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Un concours a bas couts

Publié le 26 mai 2012 par Fabianus
UN CONCOURS A BAS COUTS
L’EUROVISION. Comme chaque année depuis 1956 le concours eurovision de la chanson fait vibrer des millions de téléspectateurs. Cette année le concours se passe en Azerbaïdjan car ce pays avait remporté le trophée l’an passé avec un titre anglais «Running scared ».

La France n’a pas gagné le gros lot depuis…1977 ! C’était à Londres et Marie-Myriam nous avait grossis de fierté avec un joli titre « L’oiseau et l’enfant » !
Depuis, plus rien, bernique ! Et ce n’est pas cette année qui nous démentira notre échec chronique dans cette compétition vocale. Anggun va nous représenter et interprètera « Echo (You and I) » à Bakou ! Une chanson 2/3 français, 1/3 anglais et 0% de matière grise !! Je crains le pire !! J’espère me tromper !
Non ! Il faudrait une vraie chanson ! Comme celle de 1977 ! Une œuvre véritable, truffée de références et de thématiques !! Mais oui !!
L'OISEAU ET L'ENFANT (et réciproquement)
Comme un enfant aux yeux de lumière
Le thème de l’enfant a toujours été porteur. Marie Myriam n’a pas oublié que la regrettée Frida Boccara avait gagné l’Eurovision en 1969 avec « Un jour, un enfant ». L’auteur du texte, Joe Gracy, a prêté à cet enfant des yeux de lumière, apanage estimable quand on souhaite lire la nuit des œuvres que la morale parentale réprouve !
Qui voit passer au loin les oiseaux
Les oiseaux hantent l’univers musical français. Du grand classique moderne (Les oiseaux d’Olivier Messiaen) à la chanson à texte (Ouvrez la cage aux oiseaux de Pierre Perret). Une thématique aussi porteuse que celle de l’enfant.
Comme l'oiseau bleu survolant la Terre
Encore une référence culturelle. L’oiseau bleu est une pièce de théâtre en 6 actes écrite par un belge (une fois) un certain Maurice Maeterlinck, en 1908. Mais les fan d’aviation peuvent trouver leur compte dans cette métaphore puisque l’oiseau bleu fut aussi un biplace de raid construit en 1 seul exemplaire et qui, en 1927, fit un « Bourget-Bourget » alors qu’il visait un « Bourget-New York » !

Vois comme le monde, le monde est beau

C’est une injonction ! Vois comme le monde est beau ! Cela laisse supposer qu’il faut parfois se faire violence pour s’apercevoir que le monde est beau. Déjà, à l’époque, la beauté de l’environnement ne s’imposait pas au regard comme une vérité première. Il est vrai qu’en 1977 la planète était déjà bien ravagée par la pollution ambiante. D’ailleurs une contrepèterie s’immisce dans ce vers : le bond des maux !!
Beau le bateau, dansant sur les vagues

Remarquons la présence de rimes riches à l’intérieur d’un même vers (beau et bateau) qui me laisse sans voix. Quant à l’image poétique « dansant sur les vagues » elle n’est pas sans allusion à la vague disco des années 70, vague sur laquelle moult personnes dansèrent pour chasser le vague à l’âme.
Ivre de vie, d'amour et de vent
Encore une belle référence littéraire ! « Le bateau ivre » est une poésie d’Arthur Rimbaud. Un poème très long de 25 strophes où, incroyable, le mot « enfant » est cité 4 fois !!
Belle la chanson naissante des vagues
Hommage à Marie Paul Belle qui décroche en 1977 un disque d’or pour son titre « La Parisienne ». Cette superbe chanson fait naître des vagues par son côté provocateur !
Abandonnée au sable blanc


Le mot « abandonnée » sera bien plus tard mis en écho par Johnny. L’auteur fait figure d’avant gardiste.
Blanc l'innocent, le sang du poète

Notons les assonances de « cent » d’innocent et « sang », du grand art !  Le vers nous informe que le sang d’un poète est blanc ! Surplus de lymphocytes ?
Qui en chantant, invente l'amour
Alors comme ça pour inventer l’amour il suffirait juste de chanter ? Mais pour chanter il faut aimer le chant ! Et qui de l’œuf ou de la poule… ?
Pour que la vie s'habille de fête


« C’est la fête ! » chantait Fugain. La fête : une jolie thématique qui s’invite de façon récurrente dans la chanson française. De la façon la plus ringarde (« C’est la fête au village » des Musclés) à la plus élaborée (« La fête aux copains » de Jean Ferrat).
Et que la nuit se change en jour
Ça n’a rien de poétique tout cela ! Après la nuit vient toujours le jour ! C’est de l’empirisme à l’état pur ! Même qu’après le jour se change en nuit, progressivement.

