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Cannes 2012, Jour 4 : C’est l’éclate dans les Carpates

Publié le 20 mai 2012 par Boustoune

Commentaire d’une vieille dame sur la Croisette: “Ah! Ils nous enquiquinent avec leur cinéma. Il y a trop de monde. Et puis les films qu’ils programment, ce n’est pas gai… C’est violence, sexe et compagnie…”.
Mais non, Madame, pas du tout…
Tenez, prenez les films en compétition du jour.
Lawless de John Hillcoat : l’histoire de trois frères pratiquant la contrebande d’alcool dans la Virginie des années 1930, pendant la prohibition. “Seuls contre une police corrompue, une justice arbitraire et des gangsters rivaux, les trois frères doivent lutter pour survivre et écrire leur légende, au cours de la première grande ruée vers l’or du crime…
Oui, bon, d’accord : ça veut dire que les balles vont siffler et que le sang va couler tout ça… C’est trop violent pour vous, Madame? Ah, on comprend…

Au-delà des collines - 2

Peut-être ce film roumain au titre si poétique, Au-delà des collines vous conviendra-t-il mieux? : “Alina vient rendre visite à son amie d’enfance, Voichita, dans un couvent orthodoxe perdu dans les Carpates.
Ah, voyez, ça se passe dans un couvent. Ca doit être plus calme, ça…
”Elle veut convaincre celle qu’elle aime, la seule qui l’ait jamais aimée, de la suivre en Allemagne. Mais Voichita a rencontré Dieu et en amour, Dieu est un sérieux rival… Devant le refus de Voichita de partir avec elle, Alina devient de plus en plus hystérique et violente, au point que les religieux envisage de l’exorciser du mal qui la ronge”.
Euh… Bon d’accord, mauvais exemple. Mais bon, l’état du monde ne prête pas spécialement à rire non plus, hein… L’important, c’est que les films soient bons.

D’ailleurs que valent-ils, ces deux films en compétition?

 

Lawless - 2

Comme les précédents films de John Hillcoat, Lawless est une sorte de western.
Le cinéaste australien raconte l’histoire vraie des frères Bondurant, des trafiquants d’alcool à l’époque de la prohibition, qui ont fait fructifier l’affaire familiale en tenant tête aux autorités, représentées par l’agent Rakes (Guy Pearce). C’est un film de genre mené sans temps mort et formellement assez classique.
D’un point de vue qualités artistiques, rien à redire, c’est du travail soigné : photo vintage, clairs-obscurs efficaces, mouvements de caméra élégants, beau casting (Tom Hardy, Jessica Chastain, Mia Wasikowska, …). A la limite, on pourrait juste déplorer le côté outrancier du jeu de Guy Pearce, qui donne au grand méchant du film un côté un peu cartoonesque, mais à vrai dire, on préfère ça à la fadeur de Shia LaBeouf, qui ne nous convainc toujours pas…
Pour l’intérêt du film, en revanche, c’est moins évident. Cette histoire de fratrie hors-la-loi où les tempéraments s’affirment dans les épreuves, ces chassés-croisés avec les forces de l’ordre, on a déjà vu ça des dizaines de fois à l’écran. On ne s’ennuie pas, c’est vrai, mais le spectacle n’a rien d’inoubliable non plus…
Il manque peut-être une ou deux scènes qui sortent du lot, comme il pouvait y en avoir dans La Route, ou la dimension crépusculaire que pouvait posséder The Proposition.
Mais on ne va pas faire la fine bouche. Si le film nous semble un peu “léger” pour prétendre à une récompense, il n’en demeure pas moins tout à fait correct et appréciable. 

Au-delà des collines - 3

Au-delà des collines, c’est 2h40 de plongée dans l’univers étouffant d’un couvent roumain, en longs plans fixes austères, qui débouche sur un exorcisme tout aussi austère et glaçant, évoqué en hors champ. Comment dire les choses poliment… On préfère la version de William Friedkin…
Plus sérieusement, c’est un film effectivement très austère, où les silences sont éloquents et où les enjeux sont à décrypter sur les émotions, ou l’absence d’émotions sur les visages des protagonistes. Mungiu, comme dans 4 mois, 3 semaines, 2 jours, film qui lui a valu la Palme d’or, joue sur les cadrages pour générer le malaise et s’appuie sur de jeunes comédiennes impressionnantes, Cristina Flutur et Cosmina Stratan. Grâce à elles, grâce au talent de Mungiu, le film recèle quelques scènes vraiment magnifiques.
Mais quand même 2h40 pour une intrigue aussi mince, c’est exagéré, d’autant qu’on devine assez rapidement ce qui va se passer.
C’est long, trop long. Et lent, trop lent… L’ennui s’installe et on finit par se désintéresser du sort des deux jeunes femmes. Peut-être est-ce volontaire, puisque, pour le cinéaste, le sujet du film est l’indifférence… Sauf que là, c’est lui qui pousse à cette indifférence, en empilant des scènes redondantes et inutilement étirées. A vrai dire, on ne voit pas l’intérêt de cette méthode, si ce n’est de mettre le spectateur dans l’inconfort. Cela peut fonctionner, bien sûr, et c’était le cas pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours mais ce dernier contenait une ou deux séquences dont l’âpreté était amplifiée par ce dispositif. Ce n’est pas le cas ici.  
On aurait voulu être touchés par cette histoire dramatique, par les amours contrariés de ces deux jeunes femmes, par leur histoire, mais on est malheureusement restés en dehors de ce film, bel objet froid et impénétrable…  

Dracula - 2

Il est probable que les Carpates vues par Dario Argento, dans son Dracula présenté en séance de minuit devaient être autrement plus… mordantes. Pour la qualité, on ne sait pas trop, surtout au jugé des précédentes réalisations du maestro de l’horreur à l’italienne, très loin des oeuvres qui ont forgé sa réputation…
Mais bon, on n’a pas pu voir ce film pour cause de salle complète. Les vampires cannois se sont sûrement tous donné rendez-vous pour cette séance sang pour sang nocturne…

Oui, chère Madame, c’est encore une oeuvre violente… On sait… The Sapphires, qui raconte la tournée d’un groupe de rock arborigène dans les zones de guerre au Vietnam, dans les années 1960, devait aussi charrier son lot de drames et de scènes brutales…
Et du côté des sections parallèles, on ne versait pas franchement dans la comédie non plus.

Les chevaux de Dieu - 2

Présenté dans la sélection Un Certain regard, Les chevaux de Dieu, film du marocain Nabil Ayouch, raconte comment un groupe de copains ayant grandi ensemble dans un bidonville de Casablanca, s’est retrouvé embrigadé par un mouvement intégriste et a été entraîné à commettre des attentats kamikazes au coeur de la ville, en 2003.
La misère, le sentiment d’être marginalisé, humilié, ont contribué à faire perdre pied à ces jeunes n’ayant pas d’autre perspective que la délinquance ou la soumission à des caïds de quartiers. Il était alors très simple, pour les mouvements intégristes, de les amadouer, de les mettre en valeur en les faisant participer à un projet plus grand, au service de Allah. Protégés, mis en confiance par les leaders des groupuscules, les jeunes gens ont subi un vrai lavage de cerveau et ont accepté de mourir en martyr au service de leur Dieu, ou plutôt d’individus aux ambitions détestables.
Le film ne nous apprend rien de vraiment nouveau sur les méthodes des cellules terroristes. il y a eu suffisamment d’affaires récentes, en France et dans d’autres pays du globe, pour nous expliquer les façons d’opérer des groupuscules intégristes. Mais il rappelle que la misère et la détresse sociale sont un terreau sur lequel il est aisé de faire éclore des martyrs potentiels.
C’est aussi un film à la mise en scène efficace, rythmée par un intelligent chapitrage qui voit chaque sous-partie débuter par une partie de football entre les copains d’enfance. D’abord gamins, puis adolescents, puis au moment des attentats du 11 septembre…
Chaque fois, le contexte politique, religieux, social, devient de plus en plus tendu et les jeunes gens essaient de vivre une existence normale. Mais ils sont rattrapés par les difficultés du quotidien et la violence qui règne dans les bidonvilles. Et quand explosent finalement les bombes, d’autres gamins assistent à la scène, au loin, sur le même terrain de jeu. On se dit avec effroi qu’ils pourraient être les prochaines recrues des groupes terroristes, car dans ces quartiers pauvres, la situation est toujours aussi désespérée…

antiviral

Toujours à Un Certain regard, Brandon Cronenberg revendique fièrement l’héritage de son papa, David Cronenberg avec son Antiviral
Il signe un premier film qui ressemble beaucoup à ceux que le cinéaste canadien réalisait à ses débuts, comme Rage ou Frissons. Il est question d’une clinique qui cultive des virus sur la peau de célébrités avant de les réinjecter à leurs fans, pour créer une sorte de communion biologique en échange de fortes sommes d’argent. Mais un jour, une célébrité meurt à cause d’un de ces virus et un employé est contaminé par le même germe. S’engage une course contre la montre pour assurer sa survie…
Oui, oui, oui, Madame, c’est toujours violent et sordide…

La Semaine de la Critique s’intéressait à Augustine, cobaye du Docteur Charcot dans ses recherches sur l’hystérie. Un film assez austère, d’après les premières rumeurs, mais qui peut s’appuyer sur l’interprétation solide de Vincent lindon et de la jeune Stéphanie Sokolinski, connue en tant que chanteuse sous le pseudonyme de Soko et déjà aperçue dans Bye bye Blondie, de Virginie Despentes.
Autre film présenté, God’s neighbours, de l’israélien Meni Yaesh, dont nous n’avons reçu aucun écho.

Ah, voilà, je vous l’avais dit, jeune homme… Ce festival, c’est violence, sexe et compagnie

Mais non, chère Madame, demain, vous allez voir, c’est Michael Haneke qui ouvre la compétition… Sujet léger, mise en scène farfelue, franches parties de rigolade en perspective (Raaaah, elle ne veut plus nous lâcher, celle-là…)

A demain pour la suite de nos pérégrinations cannoises.
 
  

Cannes 2012 bandeau


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