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Parité aux législatives : la désarmante honnêteté de Jean-François Copé

Publié le 21 mai 2012 par Variae

Variae a bien assez souvent été sévère avec Jean-François Copé, il nous faut, quand celui-ci fait preuve d’une qualité patente, la reconnaître et la célébrer comme il se doit. Question de fairplay et d’équité. On peut souvent mettre au crédit du grand maître de l’UMP une certaine franchise, voire une capacité à réduire la langue de bois en menus copeaux (n’est-il pas celui qui rêvait de « massacrer à la tronçonneuse » François Hollande ?) ; il en a encore fait la preuve lundi matin, au micro de Jean-Jacques Bourdin.

Parité aux législatives : la désarmante honnêteté de Jean-François Copé

Il n’était pas question ce jour, chez l’inquisiteur matinal de RMC, de sous-marins nucléaires ou de prix du ticket de métro, mais simplement de parité dans les désignations de candidats pour les législatives. Tous les partis se sont efforcés de la réaliser … sauf l’UMP, préférant payer des amendes. Et le patron du parti en question d’être soumis à la question sur ce raté assez voyant.

C’est là que l’on mesure toute la grandeur du satrape de Meaux. Depuis l’ère précolombienne, voire l’âge des cavernes, homo politicus a appris et s’est secrètement transmis de génération en génération un corpus de techniques ancestrales pour dissimuler la non-parité et ses soustraire aux critiques des médisants ; citons, en vrac, la parité virtuelle, consistant à mettre autant de femmes que d’hommes parmi les candidats, mais en réservant les territoires gagnables aux mâles ; la parité-potiche, avec des candidates qui se retirent, au dernier moment et sous quelque prétexte, au profit de leur très masculin suppléant à qui elles servaient de paravent ; ou encore la parité provisoire, avec une surconcentration de candidates sur des circonscriptions que l’on sait être destinées à des partis alliés, dans le cadre de négociations de dernière minute, et sans que ces alliés ne soient tenus d’y maintenir une femme comme représentant.

Il existe donc mille et une manière de finasser pour dissimuler le fait que l’on accorde à peu près autant d’importance à l’égale représentation des femmes et des hommes, qu’à celle des mormons et des Témoins de Jéhovah. Mais Jean-François Copé n’est pas fait de ce bois-là, oh que non. Et l’imperator de l’UMP post-sarkozyste de répondre crânement à Jean-Jacques Bourdin : « je vais vous dire, je plaide coupable avec regret mais c’est un arbitrage que nous avons eu à rendre et qui était difficile, dès lors que nous avions 317 députés sortants et qu’une bonne part d’entre eux se représentent et ont un ancrage très remarquable sur leur territoire, il était extrêmement difficile de les sacrifier. Voilà pourquoi j’ai pris avec mes amis de l’UMP cette décision qui nous coûtera en termes d’amende, et chacun doit comprendre que dans la période qui est la nôtre, il nous faut absolument avoir le maximum de députés et que cela passe par le poids, l’ancrage local de beaucoup d’entre-nous […] je suis moi un grand militant de la parité, j’ai été l’auteur d’une loi qui avec Marie-Jo Zimmermann prévoit qu’il y ait la parité dans les conseils d’administration des grandes entreprises françaises ».

Copé pourrait très bien dire qu’il n’a rien à faire de la parité, qu’il la laisse aux gonzesses. Mais non : il en est même un militant. Dans le monde normal, le militant d’une cause considère que celle-ci est un objectif, et qu’elle est donc contraignante par rapport à ses autres intérêts ; pas Monsieur Copé, qui se dit, si on résume, être pour la parité, mais uniquement si elle ne l’empêche pas de gagner. Curieux raisonnement que l’on s’amusera à tester sur d’autres sujets politiques : on pourrait par exemple se décrire comme un démocrate, mais considérer que la démocratie n’est acceptable que si elle accouche du résultat politique que l’on veut soi-même, et de nul autre. Dirait-on d’une telle personne qu’elle est une militante de la démocratie ?

Plus étonnant encore est l’argument de « l’ancrage très remarquable » des sortants testostéronés que l’on ne pourrait remplacer par des femmes. Que je sache, l’homme qui tient ces propos est à la tête de l’UMP depuis un an et demi, et appartient aux instances dirigeantes du même parti probablement depuis sa création ; que n’a-t-il utilisé ce pouvoir pour travailler, en amont, à faire émerger des candidates ayant tout le temps de se créer « un ancrage très remarquable » avant les fatidiques législatives ? Et si l’ancrage ne vient que par la pratique d’un mandat législatif, la reconduction d’un groupe de députés penchant du côté de Mars ne va-t-elle pas prolonger un cercle vicieux ? Étrange qu’un « militant de la parité » n’ait pas ces considérations en tête.

A moins que ces justifications ne cachent en fait qu’un profond désarroi, devant une situation politique dramatique, où l’étiquette UMP est si peu vendeuse que seuls des candidats archi-connus de leurs électeurs – se présentant comme à une élection municipale, en faisant oublier leur appartenance politique, et en misant tout sur la relation de proximité – peuvent espérer l’emporter ?

Voyons ! Si c’est ce que pensait Jean-François Copé, avec sa franchise proverbiale, il le dirait sans aucun doute très clairement.

Romain Pigenel


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