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Le passage entre deux mondes

Publié le 10 juin 2012 par Consultrade

Le passage entre deux mondesLe hasard existe-t-il ? En tous cas, une fois de plus, une lecture me tombe sous les yeux au moment où je suis confronté à la question dans une de mes missions actuelles.
La question qui se pose à mon client avec beaucoup d’acuité est celle de l’organisation qui permettra de relever le « challenge » qui se pose à lui :
croître comme il ne l’a jamais fait sous la pression double de ses clients et de son groupe plus exigeants que jamais.

Au-delà des mots à la mode (challenge !), le problème est réel : des investissements ont été faits sur promesse au groupe de réussir le passage et de produire un ROI dans les objectifs.

La lecture en question est celle d’un article en Français paru dans le « Luxemburger Wort » (majoritairement écrit en Allemand) du samedi 2 juin signé par Jean-Claude Tescari. Il s’intitule « 2012 : le passage entre deux mondes ».

Le journaliste constate l’accélération des événements mondiaux en tous genres. Il ne s’intéresse pas aux raisons qui les ont générés mais aux façons dont les uns et les autres (nous tous quoi) abordent ces changements qui restent douloureux quoi qu’il en soit.

3 groupes de comportements :

Il distingue 3 groupes de comportements :
-   Ceux qui croient ou qui veulent croire à ce qu’il pensent être le bon chemin qui n’est en fait que la continuité de leur vie d’avant. Ils sont dans le déni et refusent la vérité. » Ils craignent « de perdre ce qui leur sert de sécurité (…) souvent d’ailleurs lié à l’argent et au pouvoir (…) des valeurs matérielles (…) images trompeuses, apparences et faux-semblants (…) Ceux-là vont finir par (…) s’écrouler en tombant de déchéance en déchéance de plus en plus vers ce qui va être leur perte, leur fin.
-    Ceux qui « ont conscience de tomber et qui n’ont plus la force de se relever, ou plus exactement qui ne savent pas comment s’en sortir et qui finissent par abandonner » souvent parce qu’ils n’ont pas été entendus malgré leurs cris. Certains se noient dans la suractivité-gesticulation.
-    Et les autres « ceux qui tombent et se consument complètement et qui consciemment ont accepté (…) la souffrance (…) d’aller jusqu’au bout pour pouvoir renaitre.

Changer de paradigme ?

Comme Jean-Claude Tescari, je constate l’accélération d’événements mondiaux en tous genres.

Nos modèles nés au XXème siècle sont remis en cause : le communisme est mort, le capitalisme nous plonge dans des crises à répétition, la mondialisation et les pays émergents changent la donne. Et nous sommes soumis à tout cela.

Mon propos n’est pas politique. Les raisons de ces changements m’intéressent moins que les façons que nous avons de vivre tout cela : comment abordons-nous les uns et les autres ce passage vers autre chose ?

Je vois aussi dans les entreprises que je traverse les trois groupes décrits dans le « Wort ».

Le passage est difficile, douloureux. Il n’est plus question de zone de confort dont nous devons sortir. Il faut aller bien au-delà.

Tous nos modèles, tous les points d’ancrage de notre culture professionnelle sont battus en brèche.
Dans un article précédent, j’ai parlé de changement de paradigme. Force est de constater que tous les décideurs, tous les managers n’en ont pas encore ressenti l’impérieuse nécessité.

Combat d’arrière-garde, découragement … Mais aussi réactions volontaires et salutaires

Les premiers sont très surs d’eux : « voilà comment marche le monde ! Ici c’est comme ça. D’ailleurs, ça j’ai toujours connu ça. J’ai raison. Je vais vous expliquer pourquoi vous avez tort ». Même les faits ne les ébranlent pas, les mauvais résultats qu’ils obtiennent, ni la contestation de ces affirmations péremptoires par ceux qui les entourent et vivent les mêmes événements qu’eux ni les décisions de leur organisation dont ils ne voient pas qu’elles déterminent d’autres directions que les leurs. Pour eux le monde est stable, immuable et prévisible.

Le second groupe, celui de ceux qui ont baissé les bras, est le plus gros. Ils sont pourtant convaincus que ça ne marche plus, et en tous cas plus comme « avant », sans pouvoir dire comment ça pourrait marcher. Pas de solution pour eux. Seulement de la souffrance devant l’impression d’effondrement progressif et inéluctable.

Ils ne demandent qu’à retrouver espoir mais comment ?

En tous cas, pas avec le premier groupe, celui des « moi j’ai raison », managers à la testostérone, « poussez-vous les gars, j’vais vous montrer. Y’a qu’à… ».

Ceux-là s’enferment sur eux-mêmes, s’enferrent dans des combats d’arrière-garde donc perdus d’avance, se durcissent et durcissent leurs positions.

Leurs échecs à répétition les confirment dans leurs convictions : « Tous ces cons autour de moi, qui ne voient pas que j’ai raison, qui ne veulent pas me suivre, empêchent mon succès et la révélation de ma vérité, de LA vérité ».

Avec cette frustration, ils fonctionnent soit par coups de sangs successifs, soit en arborant en permanence une tête de bouledogue prêts à mordre (pardon aux bouledogues !).

Le « j’ai raison discutons » s’isole de son entourage : pourquoi lui parler, il a raison

A la tête de la hiérarchie, ils créent un phénomène de crainte. Le sport est de ne rien dire qui fâche, de ne pas faire de bruit. Quand ils prennent une décision, pas de réelle opposition donc.

Ils ont toujours raison et se plaignent que leurs collaborateurs sont incapables et sans initiative. Cherchez l’erreur.

Aux niveaux intermédiaires, ils travaillent en opposition avec tous les autres.

La relation client-fournisseur c’est « j’ai raison discutons mais pas trop ».

Ils se débarrassent de leurs problèmes sur les autres en les accusant.

Ils ramènent leurs yaourts au supermarché quand ils ont dépassé la date limite parce qu’ils sont restés trop longtemps au frigo.

Management top-down, zéro écoute de leurs collaborateurs qui en parlent autour d’eux et voient leurs idées sans aboutissement.

Tous ne basculent pas dans le groupe des désemparés.

Certains sont seulement blasés et cherchent à survivre dans le système. Faut manger tous les jours. Aucun reproche à leur faire. La survie d’abord.

Ouvrir les yeux sur la situation réelle pour vraiment réagir et résoudre

Restent les autres. Ceux qui souffrent et se transforment. Ceux qui endurent les outrances des précédents et cherchent les interstices pour se faufiler, trouver un chemin vers la lumière. Ils alternent des moments de grande activité et de ras-le-bol sans pour autant baisser les bras.

Les désemparés ne s’y trompent pas et les regardent, les suivent dès qu’ils peuvent.

Sortir des routines, innover au quotidien pour bouger la masse, éviter les coups des bouledogues, construire la confiance autour d’eux, ne rien lâcher, revenir au terrain au contact des faits, traiter l’urgence mais sans oublier le plus long terme, les processus qui aboutissent au succès, coacher l’équipe, trouver les mots et l’énergie devant l’inacceptable, s’éloigner des fonctionnements des bouledogues, ne pas oublier pour autant leur autorité, refaire différemment, ajuster les décisions et les modes de fonctionnement, prendre du recul, essayer encore avec une différence pour parvenir au résultat, grignoter des centimètres, choisir ses cibles et ses combats, sortir et se méfier de la bien-pensance, la sienne, celle des autres englués dans le système.

Et ça marche. C’est long mais ça marche. Patience et longueur de temps. Le concept date de La Fontaine.

J’ai quitté les groupes pour ne pas vivre ça comme eux.

Je garde plus de force en restant à l’extérieur et en les épaulant. Plus de liberté de parole, pas d’enjeu de pouvoir, pas de pollution de mon énergie.

Elle est intacte pour eux. Je me nourris de la leur.

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