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L’état de la France : la France malade de l’État

Publié le 31 mai 2012 par Copeau @Contrepoints

Le nouveau gouvernement voit le salut dans plus d’État, de prélèvements, d’impôts, de dépenses, de réglementations, d’interventions. Pour soigner un pays malade de l’État, il y a mieux à faire que d’en élargir le pouvoir. Étrange médecine, vraie sorcellerie.
Par Jean-Yves Naudet.
Publié en collaboration avec l’aleps.

L’état de la France : la France malade de l’État

Nous voici à mi-chemin entre présidentielles et législatives. La nouvelle majorité est en place, les premières décisions ont été annoncées par le gouvernement, et le pouvoir attend d’être confirmé dans les urnes, tandis que l’opposition mise sur une cohabitation.

Quels que soient le résultat et le gouvernement qui sortira des urnes, le même ou un autre, la réalité économique s’imposera à lui et elle n’est pas bonne. L’état de la France est alarmant. Pour l’améliorer, il faut poser le bon diagnostic : la France est malade de l’État.

Croissance zéro

L’économie française va mal ; elle n’est pas la seule, mais cela n’est pas une consolation. La maladie des autres ne nous guérit pas pour autant ; mais beaucoup de nos partenaires se sont lancés dans des réformes, alors que nous persévérons dans l’erreur.

La récession est à nos portes. Les prévisions de la Commission européenne ne sont guère optimistes : le PIB progresserait en 2012 de 0,5% seulement et en 2013 de 1,3%. Évidemment, c’est mieux que la Grèce (-4,7%), le Portugal (-3,3%), l’Espagne (-1,8%) ou l’Italie (-1,4%). Mais on peut douter que ce soit pour nous des modèles et ce qui compte, c’est d’abord notre principal partenaire et concurrent : l’Allemagne, pour laquelle la Commission annonce 0,7% en 2012 et 1,7% en 2013 : c’est mieux que nous.

Certes, nous ne sommes qu’aux portes de la récession puisque, au sens strict et pour les statisticiens, elle n’existe que si la croissance du PIB est négative pendant deux trimestres consécutifs. Mais les résultats trimestriels ne sont pas glorieux. Après avoir augmenté de 0,9% au premier trimestre 2011 (on nous disait alors qu’on allait être les champions de la croissance), le PIB est resté stable au second trimestre (0% de hausse), puis + 0,3% au troisième et + 0,1% au quatrième trimestre. Les chiffres du premier trimestre 2012 annoncent à nouveau une croissance zéro. Avec respectivement 0,1% et 0% pour les deux derniers trimestres, la récession n’est pas loin. Surtout lorsqu’on apprend qu’au même premier trimestre, le PIB allemand a progressé de 0,5% : l’écart franco-allemand s’accroît.

Recul des investissements et hausse du chômage

La croissance n’est pas le seul indicateur d’une situation économique. Un détail fourni par l’INSEE pour le premier trimestre 2012 est inquiétant ; c’est le recul de 1,4% des investissements des entreprises. Or, l’investissement prépare l’avenir ; c’est la base de la croissance future des entreprises et de l’emploi. Le recul des investissements s’accompagne de celui de la consommation, en berne (+ 0,2% seulement). Et l’on consomme de plus en plus de produits étrangers : les importations sont en hausse sensible (+ 0,7%), alors que les exportations n’augmentent que de 0,3%. Cela confirme que la compétitivité des entreprises françaises, faute d’investissements suffisants, et sous le poids de charges et réglementations intolérables est en déclin permanent : la croissance n’est pas pour demain.

Certains ont prétendu que l’inflation était sous contrôle, et que la déflation menaçait, ce qui les autorisait à justifier toutes les fantaisies en termes de relance monétaire ou de monétarisation de la dette. Or l’inflation est restée soutenue : 2,3% en 2011 et elle devrait être encore de 2,1% en 2012. Non seulement le pouvoir d’achat s’en ressent, mais l’efficacité économique aussi, car l’inflation perturbe le mécanisme des prix relatifs en brouillant l’information dont les acteurs économiques ont besoin.

