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La notion de sanction pénale en droit européen

Publié le 07 juin 2012 par Duncan

CJUE, 5 juin 2012, Bonda, C-489/10.

Dans cette affaire, la Cour était appelée à caractériser la sanction prévue à l'article 138 du Règlement 1973/2004 prévoyant un régime d'aide agricole.

Cet article prévoit en effet qu'un agriculteur qui a sciemment menti sur la superficie de son exploitation agricole afin d'obtenir une aide, celui-ci est privé de l'aide pour l'année en cours et (à certaines conditions détaillées dans le texte) pour les trois années suivantes. Or, le caractère "pénal" ou "administratif" de cette sanction est importante. En effet, dans l'affaire en cause, un agriculteur avait été puni, outre la sanction prévue à l'article 138, d'une peine d'emprisonnement (avec sursis) dans le cadre d'une procédure en fausse déclaration intentée contre lui et fondée sur le droit pénal national. Or, si la sanction prévue à l'article 138 a un caractère pénal, le principe non bis in idem s'oppose à ce que cet agriculteur soit puni deux fois pour le même fait. Par contre, si la sanction est administrative, rien ne s'oppose à ce que l'agriculteur soit pénalement sanctionné en vertu du droit national.

La Cour avait déjà considéré, dans plusieurs affaires antérieures, que des sanctions édictées par des réglementations de politique agricole commune telles que l’exclusion temporaire d’un opérateur économique du bénéfice d’un régime d’aides n’ont pas un caractère pénal (Voir déjà, une affaire de 1987 Maizena).

La nouveauté, dans l'affaire Bonda, est que la Cour effectue une évaluation du caractère pénale de la sanction à l'aune de la jurisprudence de la CEDH, marquant l'imbrication de plus en plus étroite entre ces deux ordres juridiques. La CJUE rappelle que trois critères sont exigés par la CEDH afin d'identifier une sanction pénale: "le premier est la qualification juridique de l’infraction en droit interne, le deuxième la nature même de l’infraction et le troisième la nature et le degré de sévérité de la sanction que risque de subir l’intéressé" (point 37):

  1. "S’agissant du premier critère, il importe de relever que les mesures prévues à l’article 138, paragraphe 1, du règlement n° 1973/2004 ne sont pas considérées comme étant de nature pénale par le droit de l’Union, lequel doit en l’occurrence être assimilé au «droit interne» au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme" (point 38).
  2. Ensuite, "la finalité de ces mesures n’est pas répressive, mais consiste, pour l’essentiel, à protéger la gestion des fonds de l’Union par l’exclusion temporaire d’un bénéficiaire ayant fait des déclarations inexactes dans sa demande d’aide" (point 40).
  3. Enfin, "il y a lieu de relever (...) que les sanctions prévues à l’article 138 (...) ont pour seul effet de priver l’agriculteur concerné de la perspective d’obtenir une aide" (point 43).

Dès lors, "les caractéristiques des sanctions prévues à l’article 138 (...) ne permettent pas de considérer qu’elles doivent être qualifiées de sanctions de nature pénale" (point 45).


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