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Balada triste, par le talenteux de la iglesia

Par Acrossthedays @AcrossTheDays

Balada Triste2 1024x682 BALADA TRISTE, PAR LE TALENTEUX DE LA IGLESIA

Pour mon premier article sur Across The Days, j’ai décidé de me livrer à la critique du dernier film du réalisateur espagnol Alex de La Iglesia, Balada Triste. Ce film, passé inaperçu en France, comme la majeure partie de l’œuvre du cinéaste espagnol, a reçu les honneurs du Festival de Goya, équivalent espagnol des Césars, avec 15 nominations, et s’est vu attribué par Quentin Tarantino les prix du meilleur réalisateur et meilleur scénario lors de la Mostra de Venise en 2010.

De La Iglesia est un enfant du cinéma espagnol contemporain : son enfance fut en effet marquée par l’arrivée d’un mouvement culturel suite à la mort de Franco, La Movida. Un réalisateur incarne et incarnera cette démocratisation culturelle amorcée au début des années 80, Pedro Almodovar. L’influence du metteur en scène est omniprésente dans la filmographie d’Alex De La Iglesia, et son premier film sera d’ailleurs produit par Almodovar.

L’intrigue de Balada Triste commence en 1973. Mais si Alex De La Iglesia choisit la fin du régime franquiste comme toile de fond pour son film, l’Histoire n’y joue qu’un rôle mineur. La comparaison avec l’Education Sentimentale (1869) de Flaubert parait ici évidente : l’Histoire accompagne le tragique destin des deux personnages. Le cinéaste, tout comme Flaubert, ne prendra pas position pour un des deux camps, mais choisira de montrer les dégâts humains, matériels et surtout culturels causés par une guerre.

Un cinéaste talentueux derrière la caméra

D’un point de vue artistique, De La Iglesia confirme des talents déjà remarqués dans Crimes à Oxford (2008), et la mise en scène ainsi que la photographie témoignent de ce talent. Par exemple, lors d’un ultime affrontement, les deux clowns se font face sur une croix de 150 mètres de haut : le réalisateur fait preuve d’une incroyable virtuosité, filmant la scène du ciel, puis du sol, et finalement caméra à l’épaule en haut de cette croix ; pour le spectateur l’immersion est totale, la sensation de vertige indescriptible.

Au début du film, De La Iglesia va réaliser un travelling rivalisant avec ceux de Kubrick et d’Antonioni. Ainsi, lors d’un dîner, la caméra va tourner autour d’une table, filmant les expressions des personnages dans un rythme endiablé, le tout durant près de deux minutes.

La photographie est marquée par une influence Burtonnienne certaine, mais aussi par des photographes contemporains : on pense notamment au travail de Walker Evans. La démarche artistique n’est pas non plus sans rappeler celle de Kieslowski, qui tournera son film Tu ne Tueras Point avec un filtre jaune très prononcé ; ici c’est un filtre noir qui domine, et qui inscrit l’œuvre dans un cinéma gothique/baroque assez proche de celui proposé par Burton il y a encore quelques années (avant les déplorables Charlie à la chocolaterie et Alice).

Javier, Sergio et Natalia : trois personnages qui s’affrontent

Le film est construit autour de l’affrontement de trois personnages, Javier, le clown blanc ; Sergio, l’auguste ; Natalia, l’acrobate. Les acteurs, inconnus chez nous, brillent par leur talent. Le spectateur va peu à peu aimer, puis haïr ces personnages, mais ceci sans jamais pouvoir totalement les cerner. L’affrontement de ces deux clowns pour l’amour de Natalia est le fil conducteur de ce film. Les sentiments des personnages et les relations humaines sont évidemment marqués par l’œuvre d’Almodovar. Le film traduit ainsi une vision très pessimiste du dialogue entre les êtres, auquel se substitue rapidement la violence.

Le clown n’arrive pas à dialoguer, comme l’illustrent ces quelques vers de Verlaine :

« Puis il sourit. Autour le peuple bête et laid,

La canaille puante et sainte des Iambes,

Acclame l’histrion sinistre qui la hait. »

Le poème Le Clown (1884) traduit bien le mal être intérieur qui ronge ses deux personnages, et la vision pessimiste que De La Iglesia donne de la société qui les entoure et qui les transforme peu à peu en monstres.

Un final (assez) décevant

Malheureusement, le rendu final est entaché par quelques scènes proches du ridicule : une apparition de la vierge, suivie d’un dialogue mystique sans saveur, voire inutile; une scène d’automutilation guère mieux filmée que la flagellation de Da Vinci Code (la comparaison n’est pas flatteuse, mais elle est méritée).

Parfois, des scènes ressemblent à de pâles copies du cinéma de Tarantino, violence gratuite oblige. Quand l’un des clowns se fait capturer par un aristocrate espagnol qui va alors le traiter comme un animal, ce qui conduit à une déshumanisation du personnage, on pourrait penser à L’Enfant Sauvage de Truffaut, mais c’est malheureusement Banlieue 13 qui nous revient en mémoire.

Si le film mérite d’être vu pour la poésie qui s’en dégage, la qualité de sa mise en scène et  sa photographie, il n’est pas dénué de tout défaut, et ses plongées dans le gore-hystérique lui font perdre sa saveur initiale.


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