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Chaos mexicain (flic en roue libre)

Par Borokoff

A propos de Dias de Gracia d ’Everardo Gout ★★★½☆

Dias de Gracia d'Everardo Gout - Borokoff / Blog de critique cinéma

Mexico : 2002, 2006, 2010. Trois coupes du Monde. Trois histoires tragiques où cohabitent en permanence le bien et le mal, l’amour et la haine. 2002 : Lupe est un jeune flic pétri d’idéal qui veut lutter à la fois contre la corruption de son service et l’escalade de la violence et des trafics de drogue des gangs dans la capitale. Il payera son audace et son honnêteté au prix comptant lorsque la pègre s’en prendra aux siens. 2006, Iguana est un jeune boxeur pas foncièrement mauvais mais qui a participé à l’enlèvement d’un acteur qu’il surveille tout en lui racontant les faits marquants de la coupe du Monde. 2010, Susana cherche à réunir les 2 millions de dollars correspondant à la rançon réclamée par les ravisseurs de son mari. Ce qu’elle va découvrir sur ce dernier l’anéantira plus que tout le reste…

Depuis quelques temps, les réalisateurs mexicains semblent avoir trouvé dans la violence et le crime organisé qui gangrènent le pays la matière première, cruellement idéale de leur cinéma. Le cinéma mexicain de ces dernières années ressemble ainsi à un miroir très réaliste du mal qui ronge cette société et que les autorités ont le plus grand mal à endiguer quand elles ne le cautionnent pas tout simplement. La guerre des gangs, les meurtres atroces pour s’approprier un territoire, asseoir un trafic de drogue ou contrôler la police et l’Etat épouvantent le peuple mexicain comme le monde entier. Dans la même veine que Dias de gracia, Miss Baja peignait sans fard la corruption généralisée du pays et la barbarie dont la pègre mexicaine n’hésite pas (pire même, elle s’en gausse même) à faire preuve envers les journalistes notamment.

Tenoch Huerta - Dias de Gracia d'Everardo Gout - Borokoff / Blog de critique cinéma

Tenoch Huerta

Si Miss Baja et Dias de gracia sont deux belles surprises qui parlent des mêmes choses dans le fond, ils ont pourtant peu de points communs dans la forme. Premier long-métrage d’Everado Gout, également auteur du scénario, Dias de gracia raconte avec une inventivité voire une virtuosité stylistique trois histoires qui prennent comme prétexte le football, thème universel. Dans ces trois histoires qui s’étalent sur huit ans, les personnages se retrouvent  mêlés peu à peu à une seule et même intrigue, un peu comme dans Amours chiennes auquel le film fait penser. Mais les repères spatio-temporels sont ici beaucoup plus flous et la chronologie des évènements brouillée, ce qui renforce l’idée du chaos dans lequel le pays s’enfonce depuis dix ans.

Everardo Gout est un « intellectuel du ventre », un artiste qui ne s’embarrasse pas de longs discours mais filme à l’instinct ce qui le préoccupe autant que le peuple mexicain : c’est-à-dire la brutalité intrinsèque des cartels et la corruption de la police. Mais entre les sentiments tantôt de haine (les gangsters détestent l’acteur qu’ils ont enlevé parce qu’il est riche) tantôt d’amour passionné qui existent entre ses personnages (Lupe et sa femme), Gout dépeint aussi avec nuance (loin de la première impression certes stylisée mais un brin tape à l’œil laissée par la mise en scène) le sentiment de compassion qui nait entre un jeune bourreau et sa victime.

On sent comme de la nervosité chez Gout, un désir pressant et organique, presque viscéral de filmer. Comme si sa caméra ne pouvait se poser ni tenir en place. Gout multiplie les angles pour filmer. Sa caméra donne parfois le vertige, comme si il doutait en permanence, jamais satisfait du cadre. Mais à cette débauche d’énergie, cette cascade de plans, de cadres correspond une force vitale, créatrice sans limites que le découpage exigeant et précis du scénario comme le montage du film permettent de canaliser et de mieux maitriser. Le rythme frénétique de la mise en scène s’octroie aussi des répits avec les compositions très inspirées et éclectiques de Nick Cave, Warren Ellis (L ’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford), Massiv Attack ou encore Shigeru Umebaysahi (In the mood for love), Atticus Ross (oscar 2006 de la meilleure musique originale pour The Social Network) et Antony Partos. De quoi entrevoir de belles promesses pour ce réalisateur.

Et puis, il faut saluer le jeu de ses acteurs, notamment Dolores Heredia (Susana) et Tenoch Huerta (Lupe), policier intègre mais qui, ivre de douleur, se transformera en justicier halluciné, aveuglé par la haine et le désir de se venger. Un flic incontrôlable dont le regard tantôt allumé tantôt paumé hante longtemps après la séance le spectateur et fait froid dans le dos. Comme le chaos irrémédiable dans lequel s’enfonce chaque jour le Mexique…

http://www.youtube.com/watch?v=xh0gSuQWRVw

Film mexicano-français d ’Everardo Gout avec Tenoch Huerta, Kristian Ferrer, Dolores Heredia et Carlos Bardem (02 h 12).

Scénario d ’Everardo Gout :

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½
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Mise en scène :

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½
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Acteurs : 

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Dialogues :

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Compositions de Nick Cave, Warren Ellis, Massiv Attack, Shigeru Umebaysahi, Atticus Ross et Antony Partos : 

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