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Affreux gauchistes

Publié le 08 juin 2012 par Toulouseweb
Affreux gauchistesPropos « déplacés » d’un écologiste.
Faut-il vraiment prendre le temps d’en parler ? Oui, par principe. Le sénateur EELV (Europe Ecologie-Les Verts) Jean-Vincent Placé estime qu’il serait possible de réaliser des économies sur le budget de la Défense. Et, comme tout homme politique en verve, il formule lui-même questions et réponses, estimant qu’il y a un tabou en France : dès qu’on évoque l’idée de réduire les dépenses militaires, «on passe pour un affreux gauchiste». Cette remarque acerbe étant agrémentée d’une suggestion iconoclaste, à savoir que l’heure est sans doute venue de renoncer à la force de dissuasion nucléaire, d’un coût annuel, dit le président du groupe des écologistes au sénat, de quatre milliards et demi d’euros.
Ces propos …déplacés n’ont tout simplement pas de sens. Si ce n’est de nous rappeler que les politiques n’hésitent jamais à se projeter bien au-delà de leur seuil d’incompétence, souvent en faisant au passage des dégâts importants. Jean-Vincent Placé, récemment sorti de l’ombre et sans doute en train de se placer pour l’avenir, est membre du groupe d’études sur l’économie agricole alimentaire et de la trufficulture. Une tâche tout à fait respectable mais qui ne produit aucune compétence en matière de Défense, de coopération industrielle dans les grands programmes. Et encore moins à propos du nouveau Livre Blanc dont la préparation va être entamée prochainement.
De toute manière, François Hollande a déjà indiqué clairement que les deux composantes de la dissuasion nucléaire seront maintenues. Et son ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a déclaré que les moyens militaires de l’avenir ne seront pas examinés en termes purement comptables. D’entrée, les supposés affreux gauchistes de Placé sont ainsi décrédibilisés. Surtout quand il souligne que la France et le Royaume-Uni représentent à eux seuls la moitié des dépenses totales de Défense de l’Europe. C’est exact mais sans être un argument en faveur ou contre l’une ou l’autre thèse.
On dira à Jean-Vincent placé qu’il surestime le coût de la dissuasion française, qu’elle n’a jamais atteint les 4 milliards d’euros annuels et que son budget tend à décroître. Mais aborder la question sous cet angle relève d’une grande mesquinerie : cette force nucléaire constitue un symbole fort du statut de grande puissance qui reste celui de la France et inspire le respect. Cela dans un monde qui reste passablement agité, voire menaçant et qui suppose de rester sur ses gardes tout en cherchant à en imposer à «ceux d’en face».
Par ailleurs, EELV n’est visiblement pas dans la course quand sont évoquées les retombées économiques et industrielles de la Défense, autrement plus importantes, davantage porteuses de technologie que les éoliennes. Et, pour ce qui est de la coopération européenne, malgré quelques ratés et des lenteurs, on renverra notre pourfendeur d’affreux gauchistes à l’A400M, aux missiles de MBDA, au démonstrateur Neuron, etc.
Bien sûr, tout cela n’est pas sérieux. Mieux vaudrait se référer à la doctrine, rappeler que «la dissuasion nucléaire est au cœur des moyens qui permettent à la France d’affirmer le principe d’autonomie stratégique, dont découle notre politique de Défense». Et c’est aussi un facteur important de stabilité internationale qui prend tout son sens à l’évocation inquiète de l’actuelle prolifération nucléaire au cœur de ce qu’il est convenu d’appeler, en géopolitique, les zones grises. Dès lors, on renverra gentiment Jean-Vincent Placé à la trufficulture. Laquelle ne l’empêchera évidemment pas de demeurer un sénateur très sympathique.
Pierre Sparaco - AeroMorning

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