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Touhfat Mouhtare : Ames suspendues

Par Gangoueus @lareus
Touhfat Mouhtare : Ames suspenduesCrédit Photo : Farouk Djamily
L’idée des palabres autour des arts dont l’anniversaire a été fait en grandes pompes le 20 mai 2012 est de faire découvrir des auteur(e)s auprès d'un public de lecteurs novices ou en manque d’informations sur les littératures africaines. En l’occurrence, la jeune écrivaine comorienne Touhfat Mouhtare fait partie d’une de ces découvertes que j’ai faites au Loyo, quelque part entre Montmartre et Château Rouge.
Face à des lecteurs et des lectrices qui, dans un consensus, étaient en accord (pour une fois) pour reconnaître le talent de la romancière, Touhfaht Mouhtare a, de mon point de vue, remarquablement défendu son travail et surtout, elle a suscité en moi ce désir d’expédition en terre comorienne.
Je viens de terminer ma lecture de ce recueil de nouvelles assez court et je dois dire que pour une première publication, ce texte est magnifique.
Ces nouvelles portent chacune des histoires différentes qu’on localiserait principalement sur les îles des Comores même si quelques-unes se décentrent vers la France. Des histoires de femmes souvent dans cette terre d’Islam. Entre la lutte et la séduction, le désir de survivre par tous les moyens et la désespérance d’une femme mûre trahie par son homme, la traque d'une jeune femme prise à son propre jeu. Entre tout cela, le lecteur se trouve porté au cœur d’un univers chargé décrit avec beaucoup de sensualité, de délicatesse et d’amour pour une terre malgré la misère qui y sied. Touhfat Mouhtare est une écrivaine dont on ressent toute la douceur dans la poésie de sa plume, le langage imagé qui dénote d’une certaine profondeur dans le regard qu’elle accorde à quelque chose d’aussi banal qu’un ciel d’azur, ou encore l’audace de la simplicité de ce qu’elle veut bien partager avec le lecteur. Elle aborde de nombreux maux sans la brutalité de la révolte et une forme de compassion qui finit par émouvoir le lecteur.
Je sors de ces âmes suspendues avec le plaisir d’avoir lu un texte beau et engageant. Que demande le peuple ?
Extraits :
Moroni, la capitale, 01h20. Il fait nuit noire. Il y a longtemps que la lune s'est enfuie, chassée par les nuages gris, à leur tour chassés par le vent. Mais les étoiles, elles, sont là, fidèles au rendez-vous. A l'obscurité de la nuit se mêlent les fumées qui s'échappent des paillotes où les amoureux savourent les brochettes à la viande. Les vendeurs de brochettes regardent leurs clients avec impatience, pressés de fermer boutique avant que la pluie ne débarque, poussée par un vent mal intentionné.
I. Editions Coelacanthe, page 29
Paris m'enchante.
Le soir, quand les étoiles s'effacent derrière ces éclats de lumière qui croient l'illuminer avec plus d'adresse, j'aime la regarder vivre, respirer, mourir. J'aime les endroits qui parlent.
Comme le Palais-Royal et les soupiraux qui recèlent au pied des murs les derniers râles d'un passé révolu. Comme la rue d'Alésia, qui tente de cacher derrière des façades de ses boutiques de mode la bataille qu'elle a jadis abritée. 
Je hais les lieux bien connus de la ville, ces attrapes-touristes qui se pavanent le long des quais de la Seine. Comme le Pont des Arts. Je clame haut et fort que c'est un lieu que j'abhorre, parce que les cadenas que l'on y accroche sont autant des gages de mensonges que des promesses d'amour. Mais la vérité, c'est que c'est un lieu de déchirure pour moi.
Editions Coelacanthe, page 67
Ecoutez l'auteure parler elle-même de son livre. Je pense que vous aurez envie de la lire.

Bonne lecture
Touhfat Mouhtare : Ames suspendues
Editions Coelacanthe, 1ère parution en 2011, 71 pages

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