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La Cité radieuse de Marseille après un sinistre, renaissance oblige…

Publié le 20 mai 2012 par Les Lettres Françaises

La Cité radieuse de Marseille

après un sinistre, renaissance oblige…

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revue culturelle et littéraire les lettres françaises

Dessin de Baptiste Debombourg

Affectée par un incendie en février dernier 1, l’Unité d’habitation de Marseille conçue par Le Corbusier est un témoin majeur du courant de l’urbanisme utopique. Les importants travaux nécessaires à sa renaissance appellent à une solidarité culturelle nationale !

Joyau du patrimoine français et international de l’architecture moderne contemporaine, classée aux Monuments historiques depuis 1986, la Cité radieuse marseillaise est, à juste titre, mondialement réputée. À longueur d’année, elle fait l’objet de la curiosité d’un nombre impressionnant de visiteurs venus de tous les coins du globe. Sujet d’études, de visites touristiques, culturelles, elle n’est pas seulement un monument historique original où peuvent être célébrées les hardiesses conceptuelles et techniques, l’art de construire intelligent et audacieux…

Pas plus que cet ensemble ne peut se résumer à un lieu de pèlerinage, plus ou moins nostalgique. Non, ce « monument » marseillais est avant tout une unité d’habitation bien vivante. C’est ce qui lui confère toute sa force et son intérêt. Aujourd’hui, à la veille de son 60e anniversaire, il abrite près de 1 200 personnes, dans 337 appartements, généralement en duplex, dont la conception et divers aménagements – inclus à l’origine – offrent individuellement des conditions de logement confortables, fonctionnelles, sécurisantes et esthétiques. Et, collectivement, de quoi vivre ensemble harmonieusement, dans ce qu’il convient d’appeler plutôt un village qu’une barre de logements. Espaces communs nombreux et soignés, commerces, bureaux, école maternelle, gymnase, théâtre de plein air sur le toit-terrasse, etc. sont des éléments majeurs de la dimension sociale voulue par Le Corbusier. Cet ensemble pourrait encore servir de modèle aux bâtisseurs et à leurs commanditaires de tous ordres. Mais pour cela, encore faudrait-il qu’ils adoptent les principes exposés par Le Corbusier, qui, postulant pour le futur, préconisait que « toute l’œuvre sociale sera mise au service des besoins essentiels de l’homme, les valeurs de l’argent seront subordonnées aux valeurs humaines »

 Les innovations techniques pour l’insonorisation, le positionnement des réseaux, l’emploi de combinaisons astucieuses et audacieuses de matériaux, béton, acier, bois, verre, ont conféré au bâtiment une qualité d’ensemble et une fiabilité structurelle exemplaires à maints égards. Soixante ans après, la plupart des résidents éprouvent – à juste titre – le sentiment d’habiter un équipement exceptionnel qui mérite leur attachement et leur confiance. Au fil du temps, les appartements et parties communes ont nécessité à l’usage, et nécessiteront encore, des évolutions, de gros travaux d’entretien, de réfection, d’adaptation aux normes de sécurité, et de prévention. Autant de travaux qui coûtent très cher aux copropriétaires, malgré les subventions accordées grâce au classement – en partie – du bâtiment. C’est pourquoi lors de l’incendie du 9 février dernier, où certains habitants ont tout perdu en quelques heures, un sentiment d’abattement a pu l’emporter sur ce qui fait l’attrait de la Cité radieuse : la joie de vivre ensemble en harmonie, dans le respect de la liberté individuelle comme dans celui du droit de la collectivité. Mais la solidarité et la volonté de renaissance l’ont vite emporté. Les résidents s’y attellent. Cependant, ils ne sauraient y parvenir seuls, sans un soutien culturel national qui s’impose pour sauvegarder ce patrimoine collectif. Le ministre s’est dit sensible au dossier. La Fondation Le Corbusier, la direction régionale de l’action culturelle sont mobilisées. Les collectivités territoriales ne devraient pas être insensibles à l’effort de reconstruction qui va nécessiter des fonds conséquents. À l’approche de Marseille 2013, capitale européenne de la culture, la Cité radieuse mérite une autre considération que celle de l’adjoint au maire en charge de la sécurité, qui, adepte des rodomontade, n’a pas hésité, au lendemain du sinistre, à déclarer de façon provocante : « Il y a des moments où l’esthétique, il faut s’asseoir dessus et penser aux gens… » Penser aux gens ? En effet, il est temps… 115 appartements restent pour l’instant inaccessibles. Plus de 300 personnes sont hébergées un peu partout en ville depuis maintenant quatre mois… Quant à l’édile en question, depuis, il n’est pas revenu. Ne serait-ce que pour expliquer l’art de s’asseoir en toute sécurité.

Gerhard Jacquet

(1) Trente-quatre logements et trois chambres d’hôtel ont été endommagés par ce sinistre, dans l’aile sud du bâtiment. Neuf appartements et trois chambres d’hôtel ont été anéantis par le feu. Il a fallu plus de dix heures de lutte des marins-pompiers pour circonscrire l’incendie. Il n’a été déploré, heureusement, aucune victime.


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