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Critique de la critique de l’anti-anti-christ (Hein ?)*

Par Plugingeneration @Plug_Generation

* Désolé d'avance pour ce titre ironique mais il se voulait aussi absurde que les critiques du film elles-mêmes, mea culpa Cannes j'invoque ton pardon ! 
Antichrist, Lars Von Trier
Par Plugger Master
Critique de la critique de l’anti-anti-christ (Hein ?)*
« Scandale dans la upper class Cannoise », non ce n'est pas le titre de la dernière saison de Gossip Girl, mais celui qui pourrait résumer la polémique autour de  l’Antichrist de Lars Von Trier. Avant d’écrire l’article je m’étais juré de ne lire aucune critique sur le film car je savais qu’il avait fait scandale. Je voulais préserver ma candeur cinématographique pour écrire un article frais sur l’avant dernier LVT. Mais la tentation (du Christ ?) était trop forte. Et je peux vous dire que je n’ai pas été déçu. Voici quelques exemples qui m’ont frappé :
Les Inrocks : « Quelle est la raison d’être de telles images ? Où est le point de vue de Von Trier dans ce film, salmigondis contradictoire entre puritanisme et pornographie, entre scénario religieux intégriste et esthétique publicitaire sulpicienne ? Est-il un phobique de la femme ou du sexe ? Et si tel n’est pas le cas, pourquoi alors faire un tel film ? »Libé : « Le fond d’Antichrist est soit trop obscur, soit insupportable. Bien moins finaud que les grands maîtres dont il invoque les mânes (Tarkovski, Dreyer, Bergman, rien que ça), Von Trier peint un atroce tableau de la psyché féminine moderne. »Hollywood Elsewhere : « L’effondrement complet d’un artiste majeur. »Le Monde : « Un film répugnant, souvent à dessein. »Le JDD : « La dernière heure du film va se révéler aussi fumeuse, dépressive, incohérente, misogyne, violente, horrifique et ridicule, que le cerveau du réalisateur, en piètre état depuis qu’il est lui-même en thérapie. » (Celle-là je trouve que c’est la meilleure !:))L’Express : « Antichrist est tout simplement un film incompréhensible que sa forme ne sauve même pas du panier. »
(Source :http://www.bakchich.info/societe/2009/06/09/antichrist-lars-von-trier-en-enfer-55550)
Une fois qu’on a dit ca on a l’impression d’avoir tout dit.

  • -        Antichrist ? Répond un Cannois en bas de soie*.
  • -  Juste un scandale porno-psycho-mystico-misogyno-religieux.
* Napoléon aurait dit « merde dans un bas de soie » mais je reste poli.

Après je me suis dit « mais comment un film peut susciter à tel point la haine, le mépris et le dégout ? ». Quand j’ai vu le film j’ai ressenti exactement l’inverse. Alors est ce que je suis dingue ? Est ce que je suis un paria du cinéma ? Certains diront que je cherche trop l’esthétisme. Oui effectivement, c’est bien l’esthétique que je cherche et pas une pseudo analyse sur Lars Von Trier, sa thérapie et sa soit disante misogynie. L’auteur m’importe peu dans une critique de film. Pour moi chaque œuvre est une nouveauté à découvrir, et l’auteur ne m’influence que par son esthétique filmique, et pas sa vie qui n’est d’aucun intérêt dans cette approche. Maurice Blanchot parle à ce sujet de « solitude de l’œuvre ». L’œuvre vit  indépendamment de son auteur et doit s’étudier comme tel.  Voilà pourquoi il n’y a que l’esthétisme qui compte. Alors quand j’entends des trucs du genre « tout le film est à l'échelle de ce qu'on suppose la description autobiographique vaguement romancée des angoisses et de la folie du réalisateur, le récit maquillé de sa thérapie » (http://www.cinemaniac.fr/news/antichrist-la-femme-est-l-anti-avenir-de-l-homme) j’ai juste envie de répondre :  wait, what ? Toujours ramener une œuvre à son auteur, ça devient vraiment blasant. « Oui alors vous savez Bergman était à l’hôpital quand il a écrit le scénario de Persona, alors vous comprenez heu il était un peu fou, dans un monde enrobé de silence, et puis il y a le problème de ses parents, la religion de son père… ». Nan mais où va-t-on ? AUCUN INTERET. Le film ne se prend que dans son instance filmique et pas dans la biographie de son réalisateur. Après c’est un parti pris. Mais pour ce qui est de Lars Von Trier c’est vraiment trop facile d’interpréter son film de cette façon. Et surtout ca amène forcément à des contres sens complétements idiots, et même à des arguments ad hominem à la limite de l’insulte. Alors please, please, messieurs les critiques, arrêtez ce massacre et parlez de l’œuvre, de l’œuvre bon sang ! Et de ses qualités intrinsèques ! Ou même de l’esthétisme de LVT mais pas de sa life… C’est là le premier contre sens sur Antichrist.

