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[Critique] LA COLLINE A DES YEUX

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : The Hills Have Eyes

Note:

★
★
★
★
½

Origine : États-Unis
Réalisateur : Alexandre Aja
Distribution : Aaron Stanford, Ted Levine, Vinessa Shaw, Emilie de Ravin, Dan Byrd, Kathleen Quinlan, Robert Joy, Desmond Askew, Billy Drago…
Genre : Horreur/Remake
Date de sortie : 21 juin 2006

Le Pitch :
En route pour la Californie, une famille se retrouve coincée en plein désert à la suite d’un accident de voiture. Elle va bientôt devenir la proie d’une bande de mutants cannibales…

La Critique :
« Nous sommes ce que vous avez fait de nous ». Cette réplique lourde de sens, lancée par un mutant à la boite crânienne difforme, à l’une des victimes du film, illustre la volonté d’Alexandre Aja et de son co-scénariste Grégory Levasseur de ne pas enlever son propos premier à l’histoire. Un propos qui ne se prive pas pour dénoncer les erreurs de l’Amérique. Un pays qui se retrouve ici confronté à ses démons. Des démons qu’il a lui même fabriqué et qui réclament leur dû, dans le sang, les tripes et la violence. Un propos déjà présent dans le film original.

Car La Colline a des yeux est un remake. Celui du film éponyme réalisé par un Wes Craven débutant en 1977. Et La Colline a des yeux, premier du nom n’est pas spécialement un bon film. À vrai dire, quand on prend un peu de recul, on s’aperçoit que Craven est probablement l’un des rares cinéastes dont les films revisités par d’autres, débouchent sur des œuvres infiniment plus intéressantes. Exception faite du remake des Griffes de la Nuit qui est assez nul, alors que l’original est un petit bijou du genre. Cependant, si il est à peu près incontestable que La version de 1977 de La Colline a des yeux n’est pas un chef-d’œuvre, on ne peut que souligner l’efficacité de son redoutable pitch et la missive contre une Amérique réactionnaire et conquérante qu’il cache.

Une grande tradition pour les maitres de l’horreur qui, tel Craven et surtout Romero ou Carpenter, aimaient à cacher derrière les strangulations et les coups de pioche de violentes satires contre l’establishment et la société de consommation (entre autres sujets abordés).

Craven est donc plein de bonnes intentions en 1977 quand il réalise La Colline à des yeux. Gonflé par les bonnes notes de la critique et du public suite à son premier film, La Dernière Maison sur la Gauche (lui aussi revisité en 2009 et lui aussi inférieur à son remake), il n’exploite malheureusement pas tout le potentiel de son histoire. En 2006, Alexandre Aja, réalisateur français féru de gore et fils d’Alexandre Arcady, revient sur les lieux et revisite La Colline. Le résultat est sans appel : son remake est une tuerie. Au sens propre comme au figuré. Le pari est gagné haut la main et Craven -qui produit- est admiratif. À tel point qu’il décide, avec son fils, de lancer la suite, sans Aja et sans clairvoyance non plus. La Colline des yeux 2 est bourrin et sans grand intérêt. L’appât du gain, qui caractérise Papy Craven qui, ces dernières années, essaye de maintenir à flot une réputation en péril, en multipliant les tentatives mercantile, au détriment de la qualité…

En revisitant La Colline a des yeux, Alexandre Aja extirpe la moelle du film original tout en modifiant l’habillage. Les États-Unis en prennent toujours pour leur grade. Le frenchie met en scène la revanche des laissés pour compte, qui sous l’ombre de la bannière étoilée ont développé une rage destructrice sans précédent. Leur victime ? La parfaite petite famille nucléaire (c’est le cas de le dire). Le père, la mère, les enfants, le gendre, le bébé et les deux chiens fidèles. Tombés dans le berceau de l’immondice (un désert ravagé par les essais nucléaires de l’armée U.S.), les pauvres malheureux sont pris pour cible et ne bénéficient d’aucun traitement de faveur. Le film plonge rapidement dans l’horreur la plus sèche. Les mutants taillent dans le vif, souillant le symbole vedette de toute une nation. Un détail exacerbé par les opinions politiques du chef de famille, ancien flic jamais bien loin de son flingue et franchement tourné vers le parti républicain. Rajoutez à cela le petit drapeau attaché à la voiture et le tableau est éloquent.

Pour autant, la charge n’est pas sans contre-attaque. Un thème récurrent chez Craven qui avait déjà exploré le thème de la revanche sourde dans La Dernière Maison sur la Gauche. L’idée est puissante et donne lieu ici à quelques séquences outrancières et marquantes. La caméra d’Aja colle de près à l’action, s’attache à retranscrire l’horreur des situations et la violence des affrontements. Centré sur les corps déformés par la radioactivité de ces monstres assoiffés de sang autant que sur les yeux déterminés des survivants, bien décidés à ne pas se laisser faire, l’objectif d’Aja virevolte. La mise en scène est souvent virtuose, surtout lors d’un dernier tiers impressionnant de sauvagerie.

Résolument vintage dans son approche mais très moderne dans certains de ses effets (les maquillages sont bluffants et les effets gores plus vrais que nature), La Colline a des yeux version 2006 respecte aussi son modèle, aussi imparfait soit-il. En gommant les défauts de son ainé, ce remake ne perd jamais de vue la substance de ce dernier. Plutôt primaire et simple dans son développement, il illustre le talent d’un cinéaste sûr de lui et passionné par son sujet. En revisitant Craven, Aja a bien compris qu’il ne fallait pas se planter. Il attaque frontalement son sujet, ne cherche pas à éviter les clichés, qui dans le genre horreur s’apparentent plutôt à des effets de style, et offre un nouveau classique aux fans.

Six ans après sa sortie en salle, La Colline a des yeux s’impose plus que jamais comme l’un des sommets du cinéma d’épouvante. Sans concession, parfaitement à l’aise avec ses références, il fait le pont entre deux générations unies par la sincérité de leur démarche.

Depuis, Aja continue sa route. Après un sympathique Mirrors (un remake), un jubilatoire Piranha 3D (vrai/faux remake) et une adaptation du manga Cobra en projet, le réalisateur est une valeur sûre. Le défenseur d’un cinéma cohérent, dépourvu de cynisme et jusqu’au-boutiste. Pourvu que ça dure…

@ Gilles Rolland

Crédits photos : Fox Searchlight


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