Enfin et non le moindre, le chômage atteint ,selon les informations de l’OCDE du 15 mai, 10% de la population active, contre 8,2% pour l’ensemble de l’OCDE, ainsi qu’aux États-Unis, et 5,6% en Allemagne. Certes, l’Espagne en est à 24,1%, mais est-ce la référence ?

Dette publique et record des dépenses publiques

Comment en est-on arrivé à cet état alarmant ? On connaît, pour les avoir souvent évoquées ici même, les origines de la crise mondiale. Les États-Unis en ont été le foyer, avec les subprimes et la politique monétaire laxiste. Puis, face à la crise financière de 2008, le laxisme des politiques budgétaires des États s’est généralisé dans tous les pays, car ils ont appliqué de manière pavlovienne la recette keynésienne de la relance. Le résultat est connu : la crise des dettes souveraines en Europe, qui menace, au-delà de la caricature grecque, presque tous les États et l’euro lui-même. Maintenant s’amorce en Europe une relance monétaire, de nature à fragiliser le système, et non pas à relancer l’économie ; tout au contraire : le keynésianisme et l’omniprésence de l’État conduisent à la récession et à l’explosion du chômage.

Pourquoi la situation est-elle plus grave en France que chez certains de nos partenaires ? C’est qu’avant même 2008 les gouvernements français avaient installé un déficit durable, structurel : le dernier budget à l’équilibre remonte à 1974. En 2012, le déficit budgétaire devrait être encore d’au moins 4,5%, sans compter les effets des nouvelles mesures gouvernementales. La dette publique continue à progresser et va dépasser les 90% du PIB.

Pourtant, il aurait été possible de redresser la situation. L’Allemagne a assaini ses finances publiques et le déficit a quasi-disparu (1% seulement). Si la situation française est si compromise, c’est que les réformes nécessaires n’ont pas été faites. En revanche, certains de nos voisins les ont réalisées à temps (réformes du marché du travail en Allemagne) ou sont en train de les mettre en œuvre (réformes de la concurrence et du marché du travail, comme en Italie).

L’État, cause de la maladie, est utilisé comme remède !

La France est malade de l’État. Avec 56% du PIB nous sommes champions d’Europe des dépenses publiques, et nous avons 10 points de plus que l’Allemagne. Les prélèvements obligatoires ont encore augmenté et sont parmi les plus élevés (47 % du PIB). Nous devrions donc couper dans les dépenses publiques et les prélèvements, et couper plus que les autres. Le programme du nouveau Président ne va pas dans ce sens.

L’État, ce n’est pas seulement l’argent, c’est aussi le cadre juridique qu’il a imposé. Les difficultés du marché du travail viennent de rigidités crées par l’État : SMIC, durée du travail, CDD et CDI, représentation syndicale.

C’est l’État qui freine ou fausse la concurrence, dans les services publics (dont le gouvernement défend les monopoles) ou dans les professions fermées, que nous maintenons dans un combat d’arrière-garde. L’État, c’est encore des entreprises publiques et des participations, directes ou via la Caisse des dépôts, puissance financière inefficace et incontrôlée, que le nouveau pouvoir projette de doubler d’une banque publique des PME.

Le précédent gouvernement n’a pas vraiment réduit le rôle de l’État ; le nouveau gouvernement voit le salut dans plus d’État, de prélèvements, d’impôts, de dépenses, de réglementations, d’interventions. Pour soigner un pays malade de l’État, il y a mieux à faire que d’en élargir le pouvoir. Étrange médecine, vraie sorcellerie. À ce jeu, l’écart de la France avec les autres pays qui ont réformé et réforment ne cessera de se creuser. Ailleurs l’État recule pour laisser place à la liberté économique. Est-ce si difficile à faire ?

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