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Cannabis : Cécile Duflot, gaffeuse en chef ou nouvelle héroïne de la permissivité ?

Publié le 07 juin 2012 par Sylvainrakotoarison

Les socialistes sont-ils si masochistes que cela pour avoir remis peut-être la clef de leur destin à un particule de dogmatiques qui ne représentent même pas un million de personnes ?

yartiDuflotCann01Il est des sujets polémiques qui peuvent faire diversion mais aussi qui peuvent être révélateurs et même cruels, faisant office parfois de boomerang.

Le mardi 5 juin 2012, Cécile Duflot vient en effet de réaffirmer sa position en faveur de la légalisation du cannabis. La nouvelle Ministre de l’Égalité des Territoires et du Logement aurait-elle oublié qu’elle est désormais ministre de la République ? Serait-elle la nouvelle Borloo du gouvernement Ayrault ?

Des gaffes et des dégâts…

L’important Ministre de l’Économie et des Finances Jean-Louis Borloo du premier gouvernement de François Fillon avait alors envisagé publiquement l’introduction de la TVA sociale lors de la campagne des élections législatives de juin 2007 (répondant à une question de Laurent Fabius).

Selon certains spécialistes électoraux, cette tirade aurait entraîné l’échec d’une cinquantaine de candidats UMP dans leur circonscription. Jean-Louis Borloo a dû déménager de Bercy après seulement quatre semaines d’exercice (un peu à la manière d’Alain Madelin le 26 août 1995) et …après bien des hésitations élyséennes, la TVA sociale fut finalement décidée par Nicolas Sarkozy le 29 janvier 2012, à quelques semaines de l’élection présidentielle (applicable le 1er octobre 2012).

Ou alors, Cécile Duflot ne ferait-elle que quatre semaines au gouvernement, une trajectoire d’étoile filante comme en son temps, le célèbre cancérologue Léon Schwartzenberg (1923-2003) débarqué le 7 juillet 1988 du deuxième gouvernement de Michel Rocard après seulement neuf jours d’exercice (record de brièveté, plus court que JJSS) parce qu’il avait justement réaffirmé sa position en faveur de la légalisation du cannabis (l’histoire bégaye !).

La différence entre Cécile Duflot et Jean-Louis Borloo ou entre elle et Léon Schwartzenberg, c’est que ce sujet ne concerne a priori pas ses actuelles attributions ministérielles. Mais cette confirmation de la position de l’écologiste est assez étrange autant sur la forme que sur le fond.

Ingratitudes écologistes

Sur la forme, la solidarité gouvernementale en prend un coup, et surtout la loyauté vis-à-vis du Président de la République François Hollande qui avait clairement prévenu qu’il était contre toute légalisation du cannabis lors du premier débat de la primaire socialiste le 15 septembre 2011.

Il y a même une certaine ingratitude politique quasi-permanente chez les apparatchiks de EELV. Pourquoi les socialistes se sont-ils autant abaissés à faire de ce groupuscule un parti parlementaire de première importance alors que sans le PS, les écologistes ne seraient rien électoralement ? Les 16,3% du 7 juin 2009 sont déjà très loin et se sont évaporés. Ils ne représentent que huit cent mille électeurs français, soit seulement quatre fois plus que le très faible nombre de voix de Ségolène Royal à la primaire socialiste !
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Tous les sénateurs écologistes de septembre 2011 ont été élus uniquement sur les consignes locales du PS (cela a d’ailleurs suscité de nombreuses dissidences dans ses rangs) et l’existence même du groupe présidé par Jean-Vincent Placé n’est due qu’au bon vouloir de la nouvelle majorité socialiste du Sénat.

Les projections disent qu’il pourrait y avoir une vingtaine de députés écologistes élus le soir du 17 juin 2012 (il en faut quinze pour constituer un groupe), mais ceux-là ne devraient leur élection qu’à un accord inconsidérément favorable aux écologistes.

