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LA Russie, la Syrie et la politique d'influence par V. Fortat

Publié le 24 mai 2012 par Egea

A la suite d'un billet récent sur la Syrie, Vivien Fortat a bien voulu envoyer cette réflexion sur l'attitude russe et sa politique d'influence à partir de son siège permanent au CSNU.

LA Russie, la Syrie et la politique d'influence par V. Fortat
source (un article de Courrier international sur le même sujet des raisons poussant Moscou à soutenir Damas)

Mille mercis à lui. O. Kempf

A l'heure où le plan Annan et le cessez le feu sont chaque jour bafoués en Syrie, la Russie continue d'opposer son véto à une intervention internationale armée. Cette posture, permise par son statut de membre permanent du Conseil de Sécurité de l'ONU, a été largement commentée. Différentes raisons ont été avancées pour expliquer la position des représentants Russes comme la volonté de se prémunir de toute ingérence dans ses affaires internes (ex : le conflit en Tchétchénie), protéger son allié Syrien afin de préserver les intérêts Russes au Moyen-Orient (port militaire de Tartous hébergeant les navires militaires Russes patrouillant en Méditerranée ou faisant escale, client d'arme important, seul allié dans la zone) ou encore redorer l'image du régime en interne en s'affichant comme une puissance majeur (le duo Poutine-Medvedev ayant fortement joué sur le patriotisme et la restauration du prestige Russe pour détourner l'attention du grand public de certaines difficultés majeurs auxquelles le pays fait face).

Cette volonté de s'afficher comme une puissance majeure en profitant du siège permanent au conseil de sécurité, qui confère à certains de ses détenteurs un pouvoir bien supérieur à celui qui est le leur en terme économique et militaire, a pourtant été quelque peu délaissé par les analystes lorsqu'il s'agit de son aspect « international ». Hors, cette opération de signal (ou « d'influence » pour reprendre un terme à la mode) est sans doute un élément extrêmement important symbolisant la résurgence d'un jeu de pouvoir entre grands pays.

En effet, en s'opposant à une intervention de l'ONU, la Russie montre ainsi à de nombreux pays qu'elle est en mesure de les protéger face à un certain niveau d'ingérence étrangère. Certains pays en délicatesse avec avec la communauté internationale (et son membre le plus important, les États-Unis), pourraient être tentés de se mettre sous la protection Russe afin d'échapper aux sanctions internationales voulues par les membres de l'ONU. La Russie serait alors en mesure de bénéficier de nombreux avantages provenant de cette rente de situation au conseil de sécurité : soutien aux propositions Russes au sein de grandes organisations internationales (OMC, ONU, FMI, mais aussi d'autres moins évidentes comme le CIO...), accès prioritaire aux ressources naturelles, ou encore des préférences accordées aux entreprises Russes lors d'appels d'offres (armements, infrastructures, etc.).

La Chine, bien que s'opposant également historiquement à toute ingérence pour des raisons philosophiques, n'est pas en reste et commence également à développer cette stratégie d'influence au fur et à mesure que son poids dans la gouvernance et l'économie mondiale croit. La France, qui vient d'élire un nouveau président, serait bien avisée de se rappeler elle aussi des nombreuses possibilités stratégiques offertes par son statut de membre permanent du Conseil de Sécurité et de mettre en place une politique audacieuse en la matière. Après avoir raté le train de la mondialisation, la France ne peut plus se permettre un nouveau décrochage qui ne manquerait pas d'affaiblir durablement son influence internationale.

Vivien Fortat , Docteur en Économie


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