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Un Ayrault pas si discret

Publié le 23 mai 2012 par Delits

Mercredi 23 mai, Jean-Marc Ayrault vient de sortir de son second conseil des ministres. L’équipe rassemblée autour de lui est manifestement jeune, peu expérimentée aux fonctions ministérielles, représentative de la diversité et des territoires. Elle est aussi jugée satisfaisante par une majorité relative de Français (43%). Parmi les 34 individus qui composent le gouvernement Ayrault I, on note aussi la forte présence du courant hollandais mais aussi de nombreux alliés du PS. Au sein des cabinets, les membres de la haute administration (conseil d’état, cour des comptes, mairie de Paris, ENA-promotion Voltaire) et d’anciens membres de cabinets très expérimentés sont déjà aux manettes bien que les contours de certains ministères restent en suspens.

Face au Président « normal », beaucoup ont pu penser que Jean-Marc Ayrault,  personnalité « anti-bling-bling » souvent décrite comme un « Fillon de Gauche » allait demeurer dans l’ombre. Les premiers jours indiquent qu’il n’en sera rien, comme le souhaitent l’Elysée et Matignon.

Un élu encore méconnu du grand public

Maire d’une petite commune de Loire Atlantique entre 1977 et 1989, Jean-Marc Ayrault s’est révélé en devenant maire de Nantes en 1989. Réélu lors des trois derniers scrutins municipaux, il est présent à l’Assemblée nationale depuis 1996 où il s’est imposé rapidement comme le chef de file des députés socialistes depuis quinze ans.

Absent du baromètre TNS Sofres avant sa nomination, il n’est apparu que très récemment – avril 2012 –  dans celui de l’Ifop, réalisé pour Paris Match où il n’était crédité que de 28%  de bonnes opinions ; un score qui le plaçait à la 46e place du classement, soit 7 points derrière Marine Le Pen et 1 point devant Nadine Morano. Homme de terrain et d’appareil, il a toujours préféré labourer sa terre de Loire Atlantique et jouer les faiseurs de rois au Parlement tout en exerçant un rôle non négligeable en 2002 auprès de Lionel Jospin puis en 2007 auprès de Ségolène Royal.

Le sondage réalisé par l’Institut CSA le soir du second tour donnait ainsi un fort avantage à ses concurrents pour le poste de Premier ministre : seulement 23% des Français interrogés indiquaient qu’ils souhaitaient voir Ayrault à Matignon. Un score très inférieur à celui du très médiatique Manuel Valls, directeur de la communication du candidat socialiste (33%) et à celui de la Première Secrétaire du PS, Martine Aubry (37%). Selon cette enquête, Jean-Marc Ayrault se trouvait relégué au rang de challenger aux côtés de la révélation des primaires, Arnaud Montebourg, de l’ancien Premier ministre Laurent Fabius et du directeur de campagne de François Hollande, Pierre Moscovici. Une fois n’est pas coutume, le nouveau président s’est affranchi des sondages et de l’opinion publique afin de nommer un Premier ministre plutôt bien perçu par le centre, en capacité de rassurer les marchés et qui avait pour lui sa « virginité ministérielle ».

Une nomination pleine de justesse

Chef des socialistes depuis 15 ans à l’Assemblée nationale, il a rejoint celui qui, comme lui, a assumé les plus hautes fonctions au sein du PS au cours de la dernière décennie, l’ancien Premier secrétaire, François Hollande. Elu historique au Palais Bourbon il a su, de fait, nouer des relations fortes avec tous les députés qui depuis plus de dix ans se mobilisent dans l’opposition. Il est aussi un homme de synthèse, capable de parler à toutes les sensibilités de la gauche hier divisée et qui aborde en position de force les échéances législatives du mois de juin. Rassembleur et capitaine d’équipe à la mairie de Nantes, il n’entend cependant pas s’effacer derrière François Hollande.

Chef de guerre et combattant acharné lors de mémorables séances de questions au gouvernement, le mercredi lors des retransmissions télévisées, Jean-Marc Ayrault a toujours été « dans le coup » à gauche, attendant patiemment son heure en seconde ligne.

Le premier sondage sur la confiance accordée au locataire de l’hôtel de Matignon fait état de l’absence évidente d’un état de grâce comme cela a déjà été relaté sur Délits d’Opinion. Pour autant, selon Harris Interactive, de tous les membres de l’exécutif, le Premier ministre est celui qui suscite le plus de confiance : 60%, c’est 6 points de plus que François Hollande, déjà distancé par rapport à ses prédécesseurs selon l’enquête BVA, et 1 point devant Manuel Valls, Ministre de l’Intérieur.

Après quelques jours d’exercice, la notoriété de Jean-Marc Ayrault a cependant fortement progressée comme en atteste la récente enquête réalisée par TNS Sofres : 62% des Français connaissent le Premier ministre. Cependant, il paie encore une certaine discrétion auprès du grand public ; il suscite l’indifférence pour un tiers des personnes interrogées (32%).

Déjà sur le front, Jean-Marc Ayrault entend dicter son tempo, n’en déplaise aux ministres un peu trop pressés comme Vincent Peillon ou  Arnaud Montebourg. Le Premier ministre a donc choisi le 29 mai pour recevoir séparément, les cinq centrales syndicales représentatives et les trois organisations patronales, tout en évoquant un grand rendez-vous social le 14 juillet prochain. Sur le volet social il a également évoqué ce matin la publication d’un décret préparé par Marisol Touraine et qui doit instaurer pour les salariés ayant commencé à travailler à 18 ou 19 ans le droit de partir à la retraite à 60 ans à taux plein s’ils ont cotisé 41 années.

A trois semaines des élections législatives, Jean-Marc Ayrault devra se montrer pédaogue, comme hier dans les salles de classe. Il sait qu’il faudra parler à la gauche, marquer des points et ne pas faiblir. Le premier ministre sait combien l’amplitude de la majorité dont il disposera à l’Assemblée nationale est cruciale pour son camp mais aussi pour lui. S’il refuse l’appellation de « Fillon de Gauche », Jean-Marc Ayrault entend cependant imiter son prédécesseur à Matignon.


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