Jour d'une vie où l'aube se lève

Même remarque : l’aube finit par se lever. L’aube est pine qui se dresse dans l’ambiance érotique du jour naissant.
Pour réveiller la ville aux yeux lourds
Là on touche davantage la grâce poétique : une ville aux yeux lourds. Jolie métonymie de derrière les fagots ! Derrière la ville : des gens ! Des gens endormis par leurs habitudes, leurs us conventionnels, leur ennui. En 1977, en plein Giscardisme, la France s’endormait.
Où les matins effeuillent les rêves
Superbe métaphore ! J’en larmoierais presque ! Les rêves assimilés à des roses que le petit matin personnifié effeuille ! Notons une contrepèterie sous-jacente : les marins éteuillent les fèves. [éteuiller est du vieux français et signifie ramasser]
Pour nous donner un monde d'amour
Encore une référence littéraire. Un monde d’amour est un roman d’Elizabeth Bowen (1955) grande dame de la littérature irlandaise.
L'amour c'est toi, l'amour c'est moi

Anaphore du plus bel effet ! D’une réversibilité parfaite : l’amour c’est toi, l’amour c’est moi. Brassens, grand amateur de chocolat, aurait inspiré l’auteur : l’amour sétois : l’amour Cémoi.
L'oiseau c'est toi, l'enfant c'est moi.
L’anaphore encore et encore. Mais la réversibilité se montre plus discutable : « l’oiseau c’est moi, l’enfant c’est toi » car les attributs diffèrent ! Il faut que chaque partenaire assume son habit d’oiseau ou celui d’enfant. On ne s’improvise pas volatile, on doit être muni de zèle.  On ne se déclare pas enfant sans ambages, il faut de l’expérience : être vieux sans être adulte, comme le chantait Brel.
Moi je ne suis qu'une fille de l'ombre

Oh, là, là, l’emprunt dans l’univers de la môme Piaf !! « Je ne suis qu’une fille du port, une ombre de la rue » nous vient tout droit de la chanson « Milord » que Moustaki avait concoctée pour Edith ! Joe Gracy a juste opéré un raccourci : une fille de l’ombre. Il aurait pu opter pour l’autre raccourci : « une fille du port de la rue », ou plutôt, « une fille de la rue du Port » !
Qui voit briller l'étoile du soir
Ce n’est pas incompatible d’être dans l’ombre et de voir briller l’étoile du soir ! Plus difficile, mais combien plus poétique et surréaliste, eût été un perchoir sur l’étoile du soir duquel il eût été possible de voir briller une ombre (ô génial oxymore !)
Toi mon étoile qui tisse ma ronde
L’étoile filante qui tisse son fil de façon rotative : belle image ! La contrepèterie cachée : l’étoile qui tire ma sonde.
Viens allumer mon soleil noir
Dans la série des qualificatifs appliqués au soleil : « soleil rouge » (Film de Terence Young avec Delon et la belle Ursula Andress), « soleil vert » (Film de Fleischer avec Charlton Heston). Mais « soleil noir » est un bel oxymore.
Noire la misère, les hommes et la guerre

Là, on tombe dans les clichés misérabilistes. Zola et Hugo ne sont pas loin. Ça sent l’abbé Pierre, ça augure des Restos du cœur, des futurs génocides rwandais et balkaniques…Mais ce genre de postulat reste indémodable, hélas…
Qui croient tenir les rênes du temps
Belle métaphore ! Le temps, pégase impétueux, destrier fantasque, ne peut supporter la moindre bride ! Les hommes et leur noirceur croient le domestiquer mais ils tombent dans un leurre ! Et le mal se retourne contre les humains : débris d’abattus.
Pays d'amour n'a pas de frontière
L’amour n’a pas de frontière, mais l’âme a ses douanes !
Pour ceux qui ont un cœur d'enfant
Il faut absolument que la science avance pour greffer des cœurs d’enfants reconstitués à partir de cellules mères.
Comme un enfant aux yeux de lumière
Qui voit passer au loin les oiseaux
Comme l'oiseau bleu survolant la terre
Nous trouverons ce monde d'amour
L'amour c'est toi, l'amour c'est moi
L'oiseau c'est toi, l'enfant c'est moi
L'oiseau c'est toi, l'enfant c'est moi
L'oiseau c'est toi, l'enfant c'est moi.

A part « nous trouverons ce monde d’amour » c’est véritablement du copier-coller ! Mais c’est le changement de temps (on passe du présent de l’indicatif à du futur simple) qui fait la différence justement ! Le regard tourné vers l’avenir ! C’est beau comme une promesse électorale !!

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