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Je me souviens d'eux, je me souviens de moi

Par Alainlasverne @AlainLasverne

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e me souviens du souffle noir expulsé par la tour, encore et encore, jusqu'à ce que ce que je sois persuadé que cela s'était produit partout.

Je me souviens d'une camera filmant une armoire ouverte sur des étagères bourrée à la va-vite de billets, comme un coffre-fort débutant plein de promesses.

Je me souviens d'un animateur posant sa fesse sur un petit bureau sous l’œil mélancolique d'un président déjà sépia.

Je me souviens avoir eu retenu mon souffle en entendant le mot « ignition » avant de m'envoler devant ma mère qui cousait, pour rejoindre cette terre émergée demain qu'on appelait Amérique.

Je me souviens des feux des cheminots sur le grand boulevard, montant, descendant, dessinant la lumière d'un autre monde tenu en l'air par des rires et des mains tannées.

Je me souviens de la première fois où je me suis connecté; il suffisait de cliquer, et de cliquer encore vers l'horizon.

Je me souviens de présidents déterminés, impressionnés face aux micros,. Ça me rassurait.

Je me souviens qu'au temps des actualités j'ignorais qu'il existait d'autres promesses que le Cap Canaveral.

Je me souviens d'eux, oui, mais je ne me souviens pas de nous.

Je me souviens avoir été appelé à « fissurer » une enquête publique sur la centrale nucléaire de Golfech, mais j'ai échoué dans un bar à 20 km du but.

Je me souviens d'une époque où la télé était un objet avec un napperon dessus pour faire meuble ouvrier moderne.

Je me souviens de cet homme, de sa gouaille irrésistible et de comment ils l'ont fait taire pour continuer à ne rien dire avec des mots. Lui était noir.

Je me souviens d'un autre 2001 sur d'autres écrans; je m'en souviens,sans doute à cause de Karl 9000. Mais ça n'a aucun rapport.

Je me souviens d'un soir de mai dans la Maison du Peuple, et du matin qui a suivi ou j'ai fait du stop pour aller travailler, toujours sans redescendre. Il faisait déjà jour et la deuxième voiture s'est arrêtée.

Je me souviens de mon premier stick en face de la Préfecture et de ses grilles mortes, incapables d'arrêter les lumières de la fontaine en face.

Je me souviens que le dernier à être venu dîner était accordéoniste, mais personne ne l'avait invité.

Je me souviens d'un jour de mai où je marchais, je chantais pour la première fois dans les rues sans voitures, avec des milliers musiciens improvisés. Je ne comprenais pas grand-chose, mais qu'est-ce qu'on était bien.

Je me souviens que les gens discutaient politique sur un marché de banlieue, à la veille d'un référendum. On aurait dit que les mots se balançaient dans l'air comme des ballons. Tout le monde aime les ballons.

Je me souviens de John Kennedy qui souriait tout le temps, et Carter après lui. Ils se sont mis tous à sourire, la télé venait d'ouvrir ses fenêtres un peu partout.

Je me souviens d'un forum AOL où ils ont débarqué, avec leurs mots salissant les lignes. Je suis parti, j'allais devenir comme eux.

Je me souviens que la tête de King-Kong au-dessus de la tour m'attendrissait beaucoup.

Je me souviens avoir longuement cliqué sur des murs web en espérant l'accès à cet autre monde qui existait derrière les vitres du Web, disait-on. Je n'ai pas trouvé et on m'a dégoûté de chercher.

Je me souviens de Videla, mais juste de ses lunettes et de l'horreur autour.

Je me souviens avoir découvert ces bulles énormes et étranges révélées par la Nasa, qui patientaient tout près du Soleil. Je les ai fixé longtemps puis j'ai fermé l’ordinateur pour relire Solaris.

Je me souviens du regard de mon père qui m'écoutait m'enflammer sur les lendemains promis.


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