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Budget: l'heure des comptes a sonné... pour Fillon

Publié le 06 juin 2012 par Juan
Budget: l'heure des comptes a sonné... pour Fillon François Fillon avait attendu les dernières mois du mandat de son patron pour commander à l'Inspection Générale des Finances un rapport sur la maîtrise des dépenses publiques d'ici à 2017. Il n'y avait pas de fatalité au politiquement correct de la finance, fut-elle d'Etat. Pourtant, ce lundi, il y avait encore deux inspecteurs des finances pour nous prédire le pire. 
Pourquoi avoir tant tardé ? On peut penser que le premier ministre fut content de son coup: si Nicolas Sarkozy gagnait finalement le scrutin présidentiel, ce rapport aurait joué contre un garde-fou contre son ancien mentor si dispendieux depuis 2007. Si Sarkozy perdait - ce qui fut le cas - ce serait toujours bon à prendre pour tenter de coincer le gouvernement de son successeur pendant la campagne législatives.
Lundi 4 juin, le rapport a donc fuité. Le quotidien économique Les Echos en a publié les grandes lignes. Depuis le 6 mai, tous les éditocrates répétaient à souhait que François Hollande serait obligé de rompre ses promesses.  S'étaient-ils inquiétés des inepties délivrées par l'ancien Monarque ? Pas tant que cela. Pour un peu, le nouveau président était tenu responsable du bilan de son prédécesseur!
Sarkozy avait été plombé par sa personnalité et son bilan.
Que préconisait le fabuleux rapport ?
A en croire les Echos, les deux inspecteurs auteurs du rapport n'évoquaient que des économies, pas grand chose en matière de justice fiscale: « Tous les scénarios étudiés sur la croissance et la répartition de l'effort entre dépenses et recettes conduisent à la nécessité d'engager d'importantes réductions des dépenses de l'Etat sur la durée de la prochaine mandature. » Car ils avaient des certitudes: « Une trajectoire de retour à l'équilibre qui reposerait essentiellement sur une hausse des recettes [...] singulariserait la France et serait contradictoire avec les efforts visant à améliorer la compétitivité de son économie et le pouvoir d'achat des ménages. »
1. Première idée, supprimer 2 postes sur 3 de fonctionnaires partant à la retraite génèreraient 900 millions d'euros d'euros. Nous sommes curieux du rapport. En réduisant de 100.000 le nombre de fonctionnaires de 2007 à 2010, Nicolas Sarkozy avait augmenté de 100.000 le nombre de précaires sur la même période...
2. Seconde proposition, rompre avec l'idée sarkozyenne de reverser une grosse moitié des économies générées par les suppressions de postes en augmentations de salaires. Les inspecteurs recommandent de geler les augmentations générales de la fonction publique (510 millions d'euros d'économies), et de limiter voire le gel des augmentations catégorielles (550 millions).
3. Les inspecteurs proposent aussi de durcir un peu plus les conditions de départs en retraite et de geler les pensions des fonctionnaires pour générer au moins 700 millions par an.
4. Sans aucun chiffrage précis, les inspecteurs proposent 2,5% d'économies supplémentaires sur les 20 milliards d'euros de dépenses de fonctionnement des services de l'Etat (soit 800 millions d'euros par an). Cette propension à assimiler les frais de fonctionnement à des dépenses superflues est toujours quelque peu surréaliste et subjective.
5. L'IGF recommande de réduire les dépenses d'intervention, un large périmètre qui regroupe les dispositifs sociaux automatiques (Allocation adulte handicapé pour 7,5 milliards d'euros par an; aides au logement pour 5,6 milliards; retraites de la SNCF pour 3,4 miliards; prestations aux anciens combattants pour 3 milliards; bourses aux étudiants pour 1,7 milliards) et les subventions qualifiées de dépenses «discrétionnaires» (Dotations à Réseau Ferré de France pour 2,6 milliards; contrats aidés pour 1,8 milliards; assistance éducative pour 1,5 milliards; Fonds européen de développement pour 900 millions; hébergement d'urgence pour 600 millions): « L'examen attentif de ces dépenses ne peut plus être différé ». L'IGF reconnaît que la lutte contre la fraude a un « rendement faible », un autre totem sarkozyen désavoué bien rapidement. Elle propose plutôt de désindexer ces aides de l'inflation (600 millions d'euros d'économies). L'IGF propose aussi de supprimer purement et simplement certaines aides après, évidemment, une évaluation: «  il serait utile de conduire des travaux d'évaluation des politiques d'intervention sur l'ensemble des administrations publiques dans un périmètre comprenant à la fois les dépenses budgétaires et fiscales. »
Mais de quoi parle-t-on ? . Côté subventions : après les dotations à Réseau Ferré de France (2,6 milliards), viennent les contrats aidés (1,8), l'assistance éducative (1,5), le Fonds européen de développement (0,9) et l'hébergement d'urgence (0,6).
