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Cravate rouge

Par Pseudo

Jean-luc-Mélenchon 1.jpgOn peut lui trouver du panache, à Jean-Luc. Mais à la façon de qui ? Celle de Don Quichotte, de Cyrano... ou celle de Matamore ? Et que de colère ! Quelle façon, surtout, d'exiger du peuple qu'il soit comme il lui convient.

Mais le peuple n'est pas comme il te convient, Jean-Luc ; il est comme il ne peut pas faire autrement qu'il soit. Usé par ses boulots incertains, ses jobs intermittents, ou tout bonnement "délocalisés", flashés, zappés, zipés, blackboulés ; dégoûté de lui-même, le peuple, s'il est devenu ce paria des minima sociaux, avec au cul son statut infâmant d'assisté, de bon à rien, de faignasse. Ou boursouflé d'indignation, au contraire, s'il est de ceux qui se lèvent tôt effectivement – et pas que 35 heures dans la semaine – pour se faire traire de toutes ces "charges" honnies qui permettent d'assurer les minima sociaux des autres... et le train de vie des sénateurs, ce que tu fus pendant 20 ans avant de filer au Parlement européen.

Le peuple fait comme il peut, Jean-Luc, parce qu'il se serre la ceinture pour se loger dans un quartier de merde grise, taggé, salopé, pendant que dealers et caïds se lèvent à 4 heures de l'après-midi pour faire ronfler leurs caisses allemandes, et l'insultent s'il a l'outrecuidance de déranger la meute en rejoignant son cagibi. Parce que pour digérer ça, il ne sait pas "verbaliser", le peuple, comme tu le fais si bien toi, ou ces bourges éduqués, urbains, diplômés, à l'abri de tous les risques, enfin tous ceux qui sont nés avec la panoplie du bon ton, et qui le conchient, ce populo de beaufs – car tous les gens du peuple sont des beaufs, Jean-Luc, c'est d'ailleurs pour ça qu'ils votent Le Pen ou Sarkozy. Mais là Sarkozy c'est fini, ils ont compris. Alors il leur reste la Marine bretonne, et tu viens lui cracher au visage, dans son fief !

Tu t'es pris pour Robespierre, Jean-Luc, mais le peuple ne sait plus qui c'est. Tu n'es qu'un tribun du peuple sans peuple. Brutal, énervé, méprisant aussi. Lui as-tu une fois, une seule fois, parlé de ses problèmes, Jean-Luc ? De ses vrais problèmes ? En veux-tu des exemples : le glissement irrésistible de cette société sans boussole vers un déficit durable, structurel, de l'offre d'emploi, quand ce qu'il en reste devient inévitablement précaire ; l'évolution tout aussi certaine vers la dislocation de ces "assurances sociales" – chômage, retraite, maladie – qui incarnaient la solidarité de la nation envers tous ses enfants, mieux encore la fraternité revendiquée par notre révolutionnaire devise, rayonnante avant que nous n'en fussions devenus blasés ; l'abâtardissement de ce qui fut l'Education nationale, obèse, déglinguée, confite en corporatisme, qui ne sait même plus apprendre à lire à une demi-classe d'âge ; subséquemment l'angoisse, dans le cœur de ce peuple désorienté, que sa progéniture, dépourvue de toute formation – ou riche de ses diplômes d'ignare – soit déclassée plus encore qu'il ne le fut lui-même par rapport à la caste des héritiers...

Pouvais-tu le comprendre, Jean-Luc, ce qui tracassait leurs tronches désespérées ? Ce déclassement qu'ils pressentent, cette indignité, cet asservissement, préparés pour eux par la guilde internationaliste des démolisseurs de solidarités locales – financiers grands maîtres de tout, businessmen sans patries, libre-échangistes cyniques, Cassandre environnementalistes, européistes inconditionnels, utopistes du village mondial... tous dérégulateurs dogmatiques, ligués contre ce ringardisme, cet archaïsme, cette résistance insolente : le peuple en corps constitué, les pieds bien assurés sur un territoire qui a fait niche au fil des siècles et des épreuves, corps constitué par lequel il se forge une identité, une âme, se civilise, s'éduque et se protège... pourvu qu'il se trouve quelques élites qui sachent donner du sens et de la cohésion.

Benoît-Constant Coquelin - 1ère de Cyrano - théâtre St Martin - 27-12-1897.jpg
Au lieu de quoi tu es allé leur parler de fascisme ! De guerre contre on ne sait quelle bête immonde sortie de ton obsession, d'ultimes combats d'une Guerre d'Espagne ressuscitée dans la fureur de tes imprécations. Quoi d'autre qu'une espèce d'orage incompréhensible croyais-tu pouvoir représenter pour ces abandonnés ? Orlando furioso venu sauver Angélique ou Olympe de quel démon, quelle orque marine – si tu me permets ce clin d'œil d'accoler l'Arioste à ta compétitrice abhorrée ? Etait-ce vraiment un combat pour le peuple que tu allais chercher, avec ta rage, sur ces terres qui donnèrent leurs meilleures troupes à la gauche, ou une estrade de bateleur ? Le peuple des petites gens, comme on ne dit plus, n'a pas besoin de tes leçons d'histoire des années 30 ; il attendait un protecteur, un bouclier, un avocat au moins. Un Moïse traçant la voie nouvelle pour sauver la tribu dans ce XXIème siècle si périlleux. Tu n'as été qu'un orateur de commémoration. Il ne te manquait que les gants de boxe, et une télé complaisante, pour faire le pitre comme un vulgaire Bernard Tapie... avec un Le Pen à l'ancienne.

 


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