Morano maronite ?

L’imitateur Gérald Dahan, déjà auteur de plusieurs canulars téléphoniques, a réussi à piéger Nadine Morano en contrefaisant la voix de Louis Aliot, le second de Marine Le Pen. L’enregistrement de cette communication se trouve ici et j’en ai réalisé une transcription partielle là.

Au cours de cet entretien, Madame Morano exprime à plusieurs reprises son admiration pour Marine le Pen : « elle a un talent oratoire, elle a beaucoup de talent ». C’est incontestable mais il ne faut pas confondre talent oratoire et talent tout court. La verve, voire la gouaille, et la netteté de l’expression ne vont pas nécessairement de pair avec la validité des propos. Et quand on est habile à dire, on n’est pas obligatoirement capable de faire.

Vers la fin de l’entretien, Nadine Morano déclare : « Mais j’comprends pas pourquoi un jour ellese place pas dans le champ où elle pourrait gouverner ». Elle détruit ainsi l’argument de l’UMP qui, lorsqu’on lui fait observer qu’en 2002, la gauche battue au premier tour de la présidentielle avait su choisir la droite pour faire barrage à l’extrême droite, répond que le problème est différent lors d’élections législatives. Si je comprends bien la déclaration de Nadine Morano, elle ne serait pas opposée à l’accession de l’extrême droite à la présidence de la République.

Elle prophétise ensuite, dans son langage châtié, la ruine de la France. Il est étrange de constater comment la droite se considère seule qualifiée pour gouverner la France, elle qui l’a conduite dans l’état où elle se trouve avec quinze ans de présidence et dix ans de gouvernement sans partage. Elle s’effraie du droit de vote des étrangers alors qu’il est simplement question de leur permettre de participer aux élections locales et nullement de les rendre éligibles.

Cette attitude est d’autant moins compréhensible que, comme de nombreux autres opposants à cette avancée démocratique, Madame Morano est issue de l’immigration. Un peu comme ceux qui, sauvés de la noyade après un naufrage par un esquif providentiel, refusant toute surcharge, écrasent à coups de talons résolus les mains de ceux qui essaient ensuite d’y grimper à leur tour. Quelle étrange formule aussique cette France ouverte et protégée, de la part de ceux qui, prétendant la protéger, la cadenassent.

Ce qui est singulier également, c’est sa réaction après la diffusion de cet entretien et surtout après sa défaite. Il est un point sur lequel on ne peut lui donner tort : il n’est pas élégant de diffuser un entretien privé sans l’accord de son interlocuteur.Mais lorsqu’elle affirme que Gérald Dahan est socialiste, j’ignore ce qu’il en est et remarque que ce terme est imprécis : est-il militant, adhérent, sympathisant ou votant  et je ne vois pas pourquoi cette qualité devrait lui interdire d’intervenir en politique. D’autre part, je ne comprends pas ce qui met Madame Morano en colère, au point d’accuser l’imitateur d’avoir contribué à sa défaite. Aurait-il émis quelque opinion personnelle, aurait-il déformé ses propos ? Elle aurait mieux fait de le remercier d’avoir élargi la diffusion de ses convictions. À moins qu’elle en ait honte ?