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Le huitième jour, la Faute-sur-Mer

Par Villefluctuante

Nous errons dans l'incommensurabilité du temps avec nos souvenirs gisant au fond de la vase.

Avril 2012

La terre délicatement étalée s'étend presque à perte de vue. La zone ceinte de fines barrières métalliques s'ouvre en de rares accès pour laisser passer les tombereaux. Le soleil printanier détourne les rares promeneurs qui préfèrent fouler la sable de la plage voisine, derrière la pinède. En contournant la zone, pour arriver au petit port situé dans l'estuaire du Lay, commence la digue fautive. Commence l'expiation aussi. La hauteur autorise la perpective sur l'espace nu. Subsistent les voiries et l'éclairage public. Les arbres de haute tige qui devaient ornementés les jardinets appartiennent désormais au vent. Du quartier plus de traces. On dirait tout au plus un lotissement en cours de construction.

Il faut avancer sur la digue pour voir apparaître le monstrueux tas lapidaires né du concassage des débris des habitations. Grincements des engins de chantier. Nudité et magma, un paysage de premier jour.

Mai 2008

Les pavillons serrés sont parés de mouettes en céramique. Les terrains disponibles se font rares. Oh, le beau quartier loué pour sa douceur de vivre. Si Dieu avait pu choisir, il se serai arrêté ici pour se reposer le septième jour. Les vérandas s'étendent sur les jardins face aux arbres rendus obligatoire par le règlement d'urbanisme. Si l'hiver le quartier est un peu triste, il s'anime aux beaux jours. Dommage tout de même que la digue empêche de voir le paysage.

Octobre 2010

Ici, la ville git immobile. Des barrières posées entre les murets empêchent tout accès. Les porte des habitations sont condamnées par des tôles scellées. Aucune trace de vie humaine. L'été est passé sans que les jardins ne soient taillés. Les marques à la bombe de peinture sur chaque façade semblent provenir d'un rite mystérieux. Aucune voiture non plus. Des débris jonchent par endroit la voirie sans atteindre l'impression de perfection de l'ensemble. Le sixième jour de l’achèvement.

Avril 2011

Les engins de chantier s'activent. La déconstruction est en cours. Les maisons prennent un tour spectral. Vidées, sans fenêtres ni volets, elles prennent un tour métaphysique. Les enduits ont perdu leur blancheur d'antan. Sombrant dans la mélancolie, certaines maisons ont disparu laissant apparaître leur dallage décoré par endroit de carrelage. Les premiers jours de travail.

Mars 2010

L'horizon a changé de position. Chaque maison en porte la trace boueuse à un mètre cinquante de hauteur. Ligne brune du même lavis qui recouvre les voies, les jardins et l'intérieur des constructions. La revanche de la glèbe.

Des motopompes finissent de vider les poches d'eau saumâtre. Le balai des pompiers est terminé. Toutes les maisons visitées et marquées à la recherche d'éventuelles victimes.

La fatigue et l'émotion sont intenses. On s’active à vider les intérieurs en scrutant anxieusement ce qui peut être sauvé tandis que les restes d'une vie domestique maculés de vase partiront vers la déchèterie. Des hommes en noir, prêtres d'un nouveau genre et assureurs à l'occasion, viennent constater les dégâts. Ce n'est qu'à leur signal que la cérémonie du tri pourra commencer.

Les souvenirs perdus dans la vase, les habitants quittent les lieux. Au matin du huitième jour.

Février 2010

La tempête Xynthia est une dépression météorologique majeure, en provenance des régions subtropicales, de type frontal. La conjonction de vents violents et de fortes marées donne lieu à une onde de tempête qui occasionne une importante inondation du littoral. Le septième jour à minuit.

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Crédits photographiques Jean Richer


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