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[important]Enseignes publicitaires : la Charte de l'environnement peut être évoquée en référé

Publié le 17 juin 2012 par Arnaudgossement

Logo-charte-environnement_DR.jpgVoici une décision d'une exceptionnelle importance. La Charte de l'environnement devient définitivement un instrument très concret du progrès du droit de l'environnement et plus personne ne pourra oser prétendre qu'il ne s'agirait que d'une déclaration de principe. Le Juge des référés du Conseil d'Etat vient en effet d'ordonner en référé la suspension de l'exécution d'une disposition réglementaire relative aux enseignes publicitaires au sol en raison de la violation de l'article 3 de la Charte relatif au principe de prévention. 


L'ordonnance n°359570 du Juge des référés du Conseil d'Etat du 8 juin 2012 peut être consultée ici. 

A titre liminaire, qu'il me soit tout d'abord permis de me réjouir, à titre personnel, de cette ordonnance du 8 juin 2012 rendue à la demande des associations France Nature Environnement et Agir pour les paysages

Aux côtés de mes confrères Corinne Lepage et Sébastien Le Briéro, j'avais en effet eu la chance de plaider l'affaire dite du "Tecknival" au nom de plusieurs associations de défense de l'environnement. A notre demande, le Juge des référés du Tribunal administratif de Chalons en Champagne, saisis de plusieurs requêtes en référé suspension et en référé liberté, avait en effet, sur le fondement de l'article 1er de la Charte, ordonné à l'Etat de prendre toute mesure de nature à interrompre une manifestation "teknival" dans un espace naturel sensible et promis à un classement Natura 2000. 

Vous pouvez télécharger ici l'ordonnance du 29 avril 2005 du Tribunal administratif de Châlons en Champagne du 29 AVRIL 2005 "Conservatoire du patrimoine naturel, Ligue de protection des oiseaux, Fédération des conservatoires d’espaces naturels c/ Préfet de la Marne", n°0500828, 05008829 et 0500830.

Par ailleurs, il faut souligner que France Nature Environnement, qui avait participé à l'élaboration de la Charte de l'environnement, contribue actuellement de manière décisive à sa mise en oeuvre devant le Juge. Les demandes adressées par FNE au Juge administratif et au Juge constitutionnel permettent à ces derniers de préciser de manière remarquable la valeur et la portée de la Charte et, notamment, du principe de participation qui y est inscrit. 

L'actualité du droit de l'environnement a rarement été aussi riche et intéressante !

Revenons à l'ordonnance "FNE et Agir pour les paysages" du 8 juin 2012.

Dans cette affaire, les associations ont demandé au Juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre l'application du décret n° 2012-118 du 30 janvier 2012 "relatif à la publicité extérieure, aux enseignes et aux préenseignes", lequel modifie les dispositions du code de l’environnement en vue notamment de préciser les règles applicables aux bâches publicitaires et aux enseignes scellées au sol ou installées directement sur le sol.

La demande de suspension en référé sera accueillie favorablement sur un point par le Juge des référés. 

"Considérant, en second lieu, que le moyen tiré de ce qu’en ne restreignant plus, à compter du 1er juillet 2012, les dimensions maximales des enseignes de plus d’un mètre carré scellées au sol ou installées directement sur le sol les dispositions de l’article R. 581-65 de ce code issues du décret du 30 janvier 2012 méconnaissent l’obligation faite au Gouvernement de définir, au regard du principe énoncé à l’article 3 de la Charte de l’environnement, les modalités d’application de l’article L. 581-18 du code de l’environnement, en déterminant les conditions de la prévention des atteintes portées par ces enseignes aux paysages et au cadre de vie, doit être regardé, en l’état de l’instruction, comme étant propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des dispositions dont la suspension est demandée"

Ainsi, le Juge des référés a considéré que l'article R.581-65 du code de l'environnement, issu du décret du 30 janvier 2012 est susceptible de méconnaître l'aticle 3 de la Charte de l'environnement en ce qu'il ne restreint plus, à compter du 1er juillet 2012, "les dimensions maximales des enseignes de plus d’un mètre carré scellées au sol ou installées directement sur le sol".

Rappelons que l'article 3 de la Charte précise : 

"Art. 3. - Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences".

 Il s'agit du principe de prévention des atteintes à l'environnement. 

Au cas présent, les associations soutenaient "qu’il existe un doute sérieux quant à sa légalité ; qu’en ne fixant aucune limite de surface et de hauteur aux enseignes scellées au sol ou installées directement sur le sol, le décret contesté n’a pas défini les modalités d’application des conditions de la prévention des atteintes aux paysages et au cadre de vie par les enseignes, en méconnaissance de l’article 3 de la Charte de l’environnement et des dispositions du premier alinéa de l’article L. 581-18 et de l’article L. 581-1 du code de l’environnement"

Le Juge des référés a donc fait droit à cette analyse. La "généralité" du principe de prévention ne fait pas obstacle à ce que le Juge des référés, "Juge de l'évidence", en contrôle le respect par une décision administrative. 

Plus encore, la présente ordonnance du 8 juin 2012 permet de préciser le sens du principe de prévention : une disposition réglementaire qui ne prévoit pas les "modalités d'application des conditions de la prévention des atteintes aux paysages et au cadre de vie" est manifestement contraire à l'article 3 de la Charte de l'environnement.

La carence du pouvoir réglementaire constitue donc un motif de violation du principe constitutionnel de prévention. 

Il s'agit ici d'un progrés incontestable du droit de l'environnement. 

Arnaud Gossement

Avocat associé

Cabinet Gossement avocats

http://www.gossement-avocats.com


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