Le second j’avoue que j’ai moi même du mal à l’expliquer. J’ai l’impression que ce qui gêne ces pudibonds de Cannes c’est la « violence » « la pornographie » ou la « misogynie ». Je prends tous ces termes avec des pincettes parce que vraiment, encore une fois : wait, what ? Ces messieurs sont capables d’encenser un film comme Inglorious Basterds alors que c’est le summum de la violence gratuite. De toute façon ils me répondront avec leur verbe de hipster « mais non rien à voir, c’est de la dérision ». Oui « dérision ». Chez LVT il s’agit d’un film psychologique en huit clôt centré sur la violence intérieure, cette « violence » est donc encore moins gratuite que Inglorious car étant l’expression esthétique de cette violence intérieure. Ca colle au contraire parfaitement à cette ambiance malsaine. D’accord c’est violent, parfois, mais on est bien loin de Saw que personne ne critique. « Violent » dans un film où la violence se justifie pleinement ce n’est pas vraiment une critique… Peut être de l’acharnement ?

Ensuite « pornographie ». Où est ce qu’ils ont vu de la pornographie ? La pornographie c’est du sexe pour le sexe. Ce n’est pas le cas de Antichrist. Oui on voit un phallus, oui on voit le « triangle d’or » de Gainsbourg. Donc Gainsbourg nue + scène avec phallus de Dafoe = pornographie ? Heu ca c’est de la réflexion à la Raël (le gourou canadien) ou Soral (l’antisioniste de base), pas de la critique de cinéma. Ils m’auraient dit Rocco + Clara Morgane = pornographie, ok, vous avez le sens de l’équation. Mais là, c’est faire offense à LVT et ces deux acteurs à la renommée déjà bien établie. Les scènes de sexe sont là pour faire ressortir cette ambiance où haine de soi, solitude et paranoïa se mêlent. Les romantiques et les symbolistes du XIXème en faisaient tout leur art, pensez aux Fleurs du Mal, pensez à Félicien Rops, pensez à Barbey d’Aurevilly ou Villiers de l’Isle Adam. LVT ne sort pas ca de nulle part, il s’inscrit dans la tradition d’une conception de la sexualité qui lie acte sexuel et désoeuvrement. Alors commencer le film par ça, ce n’est pas pour choquer du Cannois (même si ça marche on dirait), mais pour répondre à la cohérence du film. D’autant plus que c’est répété à maintes fois dans le film pour rythmer jusqu’au climax final la folie démoniaque qui gagne peu à peu Gainsbourg. 

Critique de la critique de l’anti-anti-christ (Hein ?)*
Critique de la critique de l’anti-anti-christ (Hein ?)*

D'une manière plus précise, certains critiques évoquent les gros plans sur les visages de Gainsbourg et Defoe au moment de l’acte comment étant de la provocation, de l’obscénité perverse. Je ne vais pas non plus m’étaler sur ce contre sens, ce ne sont pas des visages de l’obscénité gratuite mais de purs visages du visible (cf Béla Balazs dans l’Homme visible), ce qui ressort de ces visages c’est de la « Stimmung » ( « ce qui diffuse à partir d’une source une sorte de rayonnement invisible, auratique, éthéré » Jacques Aumont dans Du visage au cinéma), l’en soi à l’état pur, ils sont là non pour communiquer un quelconque sentiment de perversion ou autre mais pour être apprécier pour leur esthétisme, leur façon de faire voir le visible sous l’invisible, de montrer cet arrière-visage rilkéen qui concerne l’âme et la hylé. En gros cette scène est magnifique. Alors n’y voir que des visages obscènes de pervers, c’est, comment dire ça, heu, déconcertant par le raccourci qui en est fait. Encore une fois : sexe + gros plan-visage = obscène pervers. De la malhonnêteté intellectuelle à l’état pur. On peut ne pas apprécier, mais c’est une autre question. Ces critiques ne laissent aucun répit à LVT, ils ne l’attaquent pas sur l’esthétisme ni sur le jugement de gout, ils l’attaquent de front en donnant l’impression qu’ils ont survolé le film. C’est triste.

