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La Grèce dans le brouillard électoral

Publié le 30 mai 2012 par Copeau @Contrepoints

Le plan infaillible et millimétré sur huit ans aura tenu un peu moins de trois mois. À qui la faute ? Sans doute à cette vilaine démocratie dont la Grèce s’embarrasse encore, et qui fait tant horreur aux planificateurs de tous bords.

Par Stéphane Montabert, depuis Renens, Suisse.

Acropole, Athènes
Pas plus tard qu’en février, l’Union européenne – jamais à court d’absurdités – pondait, après d’âpres négociations, un plan merveilleux censé ramener la Grèce dans les clous à l’horizon 2020, en cherchant à ramener la Grèce à un endettement soutenable de 120,5% du PIB.

Le plan infaillible et millimétré sur huit ans aura tenu un peu moins de trois mois.

À qui la faute ? Sans doute à cette vilaine démocratie dont la Grèce s’embarrasse encore, et qui fait tant horreur aux planificateurs de tous bords.

Il faut dire que la constitution grecque n’aide guère à prédire l’avenir. Sur les 300 députés que compte le parlement, seuls 250 sont élus au scrutin proportionnel. 50 sièges sont attribués d’office au vainqueur de l’élection pour l’aider à constituer une majorité. Si on comprend la logique du mécanisme dans une optique de bipartisme, ses faiblesses sont évidentes quand l’écart entre les prétendants est faible, comme aujourd’hui.

Alexis Tsipras, chef du parti d’extrême-gauche Syriza, a su jouer habilement de ces règles. Arrivé deuxième lors des élections du mois de mai, il suivait le vainqueur Nouvelle Démocratie dans un mouchoir de poche. L’élan étant en sa faveur, il a eu beau jeu de refuser toute participation au gouvernement pour forcer de nouvelles élections : il suffirait à Syriza de progresser de quelques pourcents pour faire main basse sur plus d’un tiers du parlement. Rien ne dit pourtant que la nouvelle assemblée sera plus stable que l’ancienne.

Les nouvelles élections législatives du 17 juin laissent donc planer une bonne dose d’incertitude. Pendant plusieurs semaines, le plan de M. Tsipras semblait se dérouler à merveille ; mais tout à fait récemment, un sondage à contre-courant a redonné la « droite traditionnelle » en tête. Les bourses du monde, jamais à court de plans sur la comète, se sont empressées de rebondir. Quelle légèreté ! Même à supposer que Nouvelle Démocratie l’emporte, ce ne sera jamais qu’une nouvelle mouture du parlement sorti des urnes en mai, donnant une assemblée ingouvernable.

L’incertitude ne s’arrête pas aux élections grecques. La zone euro toute entière ne semble plus savoir sur quel pied danser. Un jour, un haut responsable explique que la zone euro peut supporter une sortie de la Grèce, un autre, que la même sortie serait une catastrophe. Un jour, on explique que les banques supporteraient sans trop de mal le retour de la Drachme – voire qu’elles s’y préparent déjà - et un autre, que le système financier n’y résisterait pas.

C’est le chaos (du grec ancien Χαος / Khaos).

Gageons que nous en saurons un peu plus le soir du 17 juin. Il faut se dépêcher de solder le problème grec d’une façon ou d’une autre, l’Espagne est sur les rangs pour reprendre le flambeau de la crise.

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Mais Mme Christine Lagarde vient peut-être de tuer le suspense.

La brillante directrice du Fonds Monétaire International a ainsi expliqué dans les colonnes du Guardian que les problèmes de la Grèce seraient résolus « s’ils s’entraidaient collectivement, en payant tous leurs impôts » et, grosso-modo, que le sort des Grecs ne l’émouvait guère. Eh oui, c’est tout simple, un petit bulletin de versement de 30.000 € par personne hop, la Grèce règle ses créanciers rubis sur l’ongle ! Qui n’a pas cette somme en poche, franchement ?

De la part d’une fonctionnaire internationale touchant plus de 380.000 € annuels, nets d’impôt comme il se doit, on arrive presque à comprendre son point de vue…

Si Christine Lagarde avait voulu donner un petit coup de fouet au parti d’extrême-gauche Syriza, elle ne s’y serait pas pris autrement. Une petite vexation bien sentie à l’égard des Grecs, juste avant des élections cruciales, c’était habile pour obtenir une rupture bien nette entre la Grèce et le reste de la zone euro.

Si c’était fait exprès, c’est un coup de maître.

Mais était-ce volontaire ?

Quelques soupçons subsistent, à cause de longue tradition de déclarations judicieuses de la présidente. Mme Lagarde était convaincue en 2010 que la France allait conserver sa note AAA. En janvier 2011, elle déclarait : « L’euro a franchi le cap, et la zone euro a désormais le pire de la crise de la dette derrière elle. » Et bien sûr chacun gardera à l’esprit sa brillante expression « tous les clignotants sont au vert », ou son cri du cœur « utilisons les bicyclettes ! » en réaction à la hausse du prix de l’essence…

C’est tout le problème des questions qui touchent à la monnaie unique : il n’est pas possible d’exclure entièrement l’hypothèse de l’incompétence.

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