De même, l’entrée de deux écologistes au sein du gouvernement (ils avaient pourtant voulu à l’origine s’imposer à quatre !) ne reflète pas la réalité politique du pays ni la volonté populaire.

C’est très cher payé pour que le Président socialiste puisse montrer une petite devanture écolo à la face du peuple.

Candeur excessive face aux caïds

Sur le fond, le sujet n’a jamais cessé de polluer le débat politique depuis plusieurs décennies et je salue la position très sage de François Hollande, capable d’ailleurs de dire non à l’un de ses plus proches amis (François Rebsamen, pressenti aussi place Beauvau et président du groupe PS au Sénat, peut-être candidat à la succession de Martine Aubry à la tête du PS dans quelques mois, après avoir été son numéro deux lorsque François Hollande en était le premier secrétaire, avait déclaré qu’il était favorable à la dépénalisation du cannabis).

Vouloir dépénaliser le cannabis est une idée qui part sans doute d’un bon sentiment, mais aussi d’une grande naïveté. Celle de vouloir réduire la criminalité causée par le trafic de cannabis. Celle aussi de remarquer que le cannabis n’est pas plus nocif pour la santé que le tabac et l’alcool (c’est vrai, mais pas moins nocif non plus).

Pourtant, pourquoi des pays très libéraux comme les Pays-Bas (la Hollande !) commencent-ils à revenir sur cette dépénalisation ? Pourquoi cette mesure est-elle complètement déconnectée de la réalité ?

Parce qu’une drogue douce n’est qu’une entrée pour les drogues dures. Parce qu’il n’y a pas de "douceur" quand son enfant est drogué et que cela condamne toute autorité parentale et tout discours qui ne serait pas permissif. Parce que les trafics continueront et se renforcement avec des drogues encore plus dures. Parce qu’il n’y aura jamais de seuil dans l’interdit. Parce qu’on ne résout pas la délinquance en changeant la définition des délits et des crimes. Parce qu’il y a déjà assez de morts, assez de destructions de la santé et des vies, avec les "drogues légales" (alcool et tabac) pour vouloir encourager la consommation d’une troisième.

Le double langage ou les euphémismes, nouvelle gouvernance ?

Le chaud et froid du gouvernement, qui est également une méthode de gouvernement très habile pour éviter les mots qui fâchent, que ce soit sur l’euthanasie active (lire à ce sujet cet excellent article) ou que ce soit sur le futur collectif budgétaire de juillet 2012 où seront annoncées des hausses d’impôts non seulement pour les plus riches mais pour les classes moyennes (ah bon ? On n’en parle pas pendant la campagne ? Mais le plan est déjà bouclé à Bercy, il faut bien trouver les milliards qui manquent, avis aux bisounours !), rend sa position assez floue sur le sujet du cannabis : soit Cécile Duflot renonce publiquement à cette mesure par solidarité politique, soit elle démissionne, mais je ne vois pas comment un gouvernement efficace et uni pourrait accepter en son sein un membre qui irait dans le sens opposé.

À la baisse ?

Nul doute que cette polémique va coûter chèrement des voix à l’éventuelle future majorité de gauche, et ce sera tant mieux.

Si les socialistes n’obtenaient pas de majorité absolue dans la nouvelle Assemblée Nationale sans l’appoint des écologistes, ils l’auraient bien mérité, mais cela signifierait aussi qu’un parti qui ne représente que 2,3% des suffrages exprimés (score d’Eva Joly le 22 avril 2012) serait capable de dicter ses directives à une majorité des citoyens de ce pays.

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (7 juin 2012)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Cécile Duflot et la présidentielle.
Les écopastèques et leur stratégie.
Nicolas Hulot.
Daniel Cohn-Bendit.
Jean-Vincent Placé au Sénat.
Eva Joly.
Le flou hollandais.
Gouvernement Ayrault I.
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