Et dernier point : « la misogynie ». Là j’avoue que c’est leur plus gros challenge. Par misogynie ils évoquent le fait que dansAntichrist, Gainsbourg, qui est donc une femme, incarne le mal et la perversion. Donc premièrement, une femme ne peut pas incarner le mal ? Ok, je veux bien, mais faut m’expliquer pourquoi. Deuxièmement, LVT ne sort pas cette idée de son chapeau de clown. On est dans un film, autrement dit on apprécie le sujet par son esthétisme et la façon de l’aborder. C’est une HISTOIRE, une FICTION, pas la réalité ni la prise de position de l’auteur… C’est quand même bizarre de rappeler à des critiques la base même de ce qui fait un film… Est ce parce qu’un film abordant le racisme avec neutralité est raciste ? Pas que je sache. Et même on le loue d'autant plus s'il aborde le sujet avec objectivité, car d'autant plus fort moralement parlant. Comme je l’ai dit, l’auteur ne nous intéresse pas, est-il misogyne ? On s’en fout, en plus c’est vraiment discutable. Ce n’est qu’une représentation de la vision historique de la femme comme incarnation du mal. Il n’y a aucun parti pris. Juste une représentation. Encore une fois, il s’inscrit dans une tradition qui remonte presque à la fin des temps (Eve) et qui fait de la femme l’expression du mâlin. Cette tradition est basée sur ce que Beauvoir nomme la peur de la germination et de la fermentation de la vie (Le deuxième sexe). Ce que fait LVT avec brio dans Antichrist c’est nous montrer quelle est cette représentation de la femme, et en faire une œuvre complétement esthétique, presque contemplative. Peut-être que ce que les critiques reprochent au film c’est son esthétique du mal. Mais là je ne peux définitivement plus rien pour eux. Dans La littérature et le mal, Georges Bataille explique que la littérature est avec le mal ou bien n’est pas. Elle ne peut se passer du mal et du sentiment de culpabilité. Il semble que cette idée soit elle aussi très présente au cinéma, je ne vais pas refaire toute l’histoire du mal dans le 7ème art, une thèse de philosophie est consacrée au mal chez Bergman d’ailleurs, mais dès sa naissance le cinéma s’est empreint du mal, pensez à Nosferatu de Murnau. Enfin ça me paraît tellement déconcertant comme critique que je ne vais pas plus m’étaler sur le sujet.

Critique de la critique de l’anti-anti-christ (Hein ?)*

What else ?


Je voulais écrire au départ une critique classique d’Antichrist et je finis par faire une critique de la critique de l’anti-Antichrist. Ca n’a plus aucun sens… Mon propos et dur, parfois lourd c’est sûr, mais j’avoue ne pas avoir compris l’acharnement qu’ont eu les critiques sur ce pauvre Antichrist… J'ai l'impression que LVT a fait quelque chose qui ne plaisait pas à cette élite bien pensante et auto-proclamée détentrice du savoir cinématographique (BIM). D'ailleurs ils n'attaquent le film qu'à travers LVT et pas vraiment sur ce qu'est le film en réalité. Voilà pourquoi j'ai repris les critiques points par points pour en démontrer l'absurdité. Pour ce qui est de l'esthétique du film, j'aimerais en faire un article mais "ça devient lourd là, trop compliqué en tout cas" me répondrait Abd Al Malik. Donc je vais être obligé de m'arrêter sur cette citation absurde pour revenir dans 10 ans, quand Antichrist sera enfin compris pour ce qu'il est et non pour ce qu'il serait soit disant selon ces critiques pudibonds. 
Adieu.

Critique de la critique de l’anti-anti-christ (Hein ?)*

Je comble mon manque d'approche esthétique (tout ça à cause des foutus critiques cannoises) en vous proposant un article intéressant sur l'approche filmique de LVT dans Antichrist : http://www.paperblog.fr/2027543/le-chaos-regne/
PS  : Petite précision : les "wait what ?" et autres "sorry" ou "please" ne sont utilisés que pour ajouter de l'absurde à ce côté cannois hipster anglicisé. Encore une fois c'est gratuit. Désolé.


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