6. L'IGF aimerait que les opérateurs de l'Etat réduisent la progression de leur masse salariale à 1,5% par an (700 millions d'euros d'économies par an). Nicolas Sarkozy n'avait pas osé. De quoi parle-t-on ? Pôle emploi, Météo France, le CNRS, le CEA, l'Anru, les universités, les musées, etc... 
Que fera Hollande ?
Les deux auteurs s'appelaient Jean-Michel Charpin et Martine Marigeaud. Le premier avait été directeur de cabinet d'un ministre socialiste à l'aube des années 80. Puis il avait filé à BNP Paribas avant de revenir dans la fonction publique, à la direction de l'INSEE. La seconde émarge à la direction de l'administration centrale et fut nommé en 2010 au Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat.
Le nouveau ministre des Finances, Pierre Moscovici, n'a pas attendu le cadeau de Fillon pour expliquer à Bruxelles que la France parviendrait à ramener son déficit public à 3% en 2013 « sans mesure d'austérité ». Il fallait évidemment que François Hollande obtienne la majorité parlementaire nécessaire. On se souvenait qu'en 2007, à peine élu, Nicolas Sarkozy s'était précipité à Bruxelles pour prévenir que la Sarkofrance ne respecterait pas les engagements d'équilibre en 2013. Et ce, avant même le déclenchement de la Grande Crise. L'Amérique sombrait déjà, avec la crise des subprimes. Mais la Sarkofrance hypothéquait notre avenir, sans gêne ni souci.
Lundi, François Hollande avait préféré recevoir les représentants des salariés de Florange. Et l'intersyndicale a salué les efforts du nouveau gouvernement. Pour celles et ceux heurtées par les mensonges puis les outrances de l'ancien Monarque, le résultat de cette première rencontre faisaient plaisir. Rien n'était gagné, mais l'échange était là et réel.
Sur le rapport de l'IGF, Martine Aubry réclama, au nom du PS, que des impôts complémentaires sur les plus riches, et pas seulement des réductions de dépenses, soient envisagées: « Le rapport nous explique qu'il faut réduire les déficits publics uniquement en réduisant les dépenses. Nous, nous pensons qu'il y a d'énormes marges de manœuvre en faisant rentrer des impôts complémentaires. (…) Donc, il y a d'autres moyens de réduire les dépenses. Bien sûr, il faut bien gérer. Mais il faut d'abord faire entrer des impôts complémentaires. »
Il n'en fallait pas davantage pour que l'UMP caricature la formule. «Aubry vend la mèche» titrait-elle l'un de ses communiqués dès mardi. Les « impôts complémentaires » devenaient « augmentation massive ». Notez la finesse de l'argumentation dans la bouche de François Fillon: « Martine Aubry a vendu la mèche: elle a affirmé le souhait du PS d'augmenter massivement les impôts et de ne pas réduire les dépenses ! ». C'était mensonger, mais habituel. Le directeur du Figaro, Etienne Mougeotte, s'était quand même déplacé pour interviewer le futur patron de l'UMP.
Gilles Carrez, l'ancien rapporteur UMP du Budget, accusait : « un mois de décisions socialistes, c'est 20 milliards de dépenses publiques supplémentaires d'ici cinq ans, soit l'équivalent de 1 % de la richesse nationale ».
Tous en coeur, à l'UMP, criaient que le gouvernement n'avait présenté aucune mesure d'économie. La ficelle était grosse car le programme de Hollande était connu. Primo, ils n'avaient eux-même aucune proposition concrète. A l'exception du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite (mesure qui ne générait qu'une grosse centaine de millions d'euros par an à cause des revalorisations de rémunérations publiques), l'UMP était toute aussi floue sur ses propres mesures d'économies ! A minima, Fillon expliqua qu'il fallait réduire « les dépenses sociales », car « c'est un combat pour la survie de l'économie française ». Lesquelles ? On ne savait pas. Même Sarkozy, pendant la campagne, n'avait jamais osé détailler sa grande austérité.
Secundo, personne n'avait oublié les deux hausses successives de la TVA (taux réduit puis taux général) du dernier gouvernement Sarkozy.
Finalement, François Fillon, lui, n'était plus là pour agir. Il pensait à l'après, à 2017 et à la tête de l'UMP. En attendant, il était devenu simple blogueur.


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