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Succès de l’austérité en Estonie

Publié le 12 juin 2012 par Copeau @Contrepoints

Pour les États-membres de l’UE et pour les États-Unis, l’Estonie constitue un modèle de pays ayant entrepris avec succès de réelles mesures d’austérités.

Par Daniel J. Mitchell, depuis les États-Unis.

Succès de l’austérité en EstonieJ’ai beaucoup d’affection pour l’Estonie, en partie parce qu’elle a été la première nation post-communiste à adopter la flat tax, mais aussi en raison des paysages remarquables du pays.

Plus récemment, j’ai vanté les mérites de l’Estonie pour sa mise en œuvre d’une véritable politique de réductions de dépenses (avec la Lettonie et la Lituanie, les deux autres pays baltes). J’ai fait valoir que l’Estonie a montré comment un État peut relancer la croissance par la réduction du fardeau étatique.

Sans surprise, certaines personnes ont contesté mon analyse. Dans le New York Times du 6 juin, Paul Krugman a critiqué l’Estonie : selon lui, l’économie baltique a souffert d’un ralentissement dû à la crise de 2008 et n’est seulement parvenu qu’à une « récupération incomplète » au cours des dernières années.

Il explique cette contre-performance par l’ « austérité ».

J’ai des points d’accord et de désaccord avec le billet de Krugman. Notre point de convergence est qu’il parle bien d’une nation qui a pratiqué des coupes budgétaires : il s’agit donc d’une réelle austérité pour le secteur public (cf. Veronique de Rugy dans les colonnes du Los Angeles Times pour comprendre la différence essentielle entre l’austérité du secteur public et l’austérité du secteur privé).

C’est le signe que Krugman progresse. Dans le passé, il a lancé une attaque ridicule contre le Royaume-Uni à propos d’un « recul de l’État » qui n’a jamais existé ; au moins, ce qu’il écrit au sujet de l’Estonie est fondé sur des faits réels.

Mon désaccord porte sur le fait que Krugman est coupable de bidouillage de données. Si vous regardez ci-dessous le graphique qui accompagne son billet, la performance économique de l’Estonie n’est pas très brillante, mais c’est parce qu’il ne nous livre les données que de 2007 à nos jours.

Succès de l’austérité en Estonie

Les chiffres sont exacts, mais ils sont présentés de façon à induire en erreur au lieu d’informer (un peu comme si j’avais dressé un graphique montrant uniquement les chiffres à partir de 2009).

Mais avant de vous dévoiler la ruse, il y a une autre erreur à relever. Krugman veut sans doute nous faire croire que le ralentissement a coïncidé avec les réductions de dépenses. Mais son propre graphique montre que l’économie a chuté en 2008 – une année où les dépenses publiques ont bondi en Estonie de près de 18%, selon les données budgétaires de l’UE !

Ce n’est qu’à partir de 2009 que les législateurs estoniens ont commencé à réduire le fardeau des dépenses. Donc je suppose que le professeur Krugman veut nous faire croire que l’économie a plongé en 2008 en raison des anticipations à l’égard de l’austérité de l’année 2009. Ou quelque chose comme ça.

Revenons maintenant à ma critique du bidouillage des chiffres : Krugman veut faire croire que l’Estonie stagne en ne conservant que les données postérieures à 2007. Mais comme vous pouvez le voir sur ce deuxième graphique, à long terme, les performances économiques de l’Estonie sont tout à fait exemplaires. Elle a doublé sa production de richesse en seulement 15 ans, selon les chiffres du Fonds monétaire international. Au cours de cette pleine période – qui comprend le récent ralentissement – elle a connu l’un des taux de croissance les plus rapides de l’Europe.

Succès de l’austérité en Estonie

Ça ne signifie pas que l’Estonie est parfaite. Elle a fait l’expérience d’une bulle immobilière et de crédit, et il y a eu une profonde récession lors de l’éclatement de la bulle. Et les politiciens ont laissé exploser les dépenses publiques pendant les années de bulle, le budget ayant quasiment doublé entre 2004 et 2008.

Mais face à l’excédent de dépenses et à la récession, l’Estonie a réagi d’une manière très responsable. Au lieu d’exploiter la faiblesse de l’économie comme excuse pour alourdir davantage le fardeau des dépenses publiques dans l’espoir que l’économie keynésienne apporte ses solutions magiques (après avoir échoué sous Hoover et Roosevelt dans les années 1930, au Japon dans les années 1990, sous Bush en 2008, et sous Obama en 2009), les Estoniens ont compris qu’il était nécessaire de réduire les dépenses.

Et maintenant que les dépenses ont été coupées, il est intéressant de noter que la croissance a repris.

Ce qui rend la diatribe de Krugman particulièrement amusante, c’est qu’il l’a écrite au moment même où le reste du monde commence à voir l’Estonie comme un modèle. Voici un extrait de ce que CNBC vient de publier.

Seize mois après son entrée dans le bloc des devises en difficulté, l’Estonie est en plein essor. L’économie a crû de 7,6% l’an dernier, soit cinq fois la moyenne de la zone euro. L’Estonie est le seul pays de l’eurozone à être en excédent budgétaire. La dette publique ne représente que 6% du PIB, à comparer aux 81% de la vertueuse Allemagne ou aux 165% de la Grèce. Les clients se pressent dans les boutiques design et dans les nouveaux restaurants branchés de Tallinn, la capitale médiévale, et les entreprises high tech se plaignent de ne pas trouver de gens pour occuper leurs postes vacants. Cela semble bien loin de la zone d’ombre qui plane partout ailleurs en Europe. Ces performances de l’Estonie sont d’autant plus remarquables quand on considère que c’était l’un des pays les plus durement touchés par la crise financière mondiale. [...] Comment sont-ils parvenus à rebondir ? « Je n’ai qu’une seule réponse : l’austérité. Austérité, austérité, austérité. » dit Peeter Koppel, stratège en placement à la Banque SEB. [...] Ce n’est pas exactement le message que les Européens du sud veulent entendre. [...] L’Estonie a également porté une attention particulière aux principes fondamentaux de la création d’un environnement favorable aux entreprises : réduire et simplifier les impôts, faciliter et réduire les coûts de la création d’entreprises.

Une bonne politique fait la différence. Mais cela aide aussi d’avoir des citoyens rationnels (contrairement à la France, où les gens votent pour des analphabètes économiques et militent contre la réalité).

Alors que les réductions de dépenses ont déclenché des grèves, des troubles sociaux et des renversements de gouvernements dans des pays comme l’Irlande ou la Grèce, les Estoniens ont enduré certaines des mesures d’austérité les plus difficiles sans exprimer le moindre murmure. Ils ont même réélu les politiciens qui les ont imposées. « C’était très difficile, mais nous y sommes parvenus », explique Juhan Parts, le ministre de l’Économie. « Tout le monde a dû faire un peu d’effort. Les salaires réglés par le budget ont tous été coupés, mais nous avons réduit les salaires des ministres de 20% et ceux des fonctionnaires en moyenne de 10% » déclare Parts dans GlobalPost. Outre la réduction des salaires du secteur public, l’État a répondu à la crise de 2008 en relevant l’âge de la retraite, en rendant plus difficile l’accès aux prestations de santé et en réduisant les allocations chômage – des mesures qui ont toutes été accueillies avec colère lorsqu’elles ont été proposées en Europe occidentale.

Néanmoins, il est intéressant de noter que l’État est encore beaucoup trop gros en Estonie. Le secteur public consomme environ 39% de la production de richesse, soit quasiment le double du poids des dépenses publiques de Hong Kong et de Singapour.

Mais au moins, contrairement à certains politiciens américains, les Estoniens comprennent le problème et prennent les mesures pour aller dans la bonne direction. J’espère qu’ils continueront.

Notes :

  • Le président de l’Estonie, un social-démocrate nommé Toomas Hendrik Ilves, a répondu au billet de Krugman sur son compte twitter. Vous pouvez vous en amuser en consultant cet article du HuffingtonPost.
  • Quelques autres pays, comme le Canada et la Nouvelle-Zélande, ont également imposé une véritable réduction de dépenses au cours des dernières décennies et ont également obtenu de bons résultats.

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Article original titré Cato Institute.
Traduction : Raphaël Marfaux pour Contrepoints.


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