentillesse, sa disponibilité et pour m’avoir raconté cette aventure humaine et artistique, irréalisable aujourd’hui ( le Sahel étant une zone rouge pour les Occidentaux, surtout Français, désormais).

     Dans l'extrait ci-dessous du film " Barney Wilen. The rest of your life ", la vie de Barney est racontée depuis " Moshi " jusqu'à son retour sur le devant de la scène au milieu des années 1980 après une relative disparition.



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