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La réforme de l'Etat au Canada (4) Un projet de société

Publié le 16 janvier 2008 par Olivier Beaunay
Les effectifs de la fonction publique baissèrent drastiquement : 66 000 postes, un poste sur 6, fut ainsi supprimé, le plan s’appuyant sur toute une série de mesures d’accompagnement (primes de départ, plan de pré-retraites), ce qui permit d’agir dans un climat de relative paix sociale. Dès l’exercice 1996-97, l’objectif de déficit était non seulement atteint, mais aussi dépassé (1 % au lieu des 3 % fixés) et, en 2003, le Canada était le seul pays du G7 à disposer d’un budget fédéral en excédent. Le poids de la dette publique a été ramené à 43,6 % du PIB, les dépenses publiques globales passant pour leur part de près de 50 % (48,8%) à 37,1% du PIB (17 à 11 % pour les seules dépenses fédérales) au cours de cette période.
Indicateurs citoyens
Dans la logique du projet de société dans laquelle elle s’inscrivait, la réforme s’est également appuyée sur des « indicateurs citoyens » plus larges, tels que la croissance de l’emploi, la croissance de la productivité du travail et la croissance du niveau de vie. La croissance moyenne du PIB a atteint 3,6 % entre 1994 et 2003, soit la croissance la plus élevée des pays du G7, devant les Etats-Unis (3,2 %). Idem pour l’emploi avec une progression de 2,2 % par an, contre 1,3 % pour les Etats-Unis.
Le chômage de longue durée au sens de l’OCDE (personnes sans emploi pendant plus de 12 mois en pourcentage du nombre de chômeurs) a baissé, atteignant 9,5 % en 2004, à comparer à des taux supérieurs à 40 % en France, en Italie ou en Allemagne. Le marché du travail s’est aussi davantage ouvert aux jeunes : près de 60 % des 15-24 ans avaient ainsi un emploi en 2004, contre moins de 40 % pour ces mêmes pays (et moins de 30 % pour la France). La pauvreté a reculé, passant de 14 % à 10,9 % des familles entre 1996 et 2000.
Les dividendes du progrès
Pour autant, la révision drastique des dépenses publiques ne s’est pas traduite par une détérioration du service aux usagers. Grâce à une plus large responsabilisation et, partant, à une motivation accrue des fonctionnaires, la qualité des services publics s’est même élevée d’après les enquêtes régulièrement réalisées sur l’opinion des usagers. Depuis lors, les effectifs de la fonction publique enregistrent de nouveau une certaine croissance, mais sans menacer cette fois l’équilibre des finances publiques.
Tout changement réussi repose sur des succès intermédiaires visibles et partagés : chaque année, les progrès réalisés encourageaient les Canadiens à persévérer dans les efforts engagés. Quelques années plus tard, le succès n’a pas été simplement partagé à travers la communication publique et les grands indicateurs macroéconomiques : les citoyens ont pu en effet percevoir, à partir de l’année 2000, les dividendes des actions entreprises à travers les premières réductions d’impôts.
Entre 2000 et 2005, les taxes furent en effet réduites de 100 milliards, une moitié étant allouée à la réduction des impôts (qui auront au total baissé de 3 points, passant de 40,1 à 37,5 % du PIB), l’autre étant affectée à de nouveaux investissements dans des secteurs tels que la santé, l’éducation ou la R&D.
Le génie de la réforme
La mise en œuvre de ces réformes n’a pas empêché l’équipe au pouvoir d’être reconduite aux responsabilités : le parti libéral a ainsi été réélu en 1997, puis en 2000 et en 2004. Pour Paul Martin, ancien ministre des finances qui remplaça Jean Chrétien au poste de Premier ministre, la clé de voûte de la réussite de cette réforme fut la volonté politique forte affichée par l’équipe au pouvoir de mener à bien l’assainissement des finances publiques comme facteur à la fois de souveraineté politique et de préservation des acquis sociaux. Comme le déclara en effet le nouveau Premier ministre, « le fait que les charges de la dette menaçaient les dépenses de nos meilleurs programmes sociaux, santé et retraites, était simplement inacceptable ».
« Chaque pays a son histoire, sa culture politique, un contexte qui lui est unique, et des leviers qui lui sont propres pour insufler les changements nécessaires. A chacun de trouver son génie » lançait ainsi Claude Laverdure, ancien ambassadeur du Canada en France à l’université d’été du Medef en 2005. Selon lui, la réforme canadienne s’est appuyée sur 3 piliers : consensus, concertation et adaptation. S’il est vrai que « les gagnants de l’ère industrielle cèdent le pas aux nouveaux gagnants de l’économie du savoir », cette voie réformatrice cherche aujourd’hui à approfondir la culture de l’évaluation au sein de la sphère publique en évoluant vers une culture de la réallocation des ressources attentive aux secteurs d’avenir.
« Tout cela, concluait l’ambassadeur, parce que des finances publiques équilibrées sont un bien commun appartenant à tous les citoyens – un magnifique héritage qu’on laisse à nos enfants parce qu’il n’y a pas de souveraineté sans capacité à faire des choix ».
On ne saurait mieux